Histoire de Saint Jean de Boiseau

L'église depuis sa réfection (1)



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Au bourg de Saint Jean, sur un point élevé de la commune de St Jean de Boiseau, est posée comme un chapiteau, l'église St Jean Baptiste. Son clocher émerge à peine ; il contribue à donner à l'édifice, un aspect massif et trapu qui surprend comparé aux églises voisines, plus élancées parce que beaucoup plus récentes : Le Pellerin, Brains, La Montagne, Couëron.

La route principale, en provenance de Bouguenais, traverse la commune et butte presque contre l'édifice qui l'oblige à bifurquer vers l'ouest dans la direction du Pellerin, en frôlant la mairie.

Après l'église, la route plonge sur la combe de Béthélian, au fond de laquelle s'élève la chapelle de Bethléem de la fin du XVème, contemporaine du chœur de l'église St Jean Baptiste.

De cette combe, Edmond Bertreux, le peintre du pays nantais, amoureux des paysages boiséens, (ses grands-parents demeuraient au village de Boiseau) a maintes fois représenté les processions du Mardi de Pâques à Bethléem avec, en fond de tableau, l'église et les petites maisons de "La Vallée " qui décrochent en escalier (Voir le tableau au chap. 25).

Edmond Bertreux a peint l'église sous tous les angles :

On aperçoit le chevet plat de l'église, avec la grande croix déposée en 1966 : un chevet si nu que l'on aimerait le prolonger pour en adoucir l'architecture.

Le chevet de l'église témoigne d'une longue histoire

Les travaux de décrépissage entrepris par l'Entreprise Boistel en 1997, ont fait apparaître un remplissage de pierre au centre du chevet que l'on remarque de la place de la Liberté.

Le mur, volontairement déconstruit en partie haute, dévoile l'emplacement d'un grand vitrail : cette démolition partielle est comme un coin de voile levé sur une longue histoire que nous avons le plaisir de vous conter.

L'église St Jean Baptiste : un assemblage réussi de constructions d'époques différentes

L'église actuelle est constituée de cinq parties :



A - La tour carrée du clocher identifié comme étant du XIIème.
B - Le chœur certifié de la fin du XVème.
C - La chapelle Ste Anne, auparavant dédiée à St Nicolas, datée de 1724,
D - La grande nef construite en 1834.
E - La sacristie bâtie en 1861.

Fait assez exceptionnel pour un édifice qui a traversé autant de siècles, on ne trouve pas dans son histoire, depuis la fin du Moyen Âge, des destructions dues à des conflits ou des incendies qui auraient obligé à le reconstruire dans l'urgence (2). Du XVème au XVIIIème, les reconstructions sont le résultat de choix très en amont. A partir du XIXème, les circonstances ont guidé les transformations comme cet apport de population, vers 1830, qui a conduit à un agrandissement de l'église.
(2) Même la révolution a épargné le bâtiment. Mais on ne remonte pas ici au milieu du moyen âge où les Normands ont saccagé et pillé des édifices religieux. L'ancienne église de St Jean de Bouguenais a été incendiée à quatre reprises au IXème et Xème siècle (Voir XIV siècles d'histoire p 20).

Pour donner une époque de réalisation de l'église, il faut donc prendre en compte les différentes parties. A l'exception de la tour du clocher qui serait du XIIème, la construction de l'église s'est étendue sur quatre siècles, du XVème au XIXème.

Des sablières ... source de notre mémoire

Nous commençons par la découverte du chœur qui porte encore les empreintes de son temps.

La charpente repose sur les parois du chœur au niveau des poutres sablières (3). (Voir sur la photo page 3, les deux pièces de bois au raccord de la voûte). Celles­ ci offrent une face libre que les sculpteurs ont utilisée pour transmettre des messages à des paroissiens le plus souvent analphabètes.

La sablière située à droite de l'autel montre des visages dont la signification est restée longtemps énigmatique. Nous proposons une interprétation chap. 11.

Sur la sablière de gauche, les blasons des trois commanditaires de la construction du chœur sont fixés à la poutre.

Les recherches entreprises sur ces blasons, vont nous permettre de déterminer précisément la date de l'édification du chœur.
(3) Une sablière est une poutre de bois dur, placée au sommet du mur et qui sert d'appui à la charpente. La poutre est posée sur un lit de sable pour répartir la poussée ; c'est pourquoi on lui donne le nom de sablière.

Le chœur de l'église ... de la fin du Moyen Age

C'est une richesse patrimoniale exceptionnelle de posséder à St Jean de Boiseau, une partie d'église qui date du XVème siècle.

Très peu d'édifices en Loire. Atlantique comportent encore une charpente qui a franchi cinq siècles sans modification ni retouche. C'est le cas de la charpente du chœur qui nous est parvenue intacte c'est-à­dire en l'état où les charpentiers du moyen âge l'ont terminée sans qu'il y ait eu besoin de renforcement pour résister aux outrages du temps.

Mandatée par la mairie, l'entreprise Jean-Louis Boistel a fait ces découvertes dans le cadre d'une expertise du chœur de l'église pour juger du mauvais état des plâtres qui couvraient le plafond gothique (4).

Voici quelques-uns des écrits de M. Boistel qui marquent son étonnement au fur et à mesure de l'avancement du chantier.

"la première visite fut effectuée le 23 septembre 1993. Notre surprise fut grande de découvrir que la corniche de plâtre (XIXème siècle) s'appuie sur une sablière de chêne du XVème siècle peinte en blanc et parsemée de sculptures.
(4) Suite à cette expertise, les plâtres ont été descendus pour laisser paraître un lambris de planches de châtaigner refendues à 2 cm d'épaisseur.
Sur d'anciennes cartes postales, on retrouve le lambris de couleur gris bleuté et orné d'un motif central au sommet de la voûte, avec chérubins : un décor repris par le peintre E. Bertreux dans une représentation du chœur.

Un échafaudage léger nous permit de l'approcher et d'en sonder la qualité.

La régularité des intervalles et quelques détails comme des arrêts sur entraits et base de fermes nous invitèrent à visiter les combles et la charpente.

Nous eûmes la surprise de découvrir une charpente du XVème à chevrons formant fermes, parfaitement intacte et sans rajouts postérieurs. Les charpentes médiévales dans cet état sont extrêmement rares en Loire­Atlantique. L'église de Lavaux, malheureusement détruite en juillet 1992 par la foudre, possédait une charpente de cette époque".

Nous allons maintenant détailler les blasons de la sablière Nord.

La sablière au trois blasons

Les blasons d'un notable et de deux ecclésiastiques sont encore bien en évidence dans le choeur de l'église, fixés sur la poutre sablière Nord. Mais perchés à six mètres au-dessus du sol, les emblèmes ne sont pas très lisibles.
Voici les photographies des blasons prises sur la poutre, suivies d'une représentation graphique (5)

(5) Les Goheau et Du Chaffault ont aussi leur blason en clés de voute de la chapelle de Bethléem

.

Les blasons des bourrigan du Pé

Une famille noble qui a occupé le chapiteau du Pé de 1443 à 1590 (6)

En héraldique : " de gueules à trois lions couronnés d'argent "
.

(6) Le site du Pé est connu depuis qu'Alain Barbetorte (910 - 952) 1er duc de Bretagne, a transmis cette terre à la famille Borrigan devenue en 1443 Bourigan du Pé.

Le blason d'André Du Chaffault, évêque de Nantes,



L'évêque est à la tête du diocèse de 1477 à 1487.

En héraldique : " de sinople à la crosse d'or tenue des quatre membres par un lion aussi d'or couronné et lampassé de gueules, le tout couronné "








Le blason de Jehan de Goheau de l'Abbaye de Geneston,

Ce chanoine a été abbé de 1486 à 1509.

En héraldique : "d'argent à la face d'or, accompagné de trois trèfles de gueules, deux en chef et une en pointe ".



Le chœur de l'église est bien de la fin du XVème siècle et sa construction a pu être achevée vers 1490 au regard des dates ci-dessus.

Remarque importante.

On observe que les blasons sont rapportés sur la sablière ; ce qui nous fait dire que les sablières ne dateraient pas du XVème mais seraient beaucoup plus anciennes. Elles auraient été simplement récupérées sur la partie détruite pour permettre la construction du chœur. Une datation par dendrochronologie, plus précise que le carbone 14, serait intéressante ; elle permettrait de préciser l'âge des sablières et par conséquent celle de l'église antérieure au XVème (7).

(7) La dendrochronologie permet de connaître très précisément l'âge de l'arbre utilisé pour extraire la poutre. ll reste à évaluer les délais avant la mise en œuvre.

Saint Jean de Bouguenais dépend de l'abbaye de Geneston

(8) La commune de St Jean de Boiseau porte ce nom depuis la révolution ; elle s'étendait alors du Pellerin à Roche Ballue en Bouguenais avant la création de la commune de La Montagne en 1867.
Avant la révolution, la paroisse se nommait St Jean de Bouguenais avec des variantes au cours des temps : St Jean de Boisel ou St Jean de Bégoneys en 1362, St Jean de Bégonais un peu plus tard. On voit aussi St Jean de Bourgonnais ou Bourguenaye 1665 sur des documents notariés ... une transcription peu soucieuse de l'orthographe des noms propres.

La présence du blason de l'abbé Jean Goheau dans l'église ainsi qu'en clé de voûte dans la chapelle de Bethléem, nous conduit à nous intéresser à l'abbaye de Geneston.

Pourquoi cette abbaye est-elle présente sur la paroisse, alors qu'il existait des ordres religieux beaucoup plus proches ?

(Voir en annexe , les ordres religieux masculins implantés dans le diocèse de Nantes)

Les paroisses étaient avant tout sous la responsabilité de l'évêque du diocèse où étaient ordonnés les prêtres mais un ordre religieux celui des Augustins, établi à Geneston, pouvait avoir des charges pastorales dans certaines paroisses.

C'est ainsi que la paroisse St Jean de Bouguenais dépendait de l'abbaye de Geneston : cette abbaye possédait des terres sur ce territoire.

Naissance de l'abbaye de Geneston (E.Boutin)

Lorsque Bernard, un ancien moine de Clairvaux succéda, en 1135, à Brice comme évêque de Nantes, il se trouva confronté aux mêmes problèmes que son prédécesseur : l'inculture, l'incapacité et la maigre gormeation religeuse des prêtres séculiers, dont certains étaient simoniaques ou ricolaïtes.(9)

Pour appliquer la récente réforme grégorienne, il lui fallait des religieux. Or Bernard constata le manque d'abbayes dans son diocèse au sud de la Loire : Buzay venait créée ainsi que Ste Marie. Seule la Chaume était une plus ancienne. Et encore les moines tenus par leur discipline et leur règle étaient-ils uniquement des contemplines. Alors l'évêque fit appel aux chanoines de St Agustin, qui étaient eux aussi astreints à la récitation de l'office mais pouvaient avoir une vue active. De plus ces religieux étaient instruits. Il leur confla dons la formation des prètres et leur direction spirituelle. Et il les installa dans un endroit inhabité, couvert de genêts (d'où le nom de Geneston) où seule existait une maladrerie sous le nom Ste Madeleine. L'abbaye fut donc fondée en 1147 ou 1148. Et les religieux entreprirent de défricher la région.


(9)Simonie : volonté réfléchie d'acheter ou de vendre des biens spirituels.
Nicolaïsme : doctrine qui refuse le célibat religieux, donc pour le mariage des prêtres.




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