Histoire de Saint Jean de Boiseau

Les écoles primaires se St Jean de Boieau

C'était ... au mois de mai.



Les écoles primaires de St Jean de Boiseau

St Jean de Boiseau a deux écoles primaires, l'une publique et l'autre privée. Dans chacune d'elles il y a une maternelle et dans le primaire une école pour les filles et pour l'autre pour les garçons. On ne change pas encore les gars avec les filles. Cette miximité n'existe qu'en maternelle et partir de la dixième.

L'école publique

Le directeur de l'école est Monsieur André Durand ; il est secondé dans sa tâche de Mesdames et Claudette Huet ainsi que de Monsieur Pierre Caro. Lorsque les évènements sociaux frappent la commune, il suit les directives du syndicat enseignant et ferme l'école communale pendant une dizaine de jours. Cette décision est relativement bien acceptée par les parents. Il n'y a donc pas de situation conflictuelle ; ce qui ne sera pas le cas dans les écoles privées.

Les écoles privées

Mme Simone Durand, jeune enseignante, a bien voulu se replonger dans ses souvenirs pour nous restituer l'aspect conflictuel de ce mois de mai dans son école :
« Les écoles privées Saint-Marc et Sainte-Marie, ainsi que l'école publique, sont presque les seuls établissements de la commune à faire grève en 1968, car à cette époque très peu de commerces locaux ont des salariés. La maison de retraite n'est pas encore construite et il y a un seul garage (Stéphane Gouard) au Chat qui Guette.

Mais, en revanche, une grande partie de la population est concernée par les grèves de Château-Bougon, de Basse- Indre, Indret et les Côteaux, si bien que nous vivons dans un environnement porteur. Nous suivons de près, à la radio, les évènements qui se sont enclenchés à Paris par le mouvement étudiant, mais aussi à Nantes où s'est constituée « La Commune de Nantes », collectif qui réunit toutes les forces en mouvement.
Dans l'enseignement privé, le passage de la CFTC à la CFDT a été largement approuvé et suivi parce qu'il y a un désir d'émancipation face à la hiérarchie catholique qui pèse de tout son poids. C'est le début du « colloque de Nantes » où des enseignants du public, comme Guy Gouraud et des enseignants du privé discutent ensemble de l'évolution et du rapprochement de l'enseignement privé avec le public, ceci après la loi Guermeur qui a permis aux enseignants de passer un contrat simple avec l'Etat.
Aussi, quand la CFDT lance un mot d'ordre de grève générale, les huit enseignants des écoles Saint-Marc et Sainte-Marie, décident à l'unanimité de cesser le travail. Le directeur, Hubert Vrignaud, assure la cohésion du groupe et à aucun moment il n'y a de dissension entre nous. Il n 'y a ni accueil des enfants, ni cantine. Nous nous réunissons régulièrement dans une des classes de l'école Saint-Marc pour faire le point sur la situation. Nous sommes solidaires du monde ouvrier mais très peu touchés par l'esprit libertaire du mouvement étudiant et le slogan « Il est interdit d'interdire » n'est pas le nôtre, à l'époque où la blouse d'écolier est obligatoire. Nous demandons l'amélioration de nos conditions de travail :
- Les bâtiments scolaires (classes, préau, wc ...) sont très vétustes dans les parties anciennes.
- Le mobilier n 'estjamais renouvelé et le matériel pédagogique est très insuffisant. Mais nous réfléchissions aussi à l'évolution de l'enseignement privé et nous avons participé à l'école Saint-Pierre de Bouguenais à une réunion d'enseignants de tout le secteur pour débattre des perspectives d'avenir de notre profession, mais les avis étaient partagés car cela était nouveau et assez dérangeant dans nos pratiques quotidiennes. Il y eut aussi, à l 'initiative des enseignants, une réunion de parents d'élèves à la salle de l'Alerte : les huit enseignants face aux parents, essayant d'expliquer la raison de leur mouvement et là, ce fut un peu la foire d'empoigne. Certains allant jusqu 'à demander la suppression des abonnements aux revues enfantines à cause de leur orientation trop sociale.
Le climat était donc très tendu, surtout avec l'OGEC, organisme de gestion. Un des responsables déclara au directeur : ce n'est pas la peine de vous présenter lundi matin à l'école. Et encore : on verra bien qui sera là à la rentrée prochaine.
Mais ces menaces ne furent pas suivies d'effets.
Les parents réagissaient de façons différentes : certains nous encourageaient, car eux-mêmes étaient engagés dans le mouvement, mais d'autres craignaient pour le certificat d'études de leurs enfants. La réforme Haby (elle le sera en 1972) n'avait pas encore été votée et l'entrée en sixième n'était pas obligatoire. Seuls les meilleurs élèves étaient admis au collège.

Durant toute cette période, la tension à St Jean était très vive et les gens préféraient parfois s'éviter plutôt que de s'affronter, car nous avions conscience qu'ensuite il nous faudrait vivre ensemble.
Nous fûmes aussi concernés par les Fêtes du Pé, qui essayaient de se maintenir, car les enseignants étaient tenus de défiler avec leurs élèves costumés de la chapelle de Bethléem jusqu'au château du Pé, puis de tenir le stand des enveloppes. Mais l'ambiance était à la méfiance et à l'incertitude.
Enfin, à la paroisse il y avait aussi beaucoup de tensions car le curé de l'époque était très remonté contre l'A.C.0. et la J.O.C. (voir son sermon dans l'église dans le chapitre sur la vie religieuse).
Dès que les usines voisines reprirent le travail, après les accords de Grenelle, nous reprîmes le chemin de l'école et le certificat d'études put se dérouler dans de bonnes conditions.
».

Conséquences de ces évènements sur la vie scolaire :

- L'examen du certificat d'études, si important pour nos anciens, mais dévalué depuis quelques années, n'est plus un passage obligé pour la poursuite des études secondaires.
- A Saint-Jean il y eut le projet d'ouverture d'une classe maternelle publique à Boiseau, mais l'Académie opposa un refus catégorique

A la rentrée de 1969 les réformes se poursuivent. Elles s'étaleront dans le temps jusqu 'en 1975. C'est ainsi que nous verrons apparaître:
- Le repos hebdomadaire du jeudi au mercredi et le samedi après-midi n'est plus travaillé.
- L'accession en 5ème de tous les CM2.
- L'arrivée des mathématiques modernes en remplacement de l'arithmétique, au grand souci des parents qui n'y comprennent rien.
- Une approche différente de !'Histoire. Elle n'est plus enseignée chronologiquement mais d'une façon thématique sans grande préoccupation de la chronologie.
- L'apparition de la mixité dans le primaire.
- Le droit à majorité et le droit de vote à 18 ans.
- La loi Veil autorisant l'IVG.

Il faut gérer la crise

L'Appel des maires

Devant la situation catastrophique du pays, le 26 mai, par voie de presse, tous les maires des communes de Loire Atlantique font paraître un article, dans lequel ils lancent un double appel libellé en ces termes :
- Les élus soussignés de Loire-Atlantique, assemblés, au-delà de leurs opinions politiques, par leur seul souci de faire face aux responsabilités que leur ont confiées leurs citoyens,
- Persuadés de traduire le sentiment de la grande majorité de leurs collgues, bevant la dégradation progressive de la situation politique et sociale et la déception profonde qu'ont engendrées les silences puis les déclarations du Président de la République et du Gouvernement,
- Estiment de leur devoir de lancer un double appel : Appel au Gouvernement pour qu'il entende les justes revendications des travailleurs et des jeunes
- Appel au Calme à Tous Les Citoyens habitants ce département et particulièrement à tous ceux * qui, à divers titres, exercent une responsabilité, afin que de l'effort de tous naisse un esprit de libre confrontation exempt de violence et de haine.

Au-delà de cet appel, comment les élus de La Montagne, Saint-Jean et Le Pellerin vont-ils gérer les répercutions de ce dur conflit ?

La situation à La Montagne

A La Montagne les commerçants se tournent vers la Mairie. Francis Lambourg, maire de cette époque se rappelle.
Conscient du problème, j'ai réuni les commerçants autour d'une table pour rechercher ensemble une solution. C'est ainsi que nous nous sommes concertés pour essayer d'organiser l'approvisionnement.
Le problème n'était pas pour autant résolu. Il fallait de l'essence. La distribution des bons d'essence était gérée par un comité de grève, composé principalement de délégués de la CGT, siégeant à la mairie de Nantes.
Je fus donc désigné pour aller chercher les précieux bons. Les délégués, trônant autour d'une table, cela faisait un peu tribunal révolutionnaire et je pense qu'à cet instant, j'ai éprouvé /'humiliation de ma vie.

Quand je me suis présenté, l'un des tenants des précieux viatiques m'a dévisagé et m'a demandé «Lambourg ! Vous n'êtes pas celui qui a refusé une salle aux syndicats ? » Là je me suis dit « je suis foutu ! ».
Je suis quand même revenu avec mes bons.


Tous les commerces ne souffrent pas de ces problèmes d'approvisionnement. Roger Garnier, qui a repris, en 1948, le magasin Boulais de Madame Mauriette nous le précise :
Notre type d'activités (quincaillerie et mercerie) n'a pas souffert de la crise. Nous possédions suffisamment de stock pour assumer un manque d'approvisionnement d'un, voire plusieurs mois.
J'ai vécu cette grève sans connaitre de véritables problèmes. Un jour, des gars d'Indret que je connaissais bien vinrent me trouver « Alors Roger, tu ne fermes pas ? ». Je leur ai répondu « Marquer le coup en fermant une heure, je veux bien, mais à quoi cela nous mènera-t-il ? ».
Nous nous sommes quittés gentiment et je ne -sais même pas si nous n'avons pas trinqué ensemble !

A la fin de la crise, c'est par une missive distribuée à tous les foyers, reprise par le Courrier de Paimboeuf, que le maire s'adresse à ses administrés :

Chers concitoyens,
Notre cité vient de traverser une période difficile. Un climat d'apaisement semble se généraliser. Certes, plus de cent foyers montagnards restent actuellement bouleversés par les crises non encore résolues, en particulier celle de Sud-Aviation. Ces familles, la communauté que nous formons continuera, par l'intermédiaire de son conseil municipal, à les aider dans le domaine où elle estime qu'il est de son devoir de le faire.
Aujourd'hui, votre maire pense qu'il faillirait à sa tâche s'il ne disait pas un remerciement public à ceux qui, dans ces jours douloureux ont donné des preuves particulières de civisme :
- à ses adjoints, tout d'abord, et, à ceux des membres du conseil municipal qui ont estimé - même sitous ne partageaient pas les points de vue de leur maire sur un plan autre que celui de l'administration de la commune, que ce n'était pas quand le navire s'engage dans des « passes difficiles » qu'il faut lâcher celui qui a été placé à la barre.
- au bureau d'aide sociale, dont la tâche habituelle s'est trouvée décuplée.
- à notre receveur des P. et T., M. Dalet et au percepteur du Pellerin, M. Heslot, qui ont apporté au conseil municipal, pour le paiement des retraites, une collaboration et une compréhension très efficaces. Leur dévouement allant bien au delà de ce qui peut être exigé des fonctionnaires de leur grade.
- aux commerçants de La Montagne qui, dans leur quasi totalité se sont pliés à la discipline que nous leur demandions et ont en particulier répondu, en quelques heures à notre appel pour alimenter les caisses de la recette des P et T avant le paiement d'une échéance de retraites.
Grâce à ces multiples dévouements, bien des souffrances ont pu être évitées sur le plan matériel. Qu'il soit permis à votre maire de vous dire combien il souhaite maintenant que disparaissent rapidement les séquelles morales d'une telle crise : des camarades de travail, des voisins, des amis intimes, des membres d'une même famille se sont heurtés, quelquefois violemment : la calomnie a partout répandu ses ravages, l'amertume s'est incrustée au cœur de beaucoup, des idées de vengeances ont pu chercher à mûrir.

Nous sommes nombreux à former le souhait qu'à cette révolution dont on a parlé, correspondent en chacun de nous des résolutions intérieures pour que s'épanouisse un esprit de compréhension mutuelle.

S'il en était autrement, comment pourrions nous vivre heureux ensemble ?


Dans cet appel lancé aux Montagnards, il est fait état de l'aide apportée par MM Dalet et Heslot. Nous avions interrogé Francis Lambourg afin de savoir quelle était la nature de cette aide.

Voici ci-dessous les précisions demandées :
En 1968, un certain nombre de personnes percevaient leurs traitements ou salaires par la poste de La Montagne ;il en était de même pour les retraités. Gomine les administrations étaient en grève, la situation se trouvait, dès lors, bloquée.
Voici donc la démarche que j'ai effectuée en concertation avec M. le percepteur du Pellerin, le responsable de la Poste de La Montagne et les commerçants de notre commune.
- Les commerçants versf?nt leurs liquidités à la poste.
- Monsieur Da/et avec l'accord de Monsieur Heslot conserve par devers lui ces liquidités et les utilise pour verser aux Montagnards leurs mensualités.
Ainsi, cet argent peut de nouveau être utilisé pour subvenir à leurs besoins et retourne dans la caisse des commerces en alimentation, principalement , qui peuvent de nouveau les retourner à la poste.

Grâce à la compréhension de ces 2 personnes, la vie de tous les jours reprit un semblant de normalité.

La gestion du problème à Saint Jean

En 1968, à St Jean, le tissu commercial lié à l'alimentation est autrement plus dense qu'il ne l'est aujourd'hui. A cette époque, la Télindière a son boulanger et son épicerie, Boiseau et le Bourg possèdent chacun un ou deux boulangers, une ou deux épiceries et un boucher (voir tableau).

Il faut gérer la crise. Le maire, Joseph Jousse, intervient auprès de ces commerçants et, afin qu'ils fassent preuve de compréhension, leur fait appel, le 27 mai, par le biais du « Courrier de Paimboeuf » :
M. le maire de Saint-Jean-de­Boiseau, invite tous les commerçants, dans la période exceptionnelle que nous traversons, à maintenir les produits et denrées alimentaires à leur prix normal.
M. le maire demande également à ceux-ci de faire acte de civisme, vis à vis de leur clientèle, en leur facilitant le crédit, dans la mesure du possible.


Attention

Dans le même état esprit, et afin de faciliter les approvisionnements il rajoute :
Nous allons pouvoir attribuer de l'essence à ceux d'entre-vous qui en ont besoin pour l'exercice de leur profession. Il conviendra que les intéressés passent à la mairie à partir d'aujourd'hui 14 heures.
Pour le cas ou nous oublierions, par erreur, certains d'entre-vous, ayez l'obligeance de voir si vos collègues proches ont été touchés.


Les centrales de distribution connaissent les mêmes soucis de carburant et, de ce fait, n'assurent plus les approvisionnements. Il faut donc que chaque commerce aille lui-même s'approvisionner au dépôt central. Sans cette aide municipale plus de ravitaillements possibles.

A propos de ce carburant si précieux de par sa rareté, Jean-Luc Ricordeau apporte quelques commentaires : Ces bons étaient valables pour un montant de 10 francs du précieux liquide. Pour ma part, je n'ai jamais pu avoir ce précieux sésame, même après le 30 mai, date ou les stations recommencèrent à servir les particuliers munis d'un bon. Ce sont les délégués syndicaux qui les distribuaient dans les usines. A Saint-Nazaire, la CGT monnayait ce bon par l'achat d'une carte syndicale. Il existait comme dans toutes périodes troubles, la politique des petits copains et le marché noir ... J'ai pu en obtenir quelques litres, juste pour venir voir la famille avec notre jeune bébé, en siphonnant un peu d'essence dans le réservoir de notre voisin qui travaillait à la raffinerie de Donges, avec son accord. J'en garde un mauvais souvenir, car inexpérimenté, j'en ai avalé une gorgée et j'ai été dérangé plusieurs jours au niveau de l"estomac.

En ces temps-là, les réunions plénières du conseil municipal n'ont pas lieu chaque mois (la dernière date de février). De ce fait c'est à la séance du 27 juin que le Maire fait connaître au Conseil municipal que :
Suite aux grèves, le bureau d'aide sociale a été amené à distribuer de la nourriture aux grévistes. Les dépenses sont de l'ordre de 5000 F. M. le maire propose au Conseil Municipal de voter une somme de 3000F au profit du bureau d'aide sociale prise sur les fonds libérés de l'exercice de 1967 et 2 200F de l'exercice en cours.
Cette résolution est adoptée à l'unanimité.

Cette aide nutritionnelle est réalisée sous forme de bons alimentaires et gérée par le Bureau d'Aide Sociale.

En Mai 68, Marie Thomas tient l'épicerie de la rue du Prieuré, Arinick Bouillet et Jacqueline Averty sont bouchères, l'une au Bourg et l'autre à Boiseau. Elles se souviennent de la gestion de ces fameux bons :
Nous devions sur chacun des bons mentionner la nature du produit distribué et son montant. Toutes les denrées n'avaient pas l'agrément. Il en était ainsi pour les alcools, les gâteaux et les friandises. La même politique était appliquée pour la viande.

Elles font une autre constatation :
Parmi les porteurs de ces bons, certains n'étaient pas à priori des nécessiteux. Dans nos petites communes, tout le monde connait tout le monde et, des mères de famille, dont nous connaissions la précarité, se sont fait l'honneur, soit par timidité soit par fierté, de ne jamais présenter de bons. Elles achetaient certes moins, mais réglaient avec leurs propres deniers.

Ces bons, dûment remplis, étaient ensuite remis au Bureau d'Aide Sociale qui remboursait chaque commerçant de la somme avancée. Ce remboursement traînait quelques fois et n'était effectif que deux mois plus tard.

Lors de cette même séance du 27 juin :
M. Le maire fait connaitre que par suite des grèves, de nombreuses familles de la commune se trouvent en difficultés et qu'une aide apportée sous forme de gratuité du car scolaire pendant les 19 jours de juin et les 5 jours de juillet donnera satisfaction aux familles. La dépense se monte à 3 932,20 F.

Si la commune se préoccupe de ses concitoyens, d'autres font également acte de solidarité. Nous nous devons de mentionner le geste de solidarité de la section UNC de St-Jean qui fait un don de 1OO francs au Bureau d'Aide Sociale et destiné aux familles des grévistes. Dans sa séance du 27 juin, Monsieur le maire en fera état et adressera ses remerciements à cette section.

Nous avons évoqué, plus haut, lors de la journée du 24 mai, la manifestation de masse sur la place de l'Hôtel de ville de La Montagne et le refus du maire de cette commune d'apporter son soutien aux grévistes. Par le fait du grand nombre de personnes présentes et vraisemblablement de la personnalité du maire, également Conseiller Général, l'impàct médiatique fut important, mais il est bon de souligner que le maire de St-Jean n'a pas eu une attitude différente de celle de Monsieur Lambourg. Par le fait du grand nombre de personnes présentes et vraisemblablement de la personnalité du maire, également Conseiller Général, l'impact médiatique fut important, mais il est bon de souligner que le maire de St­Jean et la majorité de son conseil n'ont pas eu une attitude différente à celle de Monsieur Lambourg. La tentative de motion de soutien aux grévistes que tentent de présenter quelques colistiers dont Rémy Drouet, René Gend_ronneau et Albert Guillet essuie un refus.

Et pourtant le maire et ses 2 adjoints sont ressortissants d'lndret et, chez les 14 conseillers, 9 travaillent à Indret et 3 autres travaillent à J-J Garnaud, à Sud-Aviation et aux Ateliers des Côteaux !

A ce refus, il y a une explication. Lors de la réunion du 27, le maire s'explique. C'est ainsi que nous pouvons lire dans le compte rendu de cette réunion :
Monsieur le Maire tient à faire la mise au point des entrevues qui se sont déroulées soit à son bureau ou ailleurs au moment des grèves.
Il rappelle ce qui a été dit aux membres des différents syndicats et précise que tout en étant solidaire des revendications faites par les grévistes, le Conseil Municipal ne pouvait pas prendre position d'une motion politique en réunion de conseil municipal.


Voilà une position qui se différencie quelque peu de celle de son collègue montagnarde. Il convenait de le préciser.

Le Pellerin s'organise.

Le 31 mai, sur la place: du commandant il'Herminier, au Pellerin; un grand rassemblement populaire, regroupant, les agriculteurs, les enseignants du collège et des écoles primaires, les commerçants, artisans et les ouvriers des Ponts et Chaussées des Côteaux et des autres usines en grève se déroule sous la forme d'un meeting.

Au centre de la place, sur le plateau d'une remorque agricole, divers orateurs prennent la parole pour s'exprimer sur la situation du pays mais aussi sur la situation communale.

Narcisse Guénichon, alors directeur du collège, est venu assister au meeting ; il se retrouve bientôt invité sur cette tribune où il est élu membre du comité interentreprises de grève. Le maire est M. Pierre Chanson et son adjoint, est le docteur Vilaine.

Celui-ci a pour objectifs : la coordination du mouvement de grève, le contrôle de l'attribution de l'aide sociale en accord avec la municipalité, l'étude de tous les cas particuliers découlant de la situation actuelle.

Au cours de cette réunion, les points suivants sont admis à l'unanimité :
1) Toute liberté est donnée au personnel des entreprises artisanales de choisir leur mode de participation au mouvement revendicatif de la classe ouvrière.
2) Les commerçants prennent l'engagement, près de la municipalité, de maintenir ou de baisser les prix des produits de première nécessité, marquant ainsi leur solidarité.
Le comité surveillera l'application de cet engagement.

Hélas ! Tout le monde n'a pas le sens de l'esprit de solidarité.

Au Pellerin, le comité d'aide aux grévistes a la surprise de voir certains profiteurs se manifester et passe un article dans Le Courrier de Paimboeuf, ainsi intitulé :
Au cours de la première distribution de bons alimentaires aux familles privées de salaire du fait des grèves, il est apparu que certains ont pensé qu'il s'agissait d'un droit et non d'un secours aux familles nécessiteuses.
Afin de dissiper tout malentendu, il a été décidé de créer une commission mixte municipalité-syndicats chargée de répartir les fonds versés par le conseil municipal et les divers groupes locaux.
Cette commission tient compte en priorité, des situations familiales particulièrement pénibles (absence totale ou partielle de salaire, nombre d'enfants à charge, maladie, cas sociaux, etc).
Cette commission siègera jusqu'à ce que les ressources des familles redeviennent normales. Aussi, il est rappelé aux familles de grévistes, pécuniairement en difficultés, qu'elles peuvent se faire inscrire en mairie le lundi et mardi de 14 heures à 16 heures. Elles présenteront, avec le livret de famille, le dernier bulletin de paye et le montant des salaires ou acomptes perçus depuis le début des grèves.

Vers la fin du conflit

A partir de cette fin du mois de mai les évènements se précipitent. Afin de n'en pas perdre le fil et de garder un contexte local à nos propos nous allons résumer les différentes étapes qui ont étayé la fin de cette période.

Le 25 mai débutent les premières négociations qui déboucheront sur les fameux accords de Grenelle.

Ces accords, signés le matin du 27 mai, sont devenus un symbole et aujourd'hui le terme est utilisé dans les négociations importantes que rencontre notre société.

En cette fin de mai, ils représentent dans leur conclusion un progrès social important : Augmentation de 35% du SMIC et de 10% des salaires, la semaine de travail est portée à 40 h (au-dessus de cette barre, ce seront des heures payées en heures supplémentaires), la reconnaissance des sections syndicales d'entreprise et l'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans.

Le 30 mai, après sa mystérieuse disparition du territoire français le 29, De Gaulle revient et prononce son discours télévisé (voir encadré).

Françaises, Français,
Etant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j'ai envisagé depuis 24 heures toutes les éventualités sans exceptions qui me permettraient de la maintenir. J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple, je le remplirai. Je ne changerai pas le Premier ministre dont la valeur, la solidité, la capacité méritent l'hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paranront utiles dans la composition du gouvernement.

Je dissous aujourd'hui l'Assemblée Nationale. J'ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l'occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre Université, et en même temps de dire s'ls me gardaient leur confiance ou non par la seule voix acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu'il y soit procédé : c'est pourquoi j'en diffère la date.

Quant aux élections législatives elles auront lieu dans des délais prévus par la Constitution, à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier en l'empêchant de s'exprimer, en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard. Si donc cette situation de force se maintient, je devrai, pour maintenir La République, prendre, conformément à la Constitution, d'autres voies que le scrutin immédiat du pays.

En tout cas, partout et tout de suite, il faut que s'organise l'action civique. Cela doit se faire pour aider le gouvernement d'abord, puis localement les préfets, devenus ou redevenus commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer, autant que possible, l'existence de la population et empêcher la subversion, à tout moment et en tout lieu.

La France en effet est menacée de dictature ; on veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s'imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment essentiellement celui du vainqueur, c'est à dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait pour commencer d'une apparence trompeuse en utilisant l'ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids qui ne serait pas lourd.

Et bien ! Non ! La République n'abdiquera pas. Le peuple se ressaisira. Le progrès, l'indépendance et la paix l'emporteront avec la liberté.

Vive la République ! Vive la France !
Vive la France !

Ces accords, si importants qu'ils soient, ne signifient pas pour autant la fin des grèves ; toutefois ils ont pour conséquence de sonner la démobilisation d'une grande partie de la population qui commence, il est vrai, à donner des signes de lassitude. Qui plus est, la soudaine disparition du chef de l'Etat et le discours télévisé qui a ponctué son retour y sont aussi pour quelque chose ; n'en doutons pas !

Le 30 mai un accord est signé pour la reprise chez les pétroliers. Antar Donges ravitaille aussitôt les stations en carburants. Cela tombe bien car il y a le long week­end de la Pentecôte qui arrive et il fait très beau.

C'est alors la ruée vers les pompes à essence et les automobilistes n'hésitent pas à faire de longues heures de queue pour obtenir le précieux liquide. Ce sera un week­ end chargé sur les routes vers la côte, avec malheureusement son lot d'accidents ... Beaucoup de sociétés reprennent le travail dans la semaine du 4 au 7 juin.

Après le succès de la contre manifestation du 1er juin organisée dans toutes les grandes villes à l'initiative du Comité d'Action Civique et par les partisans du général De Gaulle (25000 personnes à Nantes), on le voit, la situation change peu à peu.

Et, comme l'avait dit, en d'autres temps, un leadar syndical « Il faut savoir finir une grève »

Le 6 juin, seuls les métallos nantais et nazairiens poursuivent le conflit et manifestent encore en ville. Le mouvement s'essouffle.

L'heure de la reprise approche.

Comme souvent les avantages acquis ne sont pas les mêmes selon les entreprises. Nous allons étudier cette fin du conflit dans chacune des usines de la Basse-Loire

A Sud-Aviation

A Sud-Aviation, le 30 mai, le directeur de Sud-Aviation, Monsieur Duvochel est libéré après 16 jours de séquestration. Il quitte l'établissement, ainsi que les cadres qui l'ont soutenu, entre la haie d'honneur des grévistes qui poursuivent l'action. Le temps des négociations est maintenant arrivé.

Le 7 juin, les négociations reprennent.

Le 11 juin les propositions salariales sont un réel progrès. Tout le personnel sera mensualisé. L'augmentation des salaires sera de 7 % au 1er juin et 3 % au 1er octobre. Malgré ces avancées, la poursuite de la grève est votée. Les ouvriers réclament le paiement des jours de grèves.

Une nouvelle proposition est accordée le 13 juin. Les salaires seront versés intégralement, deux semaines seront à récupérer à raison de trois minutes par jour le midi. Cette dernière proposition permet le vote à bulletin secret dans la cour de l'usine où la majorité l'emporte pour la reprise avec 55% des voix. Celle-ci sera effective le 14 juin.

Les machines reprennent le 17 juin.

La récupération des trois minutes s'effectuera pendant les deux ou trois mois qui suivront, puis elle sera annulée au bénéfice du personnel.

Pour Georges Vincent, le délégué CGT, la grève fut un succès : On a obtenu ce que l'on voulait, et tout ce qu'on demandait ! On n'a jamais connu un succès comme ça, lors d'une grève.

Jean-Luc Ricordeau a vécu le conflit à St Nazaire ; voici ses impressions en arrivant à l'usine de Bouguenais : Lorsque j'ai été muté, à ma demande, de l'usine de Sud-Aviation Saint-Nazaire à celle de Bouguenais, début avril 1969, j'ai découvert un établissement ou régnait une haine entre une grosse partie du personnel. Le conflit avait laissé des traces qui mettront des années à s'estomper.

En réaction à l'occupation de l'usine de Bouguenais , quelques membres du personnel, surtout parmi les mensuels, créèrent un comité de soutien à la direction. Ils se réunissaient sur le parking du magasin SUMA à Nantes. Très longtemps après ce conflit, une haine profonde restera entre les plus virulents des militants et ceux que l'on surnomma « Les SUMA ». En représailles, quelques uns d'entres-eux auront la façade de leur maison barbouillée de peinture rouge ou jaune avec parfois une inscription. Vendu ou c'est un jaune ...

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