Le curé Danghin |
Marc André Danghin est né à Coincourt (Pas de Calais) le 7 décembre 1756. Religieux dans l'abbaye de Geneston, il arrive comme vicaire à St Jean de Bouguenais en janvier 1786, quelques mois plus tard, il occupe le poste de recteur. Membre du conseil municipal à partir de janvier 1790, il devient un des 12 membres du conseil du district de Paimboeuf dès le mois de mai. Il cumule très vite les fonctions et devient président du tribunal civil de paix du Pellerin en octobre.
Il prêtera le serment civique demandé aux prêtres le 23 janvier 1791 et en juin 1793 ne remettra plus la soutane. Il abjurera ensuite le christianisme le 15 novembre 1793 pour se marier le 15 janvier 1797. Sa croyance dans les bienfaits que pouvait apporter la Révolution le mènera à occuper de nombreuses fonctions dans le vie de sa commune, de son canton et même de l'arrondissement. Son intégrité demeura absolue jusqu'à la fin de ses jours que précipita la Restauration qui le déchut. Il s'éteignit le 24 janvier 1817 dans la misère.
Sitôt
arrivé dans sa paroisse, Danghin s'intègre très facilement dans la
population. Ses fonctions et sa culture lui ouvrent de suite plusieurs
portes. Le recteur est chargé d'administrer les petites
écoles, il a donc la responsabilité de
choisir l'enseignante. Il tient les registres paroissiaux, ce qui lui
permet de temps en temps d'ajouter quelques remarques personnelles sur
la vie de tous les jours.
Ses conditions de vie ne sont pas beaucoup plus brillantes que celles de bon nombre de ses concitoyens. Son ministère lui implique d'apporter quelques secours aux plus démunis de la population, or la dîme perçue doit être reversée en grande partie à l'abbaye de Geneston dont il provient. Sa tâche n'est donc pas aisée mais ses idées progressistes lui permettent d'analyser la situation d'une manière qui va tout à fait dans le sens de l'histoire.
Il saura vite distinguer les « deux clans » qui cohabitent à St Jean : la partie ouest de tradition fortement rurale qui reste attachée au roi et qui n'a de griefs en fait que contre le seigneur local et la partie est qui vient d'être touchée par l'implantation de la fonderie de canons à Indret et dont les esprits s'ouvrent à des horizons nouveaux
C'est
lui qui doit donner connaissance aux habitants de la future commune
des ordres royaux pour préparer la rédaction des cahiers de
doleances. Si la loi lui interdit d'être présent lors de cette assemblée, il est
hors de doute qu'il participa auparavant à cette préparation. Mais le
29 avril, il participe à la réunion diocésaine du bas clergé pour
faite état de ses propres doléances et élire ses 3 représentants qui
devront participer aux Etats Généraux.
Ses idées pro-révolutionnaires l'incitent à faire passer régulièrement des messages dans ce sens lors des messes qu'il dit. Il bénéficie en outre, n'oublions pas, d'une oreille favorable de toute une partie de la population proche d'Indret.
Le 21 janvier 1790, le premier conseil municipal est élu. Luc Prin sera
désormais le premier maire de St Jean. Danghin ne peut se présenter à
ce poste mais il va s'intégrer au Conseil et son ascendant va lui
permettre de diriger souvent les débats. Il tiendra désormais
les registres de délibérations ainsi que ceux de l'état-civil. Cette
fonction est normalement rarement permise aux recteurs mais il
bénéficie de l'appui du receveur des Domaines qui écrira à ce propos
: « La tenue des registres d'état-civil des
communes du canton défend au curé de remplir les fonctions de greffier
public, mais le curé Danghin étant à la fois notable et officier
municipal, j'approuve le bon choix que l'on a fait de Danghin pour ces
fonctions.». Ce jugement sera toutefois modéré par le
commissaire
Saint qui, quelques années plus tard
portera
un avis radicalement contraire.
Le 10 mai de la même année, une assemblée électorale a lieu à Paimboeuf (chef-lieu d'arrondissement) pour procéder au choix des 12 membres de l'administration du district. Danghin se présente et ... obtient 21 voix sur 38 votants. Il laissera toutefois la place de président à son suivant qui totalisait 19 voix et conserve sa place de membre du conseil. En octobre il est élu président du tribunal civil de paix du Pellerin et procède à l'élection du juge de paix, ce sera un membre de la famille de la Ville Leroux de La Cruaudière à Boiseau qui détiendra ce poste ... qui démissionnera un mois plus tard.
Danghin est un homme intègre. Ses idées priment , ce qui n'est pas sans provoquer des démêlés parfois importants au sein du conseil municipal de St Jean. Cela le poussera jusqu'à refuser de publier des arrêtés municipaux. Ce sera le cas en octobre 1790, où il écrit pour justifier sa position : « [...] Comme il me paraissait inconstitutionnel, je crus devoir sortir de l'église pour faire des représentations à quelques officiers municipaux et leur dire que pour leur honneur et le mien, je n'en ferais pas la publication et je ne l'ai pas fait ce qui m'a attiré les reproches de plusieurs d'entre eux et d'un bon nombre d'habitants qui m'ont accusé de partialité ». Sûr de son bon droit, il n'hésite pas à requérir l'avis des autorités supérieures. : « [...] Comme je suis extrêmement jaloux de conserver la représentation de bon citoyen et pasteur municipal, je vous prie de requérir l'avis du Directoire sur l'arrêté du conseil municipal de St Jean de Boiseau et sur le refus que je puisse me justifier pleinement aux yeux d'un peuple aveugle, qu'il s'agit d'intérêts qu'il entend mal et défend plus mal encore ». En janvier 1791, le Directoire lui donnera raison et blâmera la position du conseil municipal. Il : « approuve la conduite du recteur » improuvant la décision de la municipalité comme contraire au décret et arrête que « la dite déclaration sera rayée sur les registres ... ».
C'est le 12
juillet 1790 que l'Assemblée Nationale vote la constitution civile du
clergé. Les prêtres doivent devenir des « fonctionnaires ». Ils
seront élus par les mêmes collèges électoraux que les
municipalités. L'opposition tant nationale qu'internationale à ces
dispositions incite l'Assemblée à exiger des prêtres élus, un
serment de fidélité à la nation et au roi. Des mesures répressives
importantes furent établies pour ceux qui refuseraient de prêter ce
serment. En janvier 91, Danghin signale son intention de prêter ce
serment, acte qu'il accomplit le 23. Il précèdera cette prestation
d'un discours particulièrement enflammé au cours duquel il ne cesse de
vanter les mérites de la Révolution, du bien-fondé des lois qui sont
adoptées et de condamner l'attitude des prêtres qui refusent de
prêter le serment requis : « Ils veulent
armer le citoyen contre le citoyen, soulever le peuple égaré contre
l'autorité légitime, engendrer enfin une guerre de religion dont le
succès pourroit ramener des tems et des abus qu'ils regrettent.
».
Cette longue diatribe que nous reproduisons ci-dessous marqua tellement
les membres du Conseil présent qu'ils décidèrent sur place d'aller
complimenter le prêtre pour sa prise de parole, de leur communiquer son
texte afin de l'adresser aux autorités supérieures. Le fin mot de
l'histoire réside dans le fait que les autorités départementales
décidèrent d'imprimer ce discours et de le diffuser pour être lu dans
l'ensemble des paroisses du département.
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La première période révolutionnaire le verra occuper également le poste de greffier public qu'il accepta puisque créé par la loi et resté vacant. Dès qu'un remplaçant se manifestera, il s'empressera de lui laisser la place mais conservera celle d'officier public. En 93, la loi interdit au clergé de porter les habits ecclésiastiques, il s'empressera de l'exécuter et revêtira désormais celle de président du tribunal.
Mais la guerre est là, tant interne qu'externe et les armées ont besoin de matériel. Il se démènera pour fournir bois, plomb et salpêtre (pour la confection de la poudre). Sa conscience le poussera même à aller au-delà de ce qu'on lui demande, bien qu'il semble que ses résultats n'aient pas été ce qu'il escomptait en ce qui concerne le salpêtre.
1793 est l'année de la mort du roi et donc d'un nouveau serment de fidélité à la République et de haine au roi alors que l'ancien jurait fidélité à la nation et au roi. Ce sera pour lui, l'année où il abjurera la religion catholique, où il intronisera son successeur comme prêtre, où il cessera de tenir les registres communaux.
Ce sera aussi l'année où la répression de la guerre dite « de Vendée » fit rage et où tant de villages furent détruits comme Le Pellerin distant de 3 kilomètres. Danghin parvint à sauver St Jean de la destruction.
Il attendra l'an IV (1796) pour abandonner son poste de président du tribunal civil mais se fera élire juge de paix du Pellerin. C'est ce poste qu'il continuera de tenir sans discontinuer durant une vingtaine d'années en traversant les différents gouvernements. Ce n'est qu'au retour de la monarchie qu'il se verra écarté de toute vie publique lors de l'épuration qui s'en suivit. Il mourut peu de temps après en janvier 1817 après avoir vu revenir au pouvoir ce qu'il avait tant abhorré et combattu toute sa vie.