Histoire de Saint Jean de Boiseau

Retour aux Nouvelles-Hébrides ...(4)



AMBAE ...

Nangire.
Le 4 octobre 1906, le « Rosabell » ramène le Père Prin à Nangire. Le vieux père Alfred Deniau qui l'avait remplacé est parti depuis longtemps, mais le jeune père Eugène Bertreux(15) venu après lui semble bien réussir. « Surtout il s'est rendu populaire auprès des jeunes. Il n y a quatre ans, on regrettait le père Prin mais c'est maintenant Bertreux que l'on regrette pour son visage toujours épanoui. ».

Cette fois le père Prin va rester neuf ans à Nangire.
Il ne fera pas beaucoup de conversions car les protestants travaillent eux aussi. De plus la mort causée par les maladies diminue le nombre de chrétiens. En 1911 le prêtre le déplore : « Depuis quatre ans déjà huit morts chrétiens. Il y a des vieux qui avaient fini leur carrière. D'autre au contraire commençaient leur entrée dans la vie. Un jeune garçon de douze à treize ans mourait quinze jours après son baptême, cette année deux petites filles de chrétien l'une de sept ans et l'autre de quatre ans ! Ils seront nos anges gardiens au ciel. ».
Toutefois cette année-là le prêtre a la satisfaction de conférer quelques baptêmes. « Il y a cependant de temps à autre quelques conversions mais combien peu. Cette année à l'Ascension je baptisais une petite païenne de dix à douze ans que j' ai rachetée d'un paganisme centfrancs. Et il y a une première communion d'une enfant baptisée avant l'âge de raison. Cette année je prépare trois jeune païens au baptême, deux garçons et une fille qui est fiancée à un chrétien de mon école et une première communion de garçon chrétien et fils de chrétien. Les nouveaux comblent à peine les vides causés par la mort ! Que la volonté de Dieu Soit faite. ».

(15) Le Père Eugène Bertreux ne semble pas avoir de lien de pa renté avec le missionnaire boiséen (Jean Baptiste) Ephrem Bertreux, cousin de Jean Baptiste Prin.



L'année suivante en 1912 quatre personnes, « deux ménages de vieux », sont restés à la mission pour se faire instruire. Et une jeune païenne aimerait venir à la station avec celles qui sont déjà réunis. « La difficulté vient des parents. Cependant ils la laissent huit à quinze jours de suite. Elle suit le catéchisme. »
La même année le boiséen notifie avoir été affecté par le naufrage d'un vapeur dans le Port-Sandwich. Vingt- deux personnes se sont noyées parmi lesquelles sœur Ephrem et cinq qu'elle élèves qu'elle emmenait à l'école de Montmartre. (Déjà quelq ues années auparavant, des naufrages ont fait des victimes : le père Tayac en 1902, le père Le Fur en 1907, le père Perthuy et sœur Clément en 1908.)

HENRY PERTUY naît en Loire-Inférieure en 1863 à Monnières. Il part pour prêcher en Océanie la même année que son compatriote en l888. Destination Nouvelles-Hébrides.
En janvier 1889 le jeu ne missionnaire seconde le Père Gautret à la station de Port-Orly sur l 'île d'Espiritu- Santo. Mais le Père Gautret est atteint de la malaria commun et creuse une pirogue. En mai 1895 le malaria et doit partir. Resté seul, Henry Perthuy se fait proche des autochtones. Il partage leur vie, mange dans missionnaire, épuise, va se reposer en Nouvelle­Calédonie. A son retour l'accueil est froid. Un conflit sanglant a eu lieu à la station. La vie des chrétiens est menacée. Il faut quitter la station.

En mission il suit le père Jamond pour la station de Craiy-Cove sur l'île d'Ambryn. Peu de temps après il est envoyé à Sésivi. Il est de nouveau heureux de retrouver un nouveau champ d'apostolat. Il se fait lui aussi marchand de cochons pour acheter des fiancées à ses garçons baptisés. En 1900 il a tellement de jeunes filles que les jeunes païens sont contraints d'entrer dans son école s'ils veulent trouver une épouse.
Le volcan dominant l'île ne cesse de projeter des pluies de cendre. Elles détruisent les plantations. Le missionnaire est obligé d'acheter du riz pour nourrir ses élèves. Il s'endette et souffre d'être toujours « gronder » par Mgr Douceré. Il se prive tant qu'il est atteint du scorbut.
Henry Pertuy a un souhait qu'il réalise : écrire un bréviaire dans la langue des autochtones de Sésivi. Son manuscrit est prêt à être imprimer. Le 11 octobre 1908 il doit se rendre à Lamap sur l'île Malakula. Il emporte avec lui son précieux document. Ce jour-là la mer est agitée. Le missionnaire disparaît en mer avec Sœur Marie Clément.

A force de travail, le boiséen fait de sa mission un petit bijou. Il a compris que personne ne viendra à son secours et il faut se débrouiller, se créer des ressources. Avec ses chrétiens, il sème du coton et plante cocotiers et cacaos sur le terrain de Nangire. Comme à Namaram il développe la plantation pour faire vivre ses écoles. Il plante pour ceux qui viendront après lui et la cocoteraie s'agrandit plus vite que la chrétienté. L'entretien de cette immense plantation ne va pas sans créer quelques problèmes. Au fil des ans le missionnaire souffre de rhumatismes articulaires. Il déplore de ne peu plus pouvoir escalader les montagnes d'Ambae pour recruter de nouvelles conversions. « ... Je dois d'autant plus avoir recours à la prière que je ne puis plus visiter les villages. ...Mes chevilles et mes genoux refusent de me porter pendant longtemps et me forcent à garder la chambre ou la véranda ... Aujourd'hui encore après deux nuits d'insomnie je vous écris sur mes genoux et mon poignet ne veut obéir d'une manière convenable. ».

Son écriture est de moins en moins fine et regrette de ne pas pouvoir s'étendre dans sa correspondance tant les douleurs lui sont insupportables. « Excusez moi mais mon poignet n'en veut plus de la plume. Cependant au repos il ne me fait pas trop mal. La douleur s 'est transportée dans le dos. ».

Aux conséquences des affections rhumatismales Jean Baptiste Prin éprouve de plus en plus de difficulté à la lecture. « Mes yeux ne sont plus bons, il me faut des lunettes. Il y a de nouveaux bréviaires, je serais content d'en avoir un d'un format plus grand. ».

Jean Baptiste Prin lutte contre la oolyggamie.
« 8 février 1913. ... J'ai deux nouvelles recrues. Ce sont deux sœurs, qui avaient été achetées par un vieil indigène qui avait déjà sa femme. Les deux jeunes filles étaient déjà chez lui depuis cinq ou six ans. Je lui avais demandé ses filles bien des fois lui disant que puisqu'il venait au catéchisme il n'était pas convenable qu'il eut trois fmmes, que le Bon Dieu le défendait ... Les deux sœurs se ont réfugiées à la mission où déjà leur mère se prépare au baptême. Le vieux est venu pout rependre mais les fille refusent. Je suis donc quitte pour cents francs. C'est beaucoup d'argent mais l'argent est ait pour sauver les âmes.

Cette année j'en ai six à préparer au baptême. C'est peu, mais mieux que rien ...
».

En 1913 la station du prêtre compte trente-six baptisés.
Sa plantation est d'ume surface de soixante quinze hectares. La station de Namaram où il prêt de trois ans compte deux cents hectares de culture.

En 1915 Jean Baptiste Prin s'attire les foudres d'un autochtone : « Un indigène aurait voulu se marier et avait été rebuté sept à huit fois. Cependant je lui donnais de quoi payer sa femme. J'eus l'occasion d'acheter une petite fille. Il me la demande en mariage. Je veux bien, dis-je, mais elle est libre. Elle choisira quand elle sera en âge. Elle ne voulut pas de lui ... ».
La jeune femme ayant refusé de se marier à un homme qu'elle n'aimait pas. Elle fut frappée, torturée et brûlée avec un caillou incandescent dans le creux du genou. Elle chercha refuge à la Mission. Le père Prin tenta de la faire héberger par des familles chrétiennes, mais tout le monde refusa par crainte de représailles. Alors la jeune femme se sauva à la Grande Terre (Mallicolo = Malakula). On la retrouva un mois plus tard, malade, épuisée, mourant de faim. Le père fut rendu responsable de son obstination. « Elle se maria à un autre. De là j'étais un menteur et comme l'indigène était influent et grand parleur il fit partir une grande partie des gens de la mission. Ceux qui resteront, disait-il, je les ferai mourir par mes sortilèges. Dans les villages il essayait d'ameuter les gens contre moi. Il réussit momentanément, mais les gens qui étaient partis par peur revinrent, et, lui même, se sentant menacé après avoir erré une semaine dans la brousse, vint se réfugier chez moi. Je le reçus. Quelques jours après mon départ, il fit le tapage à la mission accusant les gens de vouloir le tuer. Il par tit après chez le père Suas et celui-ci le mit à la porte. ».
L'autochtone n'en restera pas là. Il cherchera à se venger.

Après près neuf ans passés sur l'île d'Ambae, Jean Baptiste Prin souffre autant mentalement que physiquement. Ses lettres évoquent le désespoir de voir mourir tant de chrétiens. Sa foi n'en en rien entravée.

La bonne entente disparaît au village chrétien. Un récent suicide a déchaîné une vague omnies et de disputes. « Tout cela aigrit le caractère du père Prin qui n'arrive plus à entendre avec son catéchiste le fidèle Constant (Kosta). » Le père Prin pense demander à quitter Nangire et son voisin le père Suas, de la mission de Lolopuepue, pense que c'est chose urgente.

Au cours du premier semestre 1915 Mgr Douceré visite la station.
« On me trouve en plein accès qui avait été plus long mais moins violent que d'autres. ». Le maire apostolique lui demande : « Vous ne vous ennuyez pas seul ainsi ?
- Non dis-je.

Jean Baptiste Prin préfère se taire. « Un confrère serait bien utile mais je n'ose pas le demamder à sa grandeur. Je n'osais pas en demander un connaissant sa mentalité à mon égard, qu'il ne voulait pas mettre un collègue avec moi de peur que je ne lui nuise. » Mais Mgr Douceré n'est pas dupe de l'état de santé du missionnaire.
Un mois après cette visite le père Prin reçoit une lettre de Mgr Douceré. « Comme vous avez refusé un confrère je suis obligé d'arriver à une autre solution : vous irez à Olaf au repos. » Cinquante-quatre ans, le père Prin est à bout de forces et de patience. Le vingt juin 1915 le père Genevet le remplace et le père Prin part défmitivement le trois juillet.

AMBRYM

Olal.
Jean Baptiste Prin va d'abord se reposer à la mission d'Olal chez le père Godefroy. « Il est vraiment mal en point. » A toutes ses souffrances s'ajoute la dysenterie. Il met du temps à se remettre. Il s'ennuie. « Je ne connais pas la langue et je n'ai rien à faire. » Il ne souhaite qu'un repos au monastère de la Villa Maria sur le sol australien. « J'écrivis au père Provincial lui exposant ma situation et lui demandant s'il voyait des di.fjîcultés à ce que j'ailles à Sydney. »

Ce révérend père lui répond : « Obtenez la permission de votre vicaire apostolique et vous serez reçus à bras ouverts à la Villa Maria. » Au terme de cinq mois de repos il quitte Ambrym le 21 novembre pour rejoindre Vila où demeure Mgr Douceré.

EPATE ...

Port-Vila.
Le vicaire apostolique est étonné de sa visite et Jean Baptiste Prin lui en annonce sa raison. Le boiséen ne tarde pas à savoir qu'il a commis une grave erreur : ne pas être passer par la voie hiérarchique. Susceptible, le vicaire ne se gène pas pour lui en faire le grief :
« Vous n'auriez pas dû écrire au père Provincial. Vous auriez dû d'abord m'en parler. C'est impossible. Cela ne s'est jamais fait.
Il m'accorde enfin de partir.
». Il quitte Vila le 17 janvier 1916 pour Sydney via la Nouvelle-Calédonie.
Après un séjour de quinze jours à Nouméa, au terme de sa vingt-septième année de vie de missionnaire, il embarque pour l'Australie pour le monastère de la Villa Maria près de Sydney.

AUSTRALIE ...

Hunters Hill.
Au monastère, le père Prin n'y trouve pas le repos escompté. Le père supérieur reçoit une lettre de Mgr Douceré. Le vicaire apostolique des Nouvelles-Hébrides lui apprend que le père Prin est accusé à Nangire d'être un prêtre aimant les femmes. « Vous serez puni selon le droit canonique. Rappelez-vous ce que la société à fait pour vous à Viti [Fidji]. ».

Le boiséen reçoit l'ordre de ne pas quitter l'établissement.
Le père supérieur entreprend une enquête. Il se déplace aux Nouvelles-Hébrides. Là-bas, à Navire l'autochtone accusant de sortilège le père Prin cherche à le calomnier. Pour se venger du prêtre il se sert des rumeurs de viols aux Fidji quinze ans auparavant. Le tort de Jean Baptiste Prin : s'être fait masser ses jambes par des femmes pour soulager ses douleurs rhumatismales.
L'accusation est donc fausse.

De là le destin aurait du détourner le boiséen des archipels océaniens pour un retour en France : « Il y eut besoin d'un aumônier pour accompagner le contingent calédonien. Le référend père Delac qui avait accepté tomba malade. Je fus alors choisi par le conseil pour le remplacer. Mais qui paiera le passage ? Monseigneur Bertreux mon parrain me dit alors : « Si tu tiens à aller en France, je te paie ton voyage ».
Regrette-t-il aussitôt sa décision ? Revenir en France sans être obligé de revoir St Jean de Boiseau. Est-ce possible ?
Sa conrrespondance laisse supposer quelques tensions avec sa sœur aînée. « Je répondis à mon parrain : « Je serais content d'y aller, mais vu les tiraillements je le remerciais et que je n'irais que si l'on me disait « Partez ». Je répondis que j'étais indifférent mais j'avais une raison sérieuse. ».
A la Villa Maria, Monseigneur Chanrion refuse la demande de Jean Baptiste Prin. Cette décision n'est sans doute pas sans déplaire au missionnaire. Pourtant, à Saint Jean de Boiseau, trois sœurs sont furieuses de ne pas pouvoir revoir leur frère.

RETOUR AUX NOUVELLES-HEBRIDES ...

EPATE ...

Port-Vila.
Jean Baptiste Prin est de retour à Port-Vila sur l'île d'Efate le 8 octobre 1916. C'est alors que Mgr Douceré lui demande de partir sur l'îlot de Vao et, lt 27 octobre il s'embarque pour sa nouvelle destination.

MALAKULA....

Ilot de Vao.
Vao est un îlot minuscule sans montagne à escalader, facile à visiter pour un homme qui a des difficultés pour marcher. Il succède au célèbre père Jamond, parti désormais à Wala sur l'île de Malakula pour remplacer le père Barthe.
Jean Baptiste Prin revient à Vao le 7 novembre 1916. Il est surpris en découvrant dans quelle misère vivait le pauvre Jamond. La maison est humide, l'air marin a percé les tôles et il pleut à l'intérieur. Cette humidité ne vaut rien pour ses rhumatismes. Souvent, il reste cloué sur son lit en proie à la fièvre, et il n'a aucune aide pour lui faire la cuisine.
Les conversions ne vont pas vite. Les superstitions, les coutumes, ne sont pas de nature à faciliter les tâches. Le Révérend Père Douceré voudrait que le père Prin se montre plus sévère que le père Jamond. Obliger les femmes à s'habiller. Interdire la danse païenne. Mais le père Prin ne eut pas risquer d'éloigner « le petit troupeau péniblement rassemblé » par le père Jamond.

Fatigué de toutes ces histoires et souffrant atrocement de ses rhumatismes, le père Prin ne bouge presque plus. Il est temps de sortir de Vao. C'est en février 1919 qu'il quitte sans regret le merveilleux îlot.

ESPIRITU-SANTO ...

Le boiséen va se reposer à la Mission Saint Michel, sur les bords du canal de Segond. Le père Vazeille vient de succéder au père Rougé mais il se sent trop âgé pour tenir la mission. Le père Prin lui apporte son aide. Une fois remis sur pied, le père Vazeille fait la classe, dirige la plantation, cherche à se rendre utile. Mais le père Vazeille âgé de soixante-dix ans n'en peut plus et demande la grâce d'aller mourir à Olal, la mission qu'il a tant aimée sur l'île d'Ambrym. C'est alors qùe le jeune père Bochu arrive à Saint Michel en septembre 1920 pour diriger la station. C'est un homme fort qui peut travailler seul.

Depuis son arrivée aux Nouvelles-Hébrides, Jean Baptiste Prin a très souvent été seul dans les îles à exercé son sacerdoce, plus par obligation que par choix. En a-t-il voulu à son supérieur Monseigneur Douceré de l'avoir très souvent laissé seul œuvrer dans ses missions durant ses crises de rhumatismes ? Probablement comme un religieux se doit de le faire jusqu'au jour du 7 octobre 1920, où de la mission de St Michel, il « règle ses comptes ». Il dénonce au révérend Père Général à Lyon les rapports antipathiques de son supérieur Douceré à son égard depuis son arrivée dans cet archipel, depuis près de vingt ans, et son manque de compassion face à ses douloureuses crises de rhumatisme depuis dix-sept ans. Il l'a souvent laissé prêcher seul dans ses missions. Il en a même comptabilisé les mois passés accompagnés d'un frère ou d'un père.

EPATE ...

Port-Vila.
Le père Prin est muté à Port­Vila et, il est toujours disponible lorsque « ses jambes le laissent en paix ». Le 2 septembre 1922 le père Roux est blessé au visage par l'explosion d'une lampe. Le père Prin le remplace à Paray, à proximité d'Erakor.

PENTECOTE ...

Le 5 octobre, il s'embarque pour Melsisi sur l'île de Pentecote et seconde le père Gonnet. Il paraît se remettre temporairement à faire la classe.
Jean Baptiste Prin vieillit.

De Melsisi, le trois avril 1923, le missionnaire émet vivement le souhait à sa hiérarchie de Lyon de rentrer en France.
Il regrette le voyage manqué sept ans auparavant. Pourquoi ? Depuis son retour de Sydney sa sœur aînée l'accable de lettres de regrets. De quoi veut-elle se faire pardonner ? Quel conflit les a opposé en 1878 ? « Cette situation a toujours été le cauchemar de ma vie ... Le ministère était cependant pour moi un dérivatif ... Ce retour ne sera pas pour moi une partie de plaisir. Il me sera plutôt pénible. Il pourrait être utile à mes sœurs et aussi aux gens toujours prêts à interpréter les choses en mal. Ce me serait une grande consolation. ».
Jean Baptiste Prin éprouve aussi l'envie de revoir ses deux autres sœurs, mariées, connaître leurs enfants, et, se recueillir sur la tombe de ses parents décédés six ans auparavant. « Et n'ayant plus de ministère à exercer ce voyage me devient comme une obstacle... Vu mon infirmité on ne veut pas me mettre seul dans une mission. Je suis à Melsisi dont je ne connais pas la langue. »; Jean Baptiste Prin ne souhaite même plus s'investir dans l'apprentissage d'une nouvelle langue. Il se sent de plus en plus inutile : « J'assurre la messe aux deux sœurs pendant l'absence du Père Gonnet. Cela arrive cinq à six fois par an et cela pour un jour à deux à chaque absence. ».
Un évènement paraît avoir été décisif dans cette démarche. Jean Baptiste Prin avait une de admiration pour son parrain pour qui il n'avait cesse de vouloir le suivre sur si loin de la France. Le choix de sa vocation d'être missionnaire en Océanie ne fut sans doute pas sans rapport avec le choix de la vocation d'Ephrem Bertreux. Le décès de son parrain survient le 4 janvier 1919 aux îles Salomon. Le filleul est profondément affecté de cette disparition.

En septembre 1923, de nouveau le boiséen prouve qu'il est un homme de paix. Pendant une absence du père Gonnet, de graves événements se produisent à Melsisi. Le célèbre Kasolang a surpris un jeune homme avec sa femme et promet de le tuer. Prenant les devants, le jeune homme s'embusque dans la plantation de Kasolang, mais tue sa femme par erreur. Kasolang est hors de lui. Il menace de tuer tout le monde et tue la première femme qu'il rencontre. Le mari de la victime court à Kurmre pour tuer un parent de Kasolang. « Heureusement, le père Prin a les nerfs solides et conseille bien les chrétiens de ne pas se laisser entraîner dans la folle ronde des vengeances. ».

Dans combien de conflits locaux a-t-il pris part volontairement et involontairement ? Le a-t-il lui même compté ? Les protestants, les marchands d'esclaves, les chefs de tribu, les autochtones, des hommes influents l'ont attaqué. Il n'a pas cessé de défendre les femmes.
Le boiséen n'aspire qu'à une vie plus calme, sans souffrance morale.

EPATE ...

Port-Vila
En 1925, à soixante-quatre ans, il est de retour à Port-Vila. Le père Roux a créé une petite paroisse à Paray. C'est maintenant à Jean Baptiste Prin que la paroisse est confiée. Le 19 mars la petite chapelle est bénie. Le père enseigne encore. Cependant sa vue baisse.

Mai 1926. En France sa petite-nièce Rose vient de se marier. « Et puis arrive ,ce matin un vapeur anglais et on me remettait une lettre timbrée de Machecoul ! Mon cœur m'a fait deviner de suite : c'est Benoît et Rose.
Ce mariage est pour lui l'occasion de recevoir de nouvelles photographies. « J'ouvre la lettre et je vous le dis sans honte : en voyant la silhouette blanche, mes yeux se brouillent et je n'y plus vois plus clair. Oh ! Soyez bénis vous deux d'avoir procuré une joie si douce à votre vieil oncle. Que le bon Dieu vous le rende au centuple. Et puis je prends mes lunettes et même ma loupe et je vous contemplent tous deux en bénissant le bon Dieu.
Enfin je pose un baiser sur le front de ma petite Rose. Je pense que Benoît ne sera pas jaloux.
Votre photographie restera sur mon bureau.
».
Jean Baptiste Prin aime recevoir des nouvelles de sa famille et il les ·attend avec impatience. Au terme de sa vie le courrier provenant de son pays natal paraît de plus en plus l'émouvoir. Il paraît regretter de voir évoluer les membres de cette famille que par photographie et n'embrasser que du papier.

NOUVELLE CALEDONIE ...

Il part pour Nouméa en janvier 1927 pour se faire opérer de la cataracte. Les médecins ne veulent pas risquer l'intervention. Il revient en décembre. Les médecins ne veulent toujours pas risquer l'intervention.

RETOUR DEFINITIF AUX NOUVELLES-HEBRIDES ...

EPATE ...

Port-Vila.
« Jusqu'au bout le père Prin a continué à faire la classe. ».
Son amour pour la Sainte Vierge est toujours aussi profond.
Le missionnaire est seulement épuisé de plaider sa foi contre la concurrence du protestantisme au sein des tribus indigènes, d'être mêler au sein de conflits internes et contemporains de cette époque dans une partie du monde aux mœurs différentes de son pays.
Le missionnaire est fatigué d'œuvrer dans des conditions précaires par manque de moyen financier, réclamant encore et encore au fil des lettres des moyens financiers, pour seulement offrir aux indigènes convertis un minimum du faste de la religion chrétienne et ceci au gré d'intempéries climatiques réduisant les efforts à néant.
Demandait-il à Dieu de souffrir autant le jour où il a débarqué à Loreto, aux Fidji, en 1888 ?

La maladie ne l'a certes pas épargné depuis 1903, depuis vingt-cinq ans. Au fil du temps, sa mobilité régressante, sa cécité naissante, le missionnaire paraît depuis attendre la mort, le délivrant de tous ses maux, de tous ses doutes.
Aspire-t-il mourir à Saint Jean de Boiseau ? Le sait-il lui-même ?
En 1928, à soixante-sept ans Jean Baptiste Prin est usé par quarante ans de vie de mission.
Le missionnaire prêchant souvent seul dans les stations est en ce mois d'octobre 1928 à Port-Vila, sur Efate la principale île de l'archipel des Nouvelles Hébrides, dans une station en tour de quelques religieux.
Le prêtre mariste ne semble plus vouloir combattre.

Le 18 octobre il reçoit l'extrême onction. « Depuis il communiait aussi souvent que son état le permettait. ». Ses amis, les religieux, les villageois, ne cessent de lui témoigner leurs hommages. Le vicaire apostolique Douceré l'accompagne dans sa longue agonie jusqu'à sa dernière heure le 3 novembre.

« ...Le père Prin a rendu son âme à Dieu le trois de ce mois à trois heures quarante cinq après-midi, un samedi...
Le jour de sa mort, dès le matin voyant que la fin approchait nous ne l'avons pas laissé un instant sans qu'un de nous, prêtres, fut près de lui. Il ne parlait plus, mais il était calme, et son regard, de temps en temps, paraissait bien conscient. Le docteur me dit qu'il avait encore toute sa connaissance. C'est consolant, car il a pu s'unir aux pieuses pensées qu'on lui suggérait et à l'absolution fréquemment renouvelée. Un peu avant le dernier soupir, je lui ai suggéré la rénovation de ses vœux, lui rappelant le noviciat que nous avons fait ensemble à Paignton.
La population de Port-Vila nous a donné des marques de sympathie, nombreuse assistance dans l'église de Port- Vila et un certain nombre sont venus à Montmartre pour l'inhumation.
Hier matin, même bonté à Montmartre et ce matin à Port Vila.
».

Le trois novembre 1928 le père Prin est mort à Port-Vila, après une longue carrière de missionnaire. C'était un homme intelligent et bon jugement. Cependant il semble avoir comme boulet cette malheureusement aventure de Fidji. On l'a beaucoup bousculé d'une station à l'autre, l'empêchant sans doute de donner sa pleine mesure. Toutes ses contradictions, ajoutées aux souffrances physiques qui ne l'ont pas épargné, ont aigri son caractère, parfois il se laissait emporter par la colère et le regrettait amèrement par la suite. Mais il a su porter courageusement sa croix jusqu'au bout du chemin. Le père Jamond l'aimait bien et c'était réciproque. Le grand missionnaire qu'était Suas l'avait en haute estime et a plaidé pour lui pas toujours avec succès.
Seul le seigneur sait reconnaître ses bons serviteurs.
».

Propos recueillis du livre intitulé « Le Centenaire de l'Eglise au Vanuatu »