Crémet et les femmes |
Alphonsine
Alphonsine, c'est son amour de jeunesse ; c'est elle qui l'a sauvé des griffes de la maréchaussée à
Pontgibault ; c'est pour elle qu'il a bravé sa famille et décidé de fonder un foyer ; c'est aussi elle qui lui a
donné cette fille qu'il n'oubliera jamais, même à ses heures les plus sombres. Ah si elle avait accepté de le suivre
à Paris !
Elle possède un métier qui la fait vivre. Elle a déjà fait l'expérience des conséquences que pouvaient engendrer les
engagements de son militant d'époux. Cette vie aventureuse elle en a peur et elle en craint les retombées pour elle
et pour sa fille.
Parmi les femmes qui ont partagé la vie de Jean Cremet, elle est celle qu'il a aimée.
Jeannette, sa Nette
Plus encore qu'Alphonsine, c'est l'absence de sa fille Jeannette, c'est de ne pas l'avoir grandir
qui a le plus manqué dans la vie aventureuse de notre homme.
Il est certain, tant qu'il a pu le faire, il a toujours tenté de subvenir à ses besoins en envoyant de l'argent à
Alphonsine. Dans chacune des nombreuses cartes postales qu'il lui a fait parvenir par les moyens souvent
rocambolesques, il lui a même prodigué des conseils pour sa santé et son avenir. Mais il ne put la revoir.
Jeannette quant à elle, a toujours vécu dans le souvenir de celui qui l'a quittée à ses 14 ans. Seule la révélation
tardive de son oncle Gustave jettera une ombre sur ce père quelle s'était reconstruit. Est-ce la crainte de voir ce
rêve devenir réalité qui fit qu'elle n'osera pas répondre à l'invitation des auteurs d'« As-tu vu Cremet » de
l'emmener se recueillir sur sa tombe à Bruxelles !
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Bien qu'elle n'ait pu connaître la joie de vivre près de ce père, Jeannette en a conservé les
conseils. A la Libération, militante au sein de l'Union des Femmes Françaises, mouvement issu de la Résistance, elle
est, en octobre 1944, désignée comme conseillère municipale de Couëron par décision préfectorale.
Militante socialiste et pacifiste convaincue, elle est élue aux élections municipales de septembre 1945 et devient
l'adjoint du maire de Henri Normand. D'un naturel effacé mais efficace, elle s'investit dans le social renforçant
l'estime qu'elle avait déjà acquise dans sa profession de sage-femme puis d'infirmière libérale. Elle y restera
jusqu 'en 1977 et décèdera, toujours célibataire, 10 ans plus tard, en 1997, à l'âge de 84 ans.
Le président de la société d'histoire de Saint Jean, Jean-Luc Ricordeau, Couëronnais d'origine, fait partie de ceux
qui eurent recours à services et bénéficièrent de ses soins.
Ses autres femmes
D'autres femmes ont également joué un rôle dans son existence, mais elles furent plus un soutien,
une confidente que l'objet d'une folle passion.
Clara, c'est son égérie, sa conseillère, sa protectrice. C'est elle qui, à Paris, l'aide, le protège. C'est elle qui
l'accompagne dans sa fuite. C'est elle qu'il retrouve à son retour en France. Elle est encore à ses côtés pendant la
Seconde Guerre Mondiale.
Sa relation avec Jacqueline est-elle due aux circonstances du moment ou à un véritable penchant amoureux ? Il est
certain que le passage du petit rouquin dans sa morne existence fut, oserons-nous le dire, son rayon de soleil.
Marcelle ! Cette fois, c'est elle qui prend l'initiative et offre d'apporter son aide et son soutien à Jean dans une
période déprimante. S'il n'y avait eu cette rencontre avec Maria et ces souvenirs en commun, Jean aurait peut-être
fini ses jours en sa compagnie !
Quand il fait la rencontre de Maria, Jean a 66 ans. Depuis 10 ans, sa vie avec Madeleine est sans histoire. Après le
départ de cette dernière il continue ses rencontres avec Maria et c'est seulement 5 ans plus tard qu'ils décident de
vivre ensemble. Il va trouver auprès d'elle et de ses proches une vie familiale telle qu'au fond de lui il a toujours
rêvée. Puisqu'il ne lui est pas permis de revoir sa Jeannette, il reporte sur les enfants et les neveux de Maria cet
amour paternel qui ne s'est jamais exprimé que par cartes postales interposées. Pour tous, celui qui quittera ce
monde des vivants le 24 mars 1973, est devenu « Tonton Gabriel ».
De par son activisme, Jean est un homme seul, traqué, souvent aux abois. Il a besoin de se confier, d'être (pourquoi
pas !) materné. C'est auprès de ces femmes qu'il a cherché refuge et tenté de trouver son équilibre. Elles ont
contribué, chacune à sa manière, à construire ce qu'il a été.
Barthélemy Baraille :
Il adhère au P.C. en 1921.
Pendant la seconde guerre mondiale, en 1941, il est arrêté et emmené comme otage à Châteaubriant. Par bonheur, il ne
fait pas partie de ceux retenus pour être les fusillés.
En 1945 il est élu conseiller aux élections municipales de St-Jean.
La femme de Barthélemy Baraille tient la coopérative de La Montagne et vient ensuite tenir la coopérative de Boiseau,
rue du commerce. En 1949, elle laisse l'épicerie à Monsieur et Madame Roger Debec et prendra le nom de « Docks de
l'Ouest ».
Par la suite, ils habiteront rue de la Fraternité à Boiseau (maison habitée par la suite par Jacques Dessouches).
Il décède en décembre 1970, chez l'une de ses filles, au Pellerin.
Personnage historique du PC en Loire Inférieure, il apparaîtra comme personnage dans Les Cloches de Bâle
d'Aragon.
Nous ne nous attarderons outre mesure sur sa vie. Dans un prochain article nous aurons tout le loisir d'en connaître
bien davantage.
Pierre Joseph Marie Hureau (petite bottine) :
Pierre Hureau est né le 29 octobre 1887 à Saint-Jean-de-Boiseau.
Il est admis à Indret, en 1902, comme apprenti mouleur, sous le matricule 2349.
Hormis une vie de militant bien remplie, il a quelques faiblesses pour la gent féminine qui lui vaut le surnom de
« petite bottine ».
Le 11 mars 1911, il se marie à St-Jean-de-Boiseau avec Marie Chuniaud, de 8 ans son ainée. Ils habitent à La
Clavelière à Boiseau (ancienne maison Lodé).
Il est adhérent au Parti Socialiste puis au Parti communiste dès sa création.
Le 25 décembre 1921, il est congédié d'office de l'établissement d'lndret (OD n+ 272 du 23 décembre 1921), pour
insulte grave à un supérieur (un contremaître surnommé « bouteille et microbe », fils du charcutier de La Montagne).
Il est réintégré le 6 juillet 1925 suite à la loi d'amnistie du 3 janvier 1925.
A la Libération, en septembre 1945, il se présente, avec son ami Barthélémy Baraille, aux élections municipales de
St-Jean sur la liste présentée par Maurice Martin et devient son 2ème adjoint ; le premier adjoint est Jean Chagnas,
qui deviendra maire 9 ans plus tard ; le poste de 3ème adjoint est attribué à Henri Bachelier.
Ses autres colistiers ont pour noms Amand Bertet, Marcel Bouyer, Auguste Combeau, Jeanne Drouet, Julien
Gouy, Georges Grangenois, René Guégen, Lucien Jolly, Goerges Lebreton, Louisette Vénéreau et Ernest
Vénéreau |
Le 11 mai 1954, à la mort de son épouse Marie, il a la « douloureuse surprise» d'apprendre que
celle-ci ne l'a pas couché sur son testament. Plus encore : au retour de la cérémonie mortuaire, il ne peut plus
pénétrer dans la maison. Pendant les funérailles les serrures ont été changées.
Il faut dire à la décharge de cette dernière que Pierre n'a jamais été un époux des plus fidèles. Son surnom de «
Petite bottine » n'était, semble-t-il, pas usurpé.
A Couëron, le 25 février 1955 il épouse, en secondes noces, Alphonsine, Séraphine Thibault, la femme de Jean ; ce
dernier étant officieusement mort.
Ils partent habiter au Cormier sur la commune de La-Plaine-sur-mer. Il y décède le 9 août 1966.
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Emile Jean Baptiste Hureau :
Emile Hureau naît à St Jean de Boiseau le 29 septembre 1895,
Il entre à Indret en 1910 comme apprenti forgeron, sous le matricule 2635.
C'est le fondateur avec Crémet des jeunesses syndicalistes où il côtoie des hommes tel que François Brancha, le futur
maire de St-Nazaire.
A la veille de la guerre de 1914, il adhère, à La Montagne, au jeune parti socialiste unifié, la S.F.I.O.
Du fait de son petit gabarit et de son état de santé précaire, il n'est pas mobilisé et échappe ainsi à ce qui
restera comme le plus effroyable conflit du 20ème siècle.
A l'arsenal, il travaille, à son corps défendant, à l'industrie de guerre de l'Etat. Une raison suffisante pour être
de cette minorité qui, dans un parti socialiste acquis à la politique d'union sacrée, refuse la guerre. Dès 1915, il
adhère ainsi aux thèses pacifistes et révolutionnaires de la conférence de Zimmerwald.
Le 24 août 1916, il est rétrogradé pendant un mois. Trois mois plus tard, le 17 novembre 1916, il est congédié pour
insuffisance et mauvaise qualité des services et indiscipline (OO n° 422 du 16 novembre 1916), mais et surtout pour
propagande pacifiste et révolutionnaire.
L'espoir que suscite l'annonce de la Révolution russe en 1917 représente pour le jeune militant une motivation
supplémentaire dans son engagement. Lorsqu'au congrès de Tours, en 1920, la majorité socialiste créé la jeune Section
Française de l'Internationale Communiste (SFIC), il rejoint le jeune Parti communiste.
C'est à cette époque qu'Emile Hureau fonde à La Montagne puis plus tard à Basse Indre une coopérative ouvrière et
qu'il épouse, le 20 mars 1920, celle qui sera sa compagne durant 65 ans, Madeleine, Juliette, Marie Portal. Installés
à Basse Indre, le couple y tient un café restaurant sur le quai « L'aube rouge ». Le journal d'Emile, "L'Humanité", y
figure en bonne place.
A Lyon, en 1924, au congrès du P.C.F., il est, avec Jean Crémet, délégué pour la Loire Inférieure.
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En 1932, afin de faciliter les déplacements des ouvriers vers leurs lieux de travail, Emile Hureau
devient transporteur et crée la ligne d'autocars Couëron/Basse-Indre. Son entreprise n'est, en fait, jamais très
florissante ; les cars qu'il utilise sont des secondes mains des cars Brounais et leur moteur souvent hoquetant. La
puissante compagnie des tramways nantais n'appréciera pas cet homme qui lui oppose une concurrence, si minime
soit-elle. Emile portera plainte contre celle-ci mais justice ne lui sera pas rendue. Il aura ce commentaire : "selon
que vous serez puissants ou misérables ..."
Ce passage d'Emile chez les autocaristes a laissé un souvenir apprécié chez les couëronnais. Jean-Luc Ricordeau
raconte :
Les prix pratiqués par les cars Hureau étaient très compétitifs et firent la joie et je bonheur
des associations et des clubs pour leurs excursions ou leurs déplacements lors des compétitions sportives.
Bien sûr, cela n'allait sans quelques péripéties. Comme nous le disions plus avant, les cars n'étaient de la première
jeunesse. C'est ainsi que Jean-Luc Ricordeau se souvient :
Lors d'une sortie vers la côte de Jade, nous devions passer par La Sicaudais. A la sortie de ce
petit bourg, il y a une côte. Ce n'est pas le Tourmalet, mais les adeptes du cyclotourisme ne me démentiront pas,
le pourcentage n'est pas négligeable. Toujours est-il que ce fameux jour, notre beau moyen de transport n'en peut plus
et il nous nous fallut descendre et y aller de la « poussette sollicitée » afin qu'il puisse continuer son ascension. Et,
l'obstacle franchi, c'est dans la joie et la bonne humeur que chacun regagna, ensuite, sa place.
La lutte antifasciste, le Front Populaire... Emile Hureau est de tous ces combats. Il vit comme "humiliante" la drôle
de guerre en 1939-1940 et l'occupation allemande. Ausi est-il de ceux qui, dès juillet 1940, avec Marcel Paul, se
réunissent et organisent la Résistance. Arrêté en mai 1941, il est interné au camp de Châteaubriant. Par bonheur, il
n'est pas retenu parmi les 27 partisans qui seront fusillés. Il ne sort de ce camp qu'en mars 1942.
Après la Libération, le militant communiste, Emile Hureau, partage les combats de ses camarades et c'est l'année de
la fin de la guerre d'Algérie, en 1962, qu'il prend sa retraite. D'abord à Saint-Fiacre où il s'occupe des vignes
qu'il y possède, puis, en 1974, il revient à La Montagne, rue Pasteur, pour s'y installer définitivement.
Bien qu'âgé, jamais son intérêt pour la politique ne se relâche : quelques années avant sa mort, on pouvait, encore,
voir la frêle silhouette d'Emile Hureau distribuant des tracts.
Il écrit même une longue lettre à François Mitterrand dénonçant "la politique de droite de son gouvernement". Cet
"homme communiste" est mort presque centenaire à La Montagne en 1994. Mado, sa compagne de toujours, l'avait devancé
cinq ans plutôt.
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