Histoire de Saint Jean de Boiseau

Un homme de caractère :
L'abbé André Rucher



Un homme de caractère

Lors de notre publication sur les évènements de mai 1968, nous avons mentionné la vive réaction du curé le l'époque : l'Abbé André Victor Louis Rucher.

Les faits bien qu'authentiques ont froissé quelques personnes de Saint-Jean qui gardent un très bon souvenir de son passage dans notre commune. Grâce à des documents privés, transmis sur ce « bouillant » personnage, nous avons tenu à retracer son histoire ce qui explique peut-être ses jugements.

Homme de vocation



André est né le 15 mai 1902, d'Emile Rucher âgé de 37 ans et de Louise Mercereau âgé de 26 ans, dans une famille aisée du vignoble à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Au foyer il y a aussi une fille, Alice plus âgée de quelques années.

André est élevé dans la pratique de la religion et des principes de la bourgeoisie. Pourtant la situation de la famille Rucher va beaucoup se détériorer quand l'épidémie de phylloxéra ravage le vignoble. Ruiné, Monsieur Rucher est contraint de se reconvertir comme maçon dans une entreprise nantaise. La famille vient s'établir dans le quartier Saint-Félix .

Elève studieux et intelligent le jeune André est remarqué par le prêtre enseignant qui lui fait la classe. Après sa communion il rejoint, à 12 ans, le petit séminaire de Nantes. Il y reste jusqu'en 1922 soit huit années dans cet établissement où il obtient son baccalauréat es-lettres. Il a la vocation et veut consacrer sa vie à Dieu ; il entreprend, alors, des études théologiques au grand seminaire des Couëts jusqu'en 1929. Entre temps, en 1923, il effectue son service militaire. Afin de payer ses études au grand séminaire il exerce les fonctions de précepteur dans des familles de l'aristocratie du Sud-Loire, chez Monsieur De Grandmaison entre-autres. Il gardera de cette fréquentation, un penchant pour la haute société.



Après avoir prononcé ses vœux, le 15 juillet 1929, il est nommé vicaire-instituteur à Touvois en octobre de la même année. Puis en octobre 1934 il est professeur de IVème A, au petit séminaire des Couëts et de la classe de la IIIème A , en 1936. Il est ensuite affecté temporairement à Chéméré. C'est là qu'il exerce pour la première fois en tant que prêtre. Pendant cette période, il vient une première fois à Saint-Jean-de-Boiseau en 1937 pour une communion solennelle. Le 5 août 1939, il est nommé vicaire à Saint Félix.

Curé de Saint-Jean de Boiseau

Des débuts remarqués

Le 19 novembre 1945, il y est nommé abbé de Saint-Jean-de-Boiseau, en remplacement du curé Duval qui rejoint Saint-Martin de Chantenay. Pendant un quart de siècle, il va diriger la paroisse d'une main de fer. Il est accompagné de sa mère qui ne comprend pas que son fils puisse venir « s'enterrer dans un tel bled ». Par son comportement, cette dernière ne facilitera pas l'intégration du brave curé. En effet, il vient de quitter une paroisse aisée et un logement confortable muni du téléphone pour un presbytère vétuste, mal chauffé et dépourvu de confort. Il sera contraint d'y faire installer le chauffage. Plus tard il hébergera sa sœur veuve et malade à la cure. C'est d'ailleurs là qu'elle décède.

André Rucher est un homme de contact. Peu après son arrivée dans la commune, il rencontre chez eux pratiquement tous ses paroissiens. Avec son vélo, par tous les temps, il sillonne Saint-Jean pour porter la « bonne parole ». L'homme est rude, parfois brutal dans son langage, ce qui heurte quelques fois les fidèles.
Alain Ordrenneau se souvient également :
C'était en 1950 ou 51. Je fréquentai à lëpoque l'école St Marc. Le curé Rucher y venait quelques rares fois faire un exposé sur un thème religieux et une fois par an recevoir nos vœux pour là Saint-André, son saint patron.
Ce jour-là, il traitait des sacrements de l'église et notamment de l'interdiction faite aux catholiques de ne pas manger de viande le vendredi: Il y a de cela bientôt 60 ans et j'allais vers mes douze ans pourtant je me souviens de ses propos qui n'étaient pas de mise à cette époque : « De celui qui mange sur son chantier un morceau dur comme une semelle ou de celui qui bien attablé déguste son merlu beurre blanc où est le péché ?».

Voilà un trait de son anti-conformisme et son sens des réalités.

Sans se formaliser avec les habitudes et les règlements, il décide de changer ce qui l'indispose, pour mettre tous les pratiquants sur un même pied d'égalité.

Pour ces actions il sera, bien aidé par l'abbé Guiheneuf, qui s'implique énormément auprès de la jeunesse. Celui-ci succède aux abbés Jouneau et Rohars qui avaient assisté le curé Rucher au début de son sacerdoce à Saint-Jean. En 1948 il lance les grandes Fêtes du Pé, managées par son jeune vicaire.

Parmi ses premières décisions il faut mentionner :
- La suppression de la quête pour les chaises ainsi que leur location annuelle aux familles aisées. Elles sont disponibles pour tous. Donne qui veut.
- L'abolition des classes pour la célébration des mariages et des enterrements.

Les années 50-60

En 1949, devant la demande des paroissiens de Boiseau, il entreprend la construction de la chapelle de Boiseau et ceci, contre la décision de l'Evêché qui avait opposé son veto à cette construction. Il paye de sa personne en participant lui-même aux travaux.

Dans les années 1950-60 il supprime les Rogations et la procession du mardi de Pâques à la chapelle de Bethléem. Il célèbre une messe à l'église en remplacement.

C'est aussi, avec Pierre Gauthier et Jean Chagnas, l'instigateur de l'arrivée de la banque du Crédit Mutuel à Saint-Jean en 1959. Les réunions se tenaient à la cure, puis un local sera acheté rue de l'Egalité. Le premier secrétaire sera Jean Chagnas, puis Pierre Gauthier pendant de nombreuses années.

Ses sermons sont vivants. René Gendronneau les appréciaient : car ils étaient toujours exprimés dans un langage direct et en rapport avec les problèmes de ses paroissiens. Certaines de ses homélies étaient très virulentes, principalement celles adressées aux hommes dont la conduite n'est pas honorable... Ils en prenaient pour leur grade. Il utilisait toujours des exemples vécus pour étayer son discours.
Avec sa 2 CV il parcourait tous les villages pour être proche de ses fidèles.
Sa porte était toujours ouverte à tous et nombreux étaient ceux qui venaient lui demander conseil. Il y avait souvent la queue devant sa porte et Madame Renaud, sa bonne, tentait tant bien que mal de filtrer les consultations. Son jugement était considéré comme très sage. Chacun pouvait lui ouvrir son cœur et évoquer ses difficultés. Tous savaient que l'on pouvait compter sur son aide et plus ieurs habitants de la commune lui doivent leur emploi à l'arsenal dTndret où il avait quelques relations. Au fil des années passées dans la paroisse, il connaissait presque tous les habitants. Son engagement et sa foi le faisaient parfois dériver vers des actions qui dépassaient son ministère. Combien de mariages n'a-t-il pas « organisés » pensant faire le bien des futurs époux...


Mais tous ne gardent pas que de bons souvenirs car il froisse ainsi quelques fidèles par ses emportements. A titre d'exemple voici un témoignage qui démontre certains traits de sa personnalité.

L'un lors du baptême de la fille de Paul Diquelou : Sa belle-mère était la marraine. Elle n'avait pas ses lunettes et ne pouvait lire les textes relatifs à la cérémonie. Le curé excédé de cette situation lui arracha le livret des mains et le jeta à terre. C'est une autre personne de la famille qui le ramassa et qui en fit la lecture à la place de la marraine. Depuis ce jour Paul ne fréquenta plus l'église.

A contrario, Pierre Bodineau témoigne de ses qualités d'homme.
Mes parents n'étaient pas des cléricaux et ne fréquentaient pas l'église. Pourtant ils étaient très amis avec le curé Rucher qu'ils considéraient comme un homme bon. Lorsque mon père est tombé malade, le curé passait régulièrement à la maison pour prendre de ses nouvelles. Rucher arrivait avec sa moto à courroie. Mon père le provoquait et lui disait : Dieu n'existe pas ! Tenez, prenez la revue La Croix de 19.., voyez ce qu'il y est écrit... Et la discussion devenait oiseuse. Mon père s'est fait enterrer civilement car ce n'était ses idées, mais il avait de l'estime pour Rucher.
Quand le brave curé s'est retiré à Saint-Herblain, j'allais lui rendre visite avec ma cousine lucette.


Chaque année il fait le bilan de ses actions en chaire et évoque les problèmes de la paroisse.

En juin 1952, il décide de célébrer la fête-Dieu, non pas devant le reposoir de l'église, mais à La Télindière. Il motive ses paroissiens pour édifier le reposoir place des Acacias près de la Fontaine où sera célébrée une messe. Le cortège se rend ensuite au Pré Commun, devant Bikini, où une nouvelle célébration a lieu sur une toue décorée de roseaux. L'autel est sur le toit de la cabane et le Saint-Sacrement le long du mât. Une flottille de petits bateaux de pêche, pavoisés de drapeaux multicolores, entoure l'embarcation. Des haut-parleurs transmettent aux paroissiens restés sur la berge, avec les choristes, les paroles de l'officiant.Cette fête-Dieu marquera le souvenir des habitants de la commune, même parmi les non pratiquants venus en curieux.

En juin 1956, il procède au remplacement du tableau, représentant Saint-Jean-Baptiste baptisant sur les bords du Jourdain, offert par l'abbé Pilard en 1808. Complètement noirci par la fumée des cierges et malgré les tentatives de « décapage » entreprises avec de l'eau-de-vie, le tableau du chœur est très dégradé. C'est Marcel Denaud, chaudronnier à Indret, qui réalise celui qui est actuellement dans l'église. Pour immortaliser le personnage du saint, il demandera à Joseph Herfray (Hé oui !) de servir comme modèle. Ainsi, à travers cette fresque, notre cher JoJo surveille-t-il constamment les fidèles...

En octobre 1961, il effectue une bénédiction de l'école Saint-Marc qui vient d'être agrandie de quelques classes en préfabriqué.

Un homme de foi

André Rucher est un curé imprégné de la foi qu'il veut faire partager à tous les habitants de Saint-Jean. Deux lettres écrites en 1956 à un ami non croyant témoignent de son raisonnement :
Le monde n'est pas beau, que chacun dans sa sphère fasse le maximum de bien, qu'il arrache toute haine de son cœur et tout ira mieux..... Tu penses que je te considère comme un être dangereux et que je multiplie prières et signes de croix en t'écrivant. Non, tu es mon frère, tu es plein de bonnes intentions, tu es de bonne foi. Je ne voulais pas te peiner....Mais dans tes lettres tu mets une telle passion, de hargne dans tes accusations qu'on est bien excusable d'y voir de la haine. En haïssant ce que tu appelle « le mensonge » et la « tyrannie » de l'Eglise, tu dois bien haïr l'Eglise et ses ministres. Réfléchis bien aux sentiments éprouvés....qui ne sont peut-être pas toujours conscients, entraÎné que tu es par la passion de ce que tu crois le bien. Mon cher Cary, je ne te repousserai jamais ; je t'accueillerai toujours et très sincèrement en ami....
Concernant le célibat....le célibat ecclésiastique est, à mon avis, d'après mon expérience personnelle, une nécessité.
1 - Si marié, le prêtre devrait d'abord penser à sa famille, il ne pourrait pas tant se donner.
2 - les ressources paroissiales seraient insuffisantes pour faire vivre le foyer.
3 - le prêtre nuit déjà à son ministère par les travers de son caractère. les travers, les animosités de son épouse et de ses enfants y ajouteraient encore.
4 - le contrôle de sa femme {les femmes sont curieuses) enlèverait une partie de la confiance qu'on donne au prêtre et au confesseur ....II faudrait une femme parfaite ... Or l'amour est aveugle dans son choix.

Le concile de Vatican I

Une période importante de la vie religieuse de Saint-Jean va se dérouler durant son mandat : ce sont les réformes du concile de VaticanIen décembre 1965 qui entreprend les réformes suivantes :
- Abandon du costume ecclésiastique
- Liturgie en français à la place du latin.
- Chants d'expression plus modernes et en français, dirigés par des laïcs, femmes incluses.
- Le célébrant ne doit plus tourner le dos aux fidèles. C'est ce qui oblige aux transformations de l'autel qui est remplacé par une table de marbre, provenant de la chapelle de Boiseau désacralisée, et à la suppression de la grille du maître autel. Il faut signaler qu'avant le concile le curé Rucher avait déjà institué les chants religieux et les enterrements en français. Il adressa un rapport dans ce sens à l'évêché à l'intention du vatican.

En accord avec cette réforme, André Rucher donne l'ordre à Roger Martin de démonter de casser la chair de l'église. Il fait enlever les confessionnaux, qu'il relègue dans un coin de l'église(1), et supprimer la grille du maître Autel. Elle servira de balustrade au balcon de Georges Beillevert. Toutes ces transformations heurtent une partie des paroissiens.

(1) Un sera démoli beaucoup plus tard par René Gendronneau et Charles Parois et l'autre est toujours dans la chapelle derrière l'harmonium .

Le conflit

Nous en arrivons aux évènements de 1968. La création l'A.C.O, Action Catholique Ouvrière, va être le début du conflit entre le brave curé et une partie de ses paroissiens. Un conflit de génération qui va perturber André Rucher, droit dans ses convictions, mais en décalage avec le problème social des ouvriers. Dans un courrier adressé au conseil de la paroisse il explique sa position vis à vis de cette nouvelle institution.

Je ne sais comment vous jugez votre curé vis à vis de l'A.C.O. Je regrette seulement que vous n'ayez pas manifesté plus tôt votre étonnement du désintéressement apparent de votre curé vis à vis de vos réunions. Il y a 20 ans que nous nous connaissons. Je peux, en toute vérité et avec mon cœur, dire à plusieurs parmi vous « mes enfants ». Je suis plein de défauts, que vous avez sans doute relevés...mais je ne pense pas que vous puissiez m'accuser de duplicité. J'ai toujours essayé d'être droit, direct, même jusqu'à une certaine brutalité verbale. Je n'ai jamais voulu être diplomate, je ne suis peut-être qu'un grand maladroit, mais je suis franc.

Le but du clergé est de faire connaÎtre le Christ et son message à tous les hommes. Mais le clergé est divisé quant aux moyens d'atteindre ce but. J'ai été témoin et acteur de la naissance de l'A.C O qui s'appelait alors l.C O.( Ligue Catholique Ouvrière) Elle ne comprenait d'abord que des hommes, ex-jocistes pour la plupart Puis le M.P.F( Mouvement Populaire Familiale) et enfin l'A.C.O. ont voulu faire agir les foyers.

Je vous parle par expérience, l'A.C O tout en faisant du bien a commis et continue de commettre des erreurs contre lesquelles je veux vous mettre en garde.

Vis à Vis du patronat

Elle présente un monde ouvrier malheureux exploité par le patronat et les commerçants et doit se défendre. Le rôle de l'A.C O n'est pas de se substituer aux syndicats. Il ne faut pas diviser les hommes et semer la haine. Or ici vous avez jugé le conflit des chantiers navals nantais et vous n'en aviez ni le droit, ni les moyens.

Vis à vis de l'Ecole Catholique

Elle a contr1bué à démolir les écoles chrétiennes pour magnifier l'école unique de l'Etat..... Les A.C.O., de bonne foi ont invoqué deux motifs pour placer leurs enfants à l'école publique de préférence à l'école privée : Nos enfants seront des apôtres parmi les autres ! Utopie neuf fois sur dix un enfant athée ou amoral aura des conquêtes faciles... Les enfants à l'Ecole laïque permettent aux parents chrétiens de s'intégrer dans les comités de parents d'élèves et de faire du bien.... Ma position est que l'on ne doit pas se servir d'un enfant comme moyen....la formation première d'un enfant est irremplaçable.

Vis à Vis des patros

Elle est démissionnaire en raisonnant que le sport, la culture et le théâtre sont du ressort de la commune ou l'état. C'est une erreur car c'est dans nos patros que l'on forme des élites chrétiennes. le prêtre est en contact avec la jeunesse. Même dans nos patros la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux.

Vis à vis des partis politiques

Théoriquement elle ne fait pas de politique, mais j'ai constaté que quelques membres inclinent vers le marxisme. Je connais des non-catholiques nantais, militants P.S.U. qui se vantent de cotoyer les catholiques et de les « convertir ». Ces militants P.S.U. sont amoraux.

Je n'aime pas non plus le mot militant. Il vient du latin « miles » c'est à dire soldat et cela me rappelle la guerre. Je préfère le mot disciple qui veut dire imitateur. Dans mes sermons j'ai essayé de former mes paroissiens pour faire le bien et développer leur responsabilité apostolique au travail ou chez eux. J'atteins ainsi 500 auditeurs.

Il y a beaucoup à faire dans la paroisse, agissez. On manque de cadres pour les activités du Patronage, de catéchistes, de personnes pour tenir la bibliothèque {j'y verrai très bien un homme). le Secours Catholique s'est suicidé, sans que j'y sois pour rien. Je n'ai pas été averti: Il faudrait le reconduire et je pense qu'une section des Petits Frères des pauvres serait la bienvenue. Si la santé me l'avait permis, j'aurai sessayé de vous faire éviter les erreurs signalées ici.

J'ai parlé sans passion et j'ai cru de mon devoir de vous parler. Daigne Dieu nous éclairer tous dans la charité.

Dès lors, ses démêlées, avec certains de ses paroissiens et l'évêque, vont ternir la fin de son sacerdoce à Saint-Jean-de- Boiseau. La maladie qui le ronge le rend plus irritable et ajoute à l'incompréhension qui s'installe. Une pétition est envoyée à l'évêché pour se plaindre de son comportement. Ce sera le coup de grâce qu'il vit très mal. L'évêque en personne se déplace à la cure. Un témoin de la scène se souvient très bien de cette rencontre. Notre brave curé excédé par cette polémique reçu son supérieur en ces termes. Monseigneur, en vingt ans vous n'êtes jamais venu me voir dans ma paroisse, si aujourd'hui vous venez pour me réprimander, vous allez sortir avec mon pied au C.. Je pense qu'il n'avait jamais reçu une telle réception. Si le dialogue fut plus apaisé les minutes suivantes, l'évêque n'en prit pas moins une sanction envers le curé à qui il retira son dernier vicaire Georges Olive.(2)

(2) Il n'y aura plus de vicaire après son départ à Saint-Jean-de-Boiseau

Le déclin

Diminué, incompris et désormais seul, il demanda sa mutation. Le 11 juillet 1970, il est affecté comme aumônier à la communauté des sœurs « Agneau de Dieu » près de la paroisse Jeanne d'Arc de Nantes à la Garotterie. Il sera remplacé par l'abbé Siloray. Pour son départ une petite délégation lui offrit un tableau représentant le bourg de Saint Jean, vu de la combe de Béthélian et réalisé à son intention par Edmond Bertreux. Démissionnaire fin 1980, très malade, il se retire à la maison du Bon Pasteur. C'est là qu'il est décédé le 23 avril 1981. Il est enterré avec sa sœur et son beau- frère dans le cimetière de ce Saint-Jean qu'il avait tant aimé.

André Rucher était un "personnage", "un homme de caractère" dirons-nous. Il a marqué de sa présence près d'un quart de siècle notre commune. Si ses actions étaient partagées par une large majorité de paroissiens, le souvenir que ses anciens paroissiens gardent de lui est divisé.

- Il y a ceux qui le considèrent comme un homme simple, économe qui menait une vie réservée. Il n'aimait pas les agapes et avait peu de contact avec ses confrères des paroisses voisines. Il préférait un pique-nique dans le calme de la campagne ou au bord d'une rivière avec un couple de paroissien.

- d'autres en ont cependant gardé quelques amertumes. Son penchant colérique, dont-il usa, parfois, dans l'exercice de son sacerdoce, engendra des ressentiments, aujourd'hui encore, bien vivants dans les mémoires.

Avant de quitter la commune il posa cette question à René Gendronneau. D'après vous ai-je bien rempli ma mission? Une question qui le tracassait, lui l'homme qui avait voué sa vie à Dieu. Comment répondre par la négative après vingt-cinq années passées au service des autres...même si son âge et sa santé lui auraient permis de se retirer dans de meilleures conditions deux années plus tôt.

Aujourd'hui encore quelques uns de ses anciens paroissiens viennent fleurir sa tombe. Pierrette Martin, qui l'a souvent accueilli chez elle est de ceux-ci.