A Indret, les conséquences et retombéesC'était ... au mois de mai. |
A Indret
A Indret, la reprise est proposée aux salariés ; ceux-ci doivent s'exprimer à bulletins
secrets. A la surprise des responsables syndicaux, une majorité certes faible (570 pour la continuité, 530 pour
la reprise) décide de continuer la grève, par solidarité avec les entreprises du secteur n'ayant pas obtenu
satisfaction. Partout, dans les autres établissements de la Marine, la reprise est effective.
Deux jours plus tard, devant la menace du Directeur de faire intervenir les forces de l'ordre, un nouveau vote,
cette fois à mains levées, sonne la fin de la grève.
Les résultats pécuniaires sont quasi inespérés. Mêmes les revendications vieilles de plus d'un an ont été
acceptées. Les rappels qui en découlent frisent le mois de salaires.
Par solidarité, les organisations syndicales demandent à tous d'apporter leur soutien aux plus défavorisés des
usines voisines, en versant l'équivalent d'une journée de salaires. La collecte rapporte près de 35 000 francs.
A Basse-Indre
Le 28 les propositions gouvernementales de Grenelle sont soumises aux travailleurs. Les
cadres de Garnaud font passer par voie de presse, une demande d'un retour à la raison et espèrent une reprise
rapide du travail.
Le 29 mai nouveau rassemblement place du marché avec plus d'un millier de personnes. Le maire M.Chatelier et
M.Morinaud CGT-FO président le meeting. Après un rappel de la situation et le point des négociations par
les responsables syndicaux. Il est décidé de poursuivre la grève. M.Michaud a annoncé que des agriculteurs de
Guéméné-Penfao apporteront prochainement du ravitaillement en légumes sur le marché pour les familles de
grévistes.
Après les accords de Grenelle et le retour de l'essence dans les stations, le mouvement s'essouffle
et chacun pense qu'il est temps de reprendre le travail. Le 7 juin, Les syndicats rencontrent la direction
centrale de la société en gare du Mans. Mais aucun accord n'est intervenu. Ce même jour, les moniteurs des
apprentis et les ouvriers assurant la sécurité de l'usine, décident de remettre la totalité de l'acompte de
leurs salaires au comité de grève.
La rencontre du 14 juin, dans un café en face la gare du Mans s'avère positive. Le lendemain, à 17h, Jérémie
Huguet informe en ces termes les ouvriers présents aux forges : Le bilan de notre action est satisfaisant et
positif. Aussi, conscients de nos responsabilités, nous rejetons aujourd'hui comme hier, toutes suggestions au
sujet d'un vote éventuel. Nous n'en avons nullement besoin. Les travailleurs qui jusqu'à ce jour ont fait
confiance à leurs organisations syndicales sont prêts à répondre à l'ordre de reprise du travail qu'elles leur
transmettent ...dès lundi. Les services de sécurité reprendront dès le 16 juin pour assurer un démarrage de la
production le lundi.
La reprise effective a bien lieu le 17 juin, soit après quatre semaines de lutte. Les avantages ne sont pas
négligeables pour les petits salaires. Un acompte sur la paie a été versé et pour le reste des heures perdues il
faut récupérer une à deux heures par semaine pendant plusieurs mois. Mais tout se passe bien pour le retour au
travail. Seule, une partie de la maîtrise, contre la grève, a 1e sentiment d'avoir été abandonnée par sa
direction.
Aux Côteaux
Paul Plantive se souvient :
Nous sommes restés en grève jusqu'au 15 juin, je crois. On a obtenu satisfaction sur nos revendications avec
les accords de Grenelle qui se sont déroulés pendant le week-end du 25 au 27 mai, plus, des négociations
spécifiques au Port-Automne un peu plus avantageuses. Dès le début juin on peut reprendre le travail. C'est ce
que beaucoup désirent. Mais une catégorie sociale a été oubliée dans ces accords, ce sont les marins. Eux n'ont
pratiquement rien obtenu et ils n'ont pas décidé de reprendre le travail, sur les bacs notamment. C'est pour les
soutenir que nous prolongeons la grève jusqu'à la mi-juin.
On n'a pas réellement eu de problèmes financiers car on a touché un acompte de salaire pendant la grève et nous
avons été payés totalement de ces journées d'occupation. De plus la liberté syndicale a permis de tenir nos
réunions sur le temps de travail, payé et dans l'enceinte de l'établissement. Ce n'était pas le cas avant
1968.
Le jour de la reprise nous avons fêté notre succès. Au son de l'accordéon de Pierre Piscini et du tambour
remplacé par un vestiaire en tôle, nous avons défilé dans les ateliers en brandissant le drapeau du syndicat de
1936 (un peu défraÎchi, le rouge du tissu avait beaucoup jauni). Cet emblème que l'on croyait disparu fut
retrouvé sous l'estrade de l'Amicale Laïque.
Dernière anecdote : Lorsque nous reprenons le travail, les bacs sont encore en grève et les gars de Couëron
viennent jusqu'au Paradis et attendent ... qu'on ne vienne pas les chercher, se disant : on a une excuse on ne
peut pas traverser. Sauf que, lorsqu'ils reviennent au travail, le lundi matin, pour demander le paiement du
temps perdu, l'ingénieur Sorin, qui a suivi de près le déroulement de la grève, leur rétorque qu'ils avaient
bien su trouver une solution pour venir faire les piquets de grève, ils n'avaient qu'à prendre la même mesure
pour être à leur poste.
Et ailleurs ...
A la Bordelaise et à Tréfiméteaux, les résultats sont loin d'être bénéfiques ( voir les
articles qui leur sont consacrés) mais là aussi, avec beaucoup moins d'enthousiasme, il faut reprendre le
travail.
Les derniers à reprendre le chemin de l'usine seront les ouvriers des Batignolles. Ils poursuivront la grève
jusqu'au 20 juin.
Sur la population
Ce dur conflit ne fait pas l'unanimité dans nos communes ; que ce soit à la
Montagne, St Jean, Le Pellerin et plus encore peut-être à Brains.
La population de ces communes est choquée de cette situation extrême et ne comprend pas les raisons profondes
qui ont conduit le monde ouvrier à se révolter.
Depuis longtemps déjà, les ouvriers d'lndret sont considérés comme des nantis et il n'y a pas grand monde pour
s'apitoyer sur leur sort. Leur engagement est d'autant plus étonnant.
On dit aussi qu'à Sud-Aviation les gens sont les mieux payés de la région ! Ce raisonnement vient surtout du
fait qu'une partie de la main d'œuvre, souvent des manœuvres, originaire des professions agricoles de Saint
Jean, Brains, etc..., se vante de mieux gagner sa vie à l'usine qu'à travailler la terre. Ce qu'ils ne disent
pas, c'est qu'ils font les tournées et qu'après ils travaillent dans leurs champs, ce qui bien sûr augmente
sérieusement le revenu mensuel. Donc on ne plaint pas non plus les grévistes de Sud-Aviation, ils ont «
la bouche pleine ».
Ce qui est certain, c'est que la population, montagnarde notamment, accepte mal cette notion d'occupation
d'usine et de séquestration de la direction.
Jeannette Mornet témoigne :
La réserve était de rigueur. Dans les commerces les gens ne parlaient pas. L'ambiance était feutrée, voire
lourde quelques fois.
Un jour, dans un commerce, quelque temps après le début du conflit, une dame que je connaissais bien me dit avec
compassion : « Alors, ton mari est enfermé dans son usine ? ». Alors je lui ai répondu : « Mais non, mais non !
Il n'est pas enfermé ! Il occupe l'usine ! ». Je vous laisse juger de l'effet produit autour de nous et du
silence qui s'est installé suite à ma réplique.
Toutefois, je tiens à ajouter, que ce n'était pas une hostilité ouverte, même si on pouvait y lire une certaine
réprobation sur les visages.
Cependant, même si la réserve est de tous les instants, ce n'est pas pour autant qu'il n'existe pas une certaine
solidarité.
Laissons une nouvelle fois la parole à Jeannette :
Au-delà de nos opinions nous avions, pour le plus grand nombre, des valeurs d'honnêteté et de respect de
l'autre.
A cette époque, nous habitions rue Pasteur. Jean venait d'être pendant un an à demi-salaire et nous avions un
fils de 2 ans. Nous avions dû accepter les bons de la mairie ;c'était devenu une nécessité. Je me vois encore
aller, sans gloire, demander ces fameux bons.
Sans qu 'il y ait d'affrontements, autour de nous les voisins et les amis faisaient la tête et se méfiaient de
ces socialo-communistes.
Nous avions comme voisins de braves gens ; le mari était cadre à Indret. C'était des gens très sociables et bons
chrétiens, mais pas des « socios ». De toute évidence, ils avaient de la sympathie pour nous. Ils ne pouvaient
accepter la lutte sociale et la contestation d'une certaine hiérarchie. Et pourtant, malgré notre engagement
ouvert dans la lutte, ils savaient que nous étions dans la gêne et ne perdaient pas une occasion de nous venir
en aide.
Et de poursuivre :Jean, comme certains grévistes, venait quelques fois à la maison. Un jour qu'il était là,
le fils de notre voisin vint le voir et lui demanda «Jean, c'est vrai que vous peignez les maisons en rouge ? ».
« Je ne pense pas » lui répondit Jean « Et si une telle chose était, je ne l'approuverais pas ».
Contrairement à ce qui a été dit, il n'y eut jamais de maisons peintes à La Montagne. La seule maison qui subit
une telle dégradation se situe à Bouguenais. Les habitués de la ligne de transports Brounais eurent très
longtemps le loisir de la voir, à l'entrée de Bouguenais, au Bois Jaulin.
Sur la vie religieuse
A Saint-Jean et à La Montagne, les données sont pratiquement les mêmes. Saint-Jean a son curé,
André Rucher, et son vicaire , Georges Olive.
A La Montagne le curé est Alfred Aulnette, et les deux vicaires sont Robert Ploquin et Michel Cornet.
Dans chacune de ces paroisses les deux curés sont conservateurs et se font les porte-parole de l'ordre établi.
Les vicaires, quant à eux, ont pris une option toute différente. Il est vrai que leurs activités tournent autour
de la Jeunesse Ouvrière Catholique et l'Action Catholique Ouvrière ; il n'est donc pas étonnant, de ce fait, de
prendre fait et cause pour l'action présente. Si Michel Cornet est plutôt modéré, Georges Olive et Robert
Ploquin prennent nettement partie.
Nous ne saurons jamais les discussions que pouvaient avoir ces ecclésiastiques dans leurs relations de tous les
jours. Par contre nous pouvons mentionner leur sensibilité et leurs états d'âme qu'ils livraient, sans trop de
retenue, en chaire au moment de l'office dominical.
Même s'ils n'approuvent pas les propos du curé ou du vicaire peu de paroissiens n'osent s'y opposer ouvertement.
Pourtant, certains franchissent le Rubicon.
A St-Jean, le « bouillant » curé Rucher déclame du haut de sa chaire, à propos des évènements, au milieu de
son sermon : « ... Seuls les Petits Frères des Pauvres sont valables et Dieu est mort. ». Stupéfaction de
l'assistance devant la virulence du propos. C'est alors que Jean-Paul Doucet, en plein milieu du prêche, sans
un mot, quitte brusquement et bruyamment le lieu saint, sans que personne ne bouge. Un silence glacial parcourut
l'assistance.
Jean-Paul s'exprime :
« Evidemment par la suite, ça a marqué un froid entre les pratiquants. J'étais membre de la JOC. Est-ce dans
ce moment que Rucher a délégué Pierre Gautier, membre du conseil paroissial, pour faire le porte à porte auprès
de parents et les inciter à intervenir auprès de leurs enfants afin qu'ils ne fréquentent plus notre JOC ?
Toujours est-il que peu de temps après nous n'étions plus que deux : Michèle Charpentier et moi-même. Il faut
reconnanre que Pierre Gautier, ingénieur à Indret et chef de l'atelier de chaudronnerie était le démarcheur
idéal, mandaté par le curé, pour convaincre des parents quelque peu dépassés par l'ampleur du mouvement.»
André Rucher était un « personnage ». Il connut une jeunesse difficile. Son père étant prématurément décédé, il
dut, très jeune, assumer les responsabilités qui incombent à l'aîné. Il avait son franc parler et savait aller
jusqu 'au bout des choses. C'est notamment lui qui, contre l'avis de l'Evêché prit la décision d'ouvrir un lieu
de culte à Boiseau. Notre curé n'hésite surtout pas à exprimer ouvertement ses sentiments. Au sujet de l'ACO,
nul ne l'ignore, il s'y est, dès sa création, montré hostile, la jugeant partisane puisque composée uniquement
d'ouvriers.
Suite à ses prises de positions drastiques, une délégation adresse à Monseigneur Vial, évêque de Nantes, une
pétition demandant sa mutation. La réponse de celui-ci fut la suivante « Vous savez avec le caractère qu'il
a, ce n'est pas la peine. Même si je cautionne vos idées, je n'aboutirai pas. »
La Montagne, a aussi son manifestant. Roger Grégoire, comme Jean-Paul Doucet, sè lève et quitte l'église
lorsqu'il aperçoit, s'avancer vers le chœur, l'homme qui a été retenu pour lire l'épître du dimanche ; celui-ci
étant notoirement opposé à l'agitation du moment.
Revenons à présent à la position de l'Eglise et lisons ensemble la lettre adressée à ses ouailles par Mgr Vial,
le 26 mai.
En préambule rappelons que le préfet pariant sur un pays de Retz renommé très catholique cherche à apaiser les
passions et c'est à sa requête que l'évêque s'exprime en ces termes :
Tous nous sommes inquiets, Beaucoup d'entre nous sont pris au dépourvu par la soudaineté et l'ampleur
d'évènements qui nous dépassent : manifestations d'étudiants ;en moins d'une semaine, fermeture de la grande
majorité des usines et des bureaux ; réactions collectives des agriculteurs en face de l'avenir de leurs
exploitations.
Avec vous je vis ces évènements. Ce simple mot voudrait vous dire, dans l'espoir qu'il vous aidera, comment
j'essaie de voir les choses. Il voudrait aussi dire, à tous, ma fraternelle amitié.
J'essaie de m'expliquer le bouleversement présent : à si grands effets, il faut des causes profondes.
Il y a d'abord les gens qui n'ont pas de « quoi vivre » : les handicapés et malades, les personnes âgées et tant
de familles dont le salaire n'atteint pas 600 F par mois. C'est le cri des pauvres.
Il y a les hommes qui ont perdu les vraies raisons de vivre et s'enlisent parce que consommer, même du
confort, ne les satisfait pas. Et consommer exige du rendement : le confort se paye et s 'assouvit par
le cœur humain.
Il y a encore les hommes qui refusent d'être réduits au seul rôle de producteurs, de consommateurs ou de simples
exécutants, parce qu'ils veulent être pleinement « des hommes ». C'est le cri de l'homme blessé.
Il y a les nombreux jeunes légitimement inquiets en raison de l'absence de débouchés : étudiants au terme de
leurs études, candidats par milliers aux prochains CAP, ruraux qui vont quitter la terre. Cesjeunes ont le droit
de nous dire, à nous les adultes : « Quel monde nous offrez-vous ? Quelle société nous proposez-vous ? Quel
avenir nous réservez-vous ? »
Tel est ce monde que dans l'indifférence et l'inconscience nous acceptons tous les jours : une situation qui
fait violence à l'homme a provoqué les durs affrontements d'aujourd'hui.
Ne faut-il pas parler d'une crise de civilisation ?
Ces affrontements ne sont ni sans risques ni sans bavures, je ne l'ignore pas. Et je sais aussi que la
réalisation des aspirations profondes et légitimes des hommes ne peut s'accomplir sans de laborieuses
recherches, ni peut-être sans échecs. Mais je voudrais discerner des raisons d'espérer : il ne faut pas
refuser de regarder avec lucidité et courage le monde qui se construit.
Signe d'espérance : des travailleurs des travailleuses qui s'organisent, prennent des responsabilités, chacun à
sa mesure, et veulent prendre part aux décisions qui les concernent par le canal de leurs organisations et
l'exercice du droit syndical.
Signe d'espérance : ceux et celles qui dans un monde rural en pleine mutation, développent des organisations
multiples pour faire face ensemble aux nécessités nouvelles.
Signe d'espérance : les jeunes qui s 'organisent et veulent prendre en charge leur propre avenir ; les parents
ou les enseignants qui remettent en cause leurs jugements souvent trop rigides ou des méthodes pédagogiques mal
adaptées et qui engagent un dialogue leur permettant de mieux se connaitre.
Signe d'espérance : des hommes et des femmes de tous milieux, qui personnellement et collectivement analysent
la situation avec lucidité, cherchent une forme d'engagement au service de tous, élaborent ensemble des
structures de dialogue et de réelle participation.
Il s'agit en effet, non seulement de sortir des impasses actuelles, mais aussi d'assurer une réelle
intégration de l'homme à la vie sociale et de maîtriser l'économie pour qu'elle réponde aux vrais besoins de
l'humanité.
Je connais quelques-unes de vos souffrances et de vos inquiétudes. Je pense spécialement à ceux que les
évènements atteignent dans leur chair : fatigue physique, tension morale chez beaucoup, quelle que soit
leur situation sociale. Evêque de tous, je dis à tous toute ma vive sympathie.
Sensible aux divisions et à la rancœur qui risque d'opposer des personnes, des familles qui ne partagent pas la
même manière de voir, je n'hésite pas à affirmer que rien ne se construit dans la haine. Il faut à nouveau se
respecter : il y a des pardons nécessaires. C'est l'une des plus authentiques exigences de l'évangile.
A ceux qui s'isoleraient dans la tranquillité ou seraient tenté de mettre à profit leurs possibilités pour
stocker des biens nécessaires à la vie, je demande de se montrer solidaires de leurs frères et vraiment
chrétiens.
Tous nous devons aujourd'hui lutter contre la peur, faire preuve de sang froid et agir avec réflexion dans le
souci du bien à tous.
Ensemble nous devons demander au Christ le don de son esprit, Esprit de vérité, de lucidité, de justice et de
paix. Qu'il nous aide à discerner la tâche à accomplir aujourd'hui. Dans un monde en pleine mutation, les
solutions ne peuvent être que le fruit d'efforts inlassables. Le chrétien sait qu'il s'agit là d'une fidélité au
dessein de Dieu ....
Comme on peut le constater, l'évêque prend la défense des grévistes et soutient leur action. Ce qui n'est pas le
cas dans tous les évêchés.
On s'imagine sans peine la stupéfaction du préfet Jean-Marie Vié, lors qu'il prend connaissance dans la presse
régionale, et plus précisément dans le Courrier de Paimboeuf, du contenu du texte de l'ecclésiastique.
D'ailleurs, 40 ans après, son opinion au sujet de l'évêque n'a guère variée :
« ... C'était un évêque rouge. Le jour de la Pentecôte, il a affirmé en chaire que le Saint-Esprit était
descendu sur les manifestants ... »
Un certain milieu, de toute évidence hostile à ses propos, va jusqu'à affubler l'évêque du sobriquet de
Vialdeck-Rochet par analogie au secrétaire général du PCF d'alors Waldeck-Rochet.
A Sud-Aviation, parmi les grévistes, certains, et non des moindres dans la combativité, sont catholiques
pratiquants. Pour ces manifestants, se pose alors le problème de la messe dominicale. Laissons à Yvon Chouin
l'occasion de s'exprimer sur le sujet :
« Le fait d'être gréviste n'altère pas pour autant les convictions de chacun. A l'approche du dimanche la
question vint à se poser : Ne serait-il pas possible de célébrer la messe dominicale au sein de l'entreprise ?
La question me fut posée et j'y répondis affirmativement.
J'ai su par la suite que la proposition n'avait pas été retenue sans qu'on ne m'en donne les motifs.
J'ai appris, beaucoup plus tard, que l'homme d'église qui avait été sollicité pour célébrer l'office n'était
autre qu'Emile Leroy qui devait quelques années plus tard devenir le curé de La Montagne. »
Sur la vie de tous les jours
Mai 68 fut bien autre chose qu'une manifestation du monde ouvrier et étudiant. Ce fut aussi
une sorte de remise en cause à tous les niveaux, et en quelque sorte une redistribution des valeurs ; qu'il
s'agisse de la politique comme de la vie de tous les jours."
La reconnaissance du rôle de la femme dans notre société fait partie de ces acquis.
Si en 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception, ce n'est qu'en 1975 que la loi Veil autorise
l'avortement, dépénalise l'adultère et institue le divorce pàr consentement mutuel.
En 1970, l'autorité parentale est uniforme pour les deux conjoints. Avant cette date, seul le père de famille a
pouvoir d'autorité sur les enfants.
Rappelons aussi qu'avant 1965, l'épouse n'a pas le droit d'ouvrir un compte en banque sans le consentement du
mari.
Plaçons-nous dans le contexte de mai 68 et imaginons les réactions de la population montagnarde quand, à la
grande manifestation du 24 mai, Jeannine Jahan, militante à la CSF, vient à son tour prendre la parole sur les
marches de la mairie et commence son discours en ces termes :
« Pourquoi une femme prend-elle la parole aujourd'hui ? Qu'a-t-elle à voir avec le mouvement ouvrier ? ... »
La suite n'aura comme objectif que de prouver et faire admettre le véritable rôle que la femme doit tenir dans
la vie de tous les jours et par là-même justifier de la part active qu'elle se doit de tenir dans cette lutte
ouvrière.
Après 68, les femmes entrent dans la vie communale et associative et y occupent des postes de responsabilités.
Dans nos communes, rechercher la présence d'une femme dans la liste des conseillers municipaux, c'est l'échec
assuré. D'ailleurs, nous l'avons vu à La Montagne, lors des élections de 1969, la présence de Madame Monnier est
une première !
Liliane Plantive à La Montagne, Valérie Demangeau au Pellerin : Deux femmes premières magistrates dans leur
commune ! Qui aurait osé ce pronostic 40 années auparavant !
Au travers des propos que nous avons recueillis, à une exception près, ce que nous respectons, les avis sur les
résultats de ce moment d'histoire de France ont fait l'unanimité pour en faire un évènement positif.
Chez les personnes que nous avons interrogées, les mêmes mots reviennent : Mixité sociale, libération de la
femme, droit à l'expression dans l'entreprise, suppression des cloisonnements dans les rapports de société,
socialisation des classes sociales. Mais un seul mot revient sur toutes les lèvres : dialogue. Même si bien
souvent cela n'a pas entraîné de grandes modifications les gens se sont parlé ; ils ont échangé les avis ; ils
ont appris à se connaître et, pourquoi pas, à s'apprécier.
Laissons parler Yvon Chouin :
« J'ai passé 19 nuits à Sud Aviation. Je n'ai pas beaucoup dormi, c'est certain. Pendant ces longs jours on
en a dit des choses ! On a dit des c... aussi, c'est sûr ! Mais on a échangé nos idées, nos points de vues.»
Francis Lambourg, de par sa situation sociale, a une approche quelque peu différente :
« J'en ai gardé un mauvais souvenir. Ce mouvement, synonyme, pour moi, de dépravation des moeurs a nui à
l'Economie, à l'Entreprise et à la façon de vivre des gens. La libération des mœurs a été une mauvaise chose. Il
est vrai que dans la société, il y a des besoins d'éruption, d'éclatement. Il est sans doute nécessaire que de
temps en temps une cellule sociale se révolte.
J'ai vécu la vie d'une petite entreprise familiale qu'il faut faire vivre. Mai 68 n'y a rien changé. Mes
ouvriers ont été augmentés parce que les syndicats d'entrepreneurs du Bâtiment, suite aux accords de
Grenelle, avaient été obligés de s'aligner ».
Il est évident qu'un tel mouvement ne peut faire l'unanimité. Ce fut le cas chez les travailleurs. Même si tous
eurent une part du gâteau, la répartition fut loin d'être équitable. »
D'autres parts, chacun à sa façon de voir les choses. Ce que Jean-Paul Doucet appelle un combat Gauche/Droite,
Francis Lambourg le qualifie d'affrontement entre les « Agités » et « Ceux qui ne l'étaient pas ».
Sur la vie familiale
Cela ne choquera personne si nous prétendons que ce conflit eut fatalement, à quelques
exceptions près, des retombées dans de nombreuses familles.
Lorsque nous abordons le chapitre des relations familiales Jeannine Jahan et Jeannette Mornet ont le même avis
:
« Ces évènements ont été l'objet de nombreux conflits entre les familles. Dans certains cas, afin d'éviter
le pire, les réunions de famille ont même été suspendues.
Il faut préciser, nous dit Jeannette, que les conflits les plus aigus eurent lieu chez les pratiquants.»
Yvon Chouin ne fait que confirmer leurs propos quand il ajoute :
« L'assemblée des pratiquants a éclaté après mai 68, comme si on avait coupé une pomme en deux ».
C'est certain ! Si chez les laïcs, au sens péjoratif du terme, les différents peuvent porter sur la nécessité
et le bien fondé de la grève ou sur les lourdes retombées qu'elles vont générer sur la vie au quotidien
l'incidence prend une autre dimension chez les pratiquants.
Si les sujets avancés ci-dessus n'échappent pas à ces derniers, ils passent au second plan devant les
problèmes beaucoup plus profonds que sont la remise en cause de la hiérarchie établie et surtout la libération
des mœurs et de la sexualité, sujets tabous s'il en est.
Par ailleurs, depuis un certain temps déjà, les positions, prises par les associations telles que la JOC et
l'ACO, gangrènent les relations entre parents et enfants. Bien souvent les positions avant-gardistes, prises par
ces organismes sont accueillies avec bienveillance par la jeune génération. Les évènements ne peuvent donc
qu'accroître le phénomène.
Une nouvelle fois Yvon Chouin intervient :
« Ayant adhéré dans ma jeunesse à la JOC, je reconnais que cela m'a beaucoup aidé à prendre position dans ces
évènements de mai. Toutefois, mon action s'est toujours limitée à la vie syndicale. Je n'ai jamais voulu
m'impliquer politiquement».
Souvent les discussions sont âpres. Rémi Drouet nous en fait état :
« Avec mon frère Roger les affrontements étaient fréquents. Nous avions l'un et l'autre le secret désir
d'amener l'autre à partager notre point de vue. Malgré ces affrontements souvent très durs et violents dans le
ton et dans le propos, nous ne nous sommes jamais fâchés. Dois-je le dire, nous n'avons jamais réussi à nous
convaincre mutuellement ».
Sur la vie politique
Les élections législatives du 23 et 30 juin 1968, résultant de la dissolution de l'Assemblée
par le général De Gaulle, renforceront le Président et son gouvernement. Il y aura 391 députés élus pour la
majorité présidentielle et 91 pour la Gauche.
Dans la 8ème circonscription dont dépend le canton du Pellerin, le député de la Vème République, Lucien
Richard sera réélu avec 31637 voix sur 48991 suffrages exprimes. Son second, Rialland, Action
Démocrate Sociale, obtiendra seulement 9635 voix.
Au Pellerin, Saint Jean de Boiseau et la Montagne, le docteur Richard arrive en tête, mais sur ces communes
l'écart est beaucoup moins important. A Saint-Jean, il n'obtient que 551 voix sur 1273 ; Esnault, quant à lui,
en recueillera 307.
L'explication provient probablement de la brutalité avec laquelle ce mouvement s'est développé. La population
n'était pas préparée et les restrictions rappelaient sans doute trop l'occupation.
La crainte d'une nouvelle crise s'est traduite par un vote sanction pour les parties de Gauche rendus
responsables du désordre.
Sur la vie associative
Comme chaque année, à St Jean, ont lieu, du jeudi de !'Ascension au dimanche qui suit, les
traditionnelles Fêtes du Pé, qui, de par leur importance, dépassent le cadre local et drainent, rappelons-le,
pas moins de 20 000 personnes.
Les évènements aidant, il faut tout annuler et informer par voie de presse la population.
De son côté le comité d'organisation tente d'avertir les groupes étrangers de ne pas venir. Hélas, voici qu'un
groupe de Grecs sans doute prévenu trop tardivement, débarque à Saint Jean à la grande désolation du président
des fêtes. Très vite, il faut réunir l'équipe chargée de mettre en place une fête plus modeste et héberger ces
invités-surprise. La surprise est également du côté des Grecs qui ne comprennent pas ce qui se passe en France.
Dans les familles d'accueil on tente de donner quelques informations, sur la situation, le problème des ouvriers
et étudiants, la position du général de Gaulle etc... chose pas très facile lorsque l'on parle un peu en « petit
nègre » pour se faire comprendre. Et puis, à cette époque la population grecque vit sous le régime dictatorial «
des Colonels » et pour ces personnes venues à Saint-Jean, la France est le pays de la liberté et ... bien sûr ce
qu'ils constatent c'est un pays en révolte. Ils n'ont pas choisi le bon momen pour rendre visite à notre pays de
Retz.
La fête a donc lieu, mais ce ne sont pas les grandes fêtes habituelles.
L'abbé Rucher et son vicaire disent : les grévistes nous ont tué la fête pour toujours. Il faut se rappeler
l'importance de cette manifestation dans la commune mais surtout dans la paroisse. Car c'est aussi en même temps
la fête des écoles privées et donc aussi une vitrine pour l'école libre d'où l'inquiétude du curé.
Les fêtes du Pé retrouveront tout leur lustre l'année suivante, mais pour la dernière fois.
La raison principale de cette interruption n'a aucune relation causale avec les évènements. La principale raison
se situant dans la disparition de Mme De Monti et le changement de propriétaire du château. Le nouvel habitant
des lieux, Monsieur du Réau ne souhaite pas que l'on vienne sur sa propriété.
A l'Amicale Laïque, il est décidé d'annuler la traditionnelle fête des écoles ; mais là les conséquences
financières sont de moindre importance.
Les responsables de l'Amicale Laïque Montagnarde qui avait également leur kermesse annuelle le 16 mai, doivent
également l'annuler. Par contre la traditionnelle Fête de nuit, prévue le 22 juin dans le parc municipal, est
maintenue.
De son côté, ne sachant pas quand aurait lieu la fin du conflit, la FAMMAC annule par précaution son excursion
du 10 juin.
Les enfants boiséens de mai 68
Au niveau de la commune de St-Jean les choses aussi ont évolué voici pour Alain Ordrenneau
quelques aspects de ce changement :
« J'ai vécu mai 68 à Cherbourg où j'étais muté. Je ne suis revenu à Indret qu'en juillet 1969.
De part cette absence, j'ai peut-être davantage eu le loisir d'apprécier les changements qui se sont opérés
depuis mon départ d'lndret en 1964 etje pense que les évènements de 68 y sont, j'en suis convaincu, pour
beaucoup.
Pour étayer mon propos, à St Jean, deux faits retiennent plus facilement mon esprit :
La naissance du CCLE
Ce dur conflit, sorti du contexte revendicatif et syndical a inévitablement de lourdes
conséquences sur le budget des foyers. Beaucoup de familles doivent, la mort dans l'âme, tirer un trait sur les
vacances.
Avant 68, à St-Jean, comme à La Montagne d'ailleurs, sans à proprement parler de clans, la population était
partagée en deux. Il y avait d'une part les partisans de l'école publique qui se retrouvaient autour de
l'Amicale Laïque et sa section basket (seul sport pratiqué à cette période sur notre commune), et, ceux des
écoles St-Marc et Ste Marie qui avaient leurs activités au patronage de L'Alerte . Ils ne se fréquentaient que
très peu et vivaient, somme toute, en bonne intelligence.
Or à St-Jean, l'Amicale Laïque organise à la Clotais, chaque année, en juillet , son Centre de Plein air et y
accueille les enfants fréquentant l'école publique dont les parents ne partent pas en vacances.
Cette année là, c'est une évidence, le nombre d'enfants ne partant pas en vacances est en nette progression et
les parents sont quelque peu soucieux de voir leur progéniture livrée à elle-même pendant deux longs mois. Ce
souci est partagé par tous.
C'est là que l'esprit de dialogue et d'ouverture, généré par les évènements, prend toute sa signification. Qui
en eut l'idée ? Je ne saurai le dire. Toujours est-il, qu'à l'initiative de l'Amicale Laïque de M. Durand, le
directeur de l'école publique, et d'un petit groupe, d'esprit ouvert, il est envisagé de réunir, en ce mois de
juillet 68, à la Clotais les enfants de la commune quelle que soit leur appartenance scolaire.
Pour la première fois, les enfants de St-Jean vont vivre des vacances en commun sous l'œil bienveillant des
parents, des responsables de l'Amicale Laïque et de l'Alerte, et de la municipalité de Joseph Jousse.
Deux ans plus tard, le Centre Communal de Loisirs
Educatifs officialise son existence en déposant ses statuts sur la longue liste des
associations de type 1901. Quelques années plus tard, c'est sur le terrain de l'Amicale et sous le marabout
4 mâts du Patronage, depuis longtemps entreposé à la cure, que les enfants s'amusent ensemble.
Tout un symbole !
Sans mai 68, cela aurait-il pu être ?
Le comité des fêtes
Un deuxième enfantissu de mai 68 mérite d'être cité : Le Comité des Fêtes.
A l'initiative, principalement de Jacky Luneau, de quelques amis animés du même esprit et avec l'appui de la
municipalité, les artisans et commerçants vont vivre ensemble, deux jours en commun.
Réunis, le long de la toute nouvelle avenue du 11 novembre, pendant que se déroulentles animations habituelles
telles que soirée-cabaret et courses cyclistes, ils tiennent leurs stands en commun et présentent aux habitants
de St-Jean et à ceux des communes environnantes venus nombreux applaudir cette initiative, une image harmonieuse
et empreinte d'une grande convivialité. C'est, je pense, de ces fêtes que naquit l'Association des
Commerçants Artisans et Professions Libérales.
Dans ce Comité des Fêtes, toutes les associations de la commune y ont leurs représentants et le restant de
l'année, ils n'hésitent pas à s'entraider quand le besoin se fait sentir chez l'une d'elles.
Cette osmose reçoit pendant plusieurs années l'approbation de la quasi unanimité de la population de St-Jean,
puis, l'évolution des loisirs aidant, elle s'éteindra sans bruit. »
L'anecdote
Francis Lambourg de nouveau intervient, avec une pincée d'humour, sur les conséquences de
cette période :
« A cette époque, je faisais partie du Conseil Général. Nous devions, dans le moment, lancer un nouveau bac
amphidrome Il fallait pour la circonstance et selon la tradition, procéder au baptême de ce nouveau transport
fluvial et désigner la marraine pour présider la cérémonie. J'étais le conseiller général du canton et président
de la commission des travaux publics, c'est donc tout naturellement ma femme qui fut sollicitée.
Malheureusement, mai 68 aidant, il n'a pas été possible de trouver un prêtre pour bénir le bâtiment. De ce fait,
il n 'y eut pas de baptême et... pas de dragées non plus. »
Les leçons du passé
40 années se sont écoulées !
Quelles leçons en avons-nous tirées ?
Que sont devenus les héros soixanthuitards qui avaient comme principaux leaders Conh-Bendit, Geismar, Sauvageot
et autres Krivin. Leurs slogans, qui ont fait rêver plus d'un, ont-ils été suivis d'effets ?
Les changements de tendance que nous constatons dans nos communes aujourd'hui sont-ils dus au changement dans
la mentalité des citoyens ou dans la disparition du clivage Droite/Gauche qui existait à cette époque !
Mai 68 fut pour beaucoup, mais malheureusement pas pour tous, une grande Victoire sociale et l'accès a une
meilleure qualité de vie. Mais aujourd'hui qu'en reste-t-il ?
C'est vrai, en 40 ans, d'un point de vue matériel, la qualité de la vie a très nettement progressé : le parc
automobile a doublé ; les appareils ménagers, les moyens de communications (13% des ménages possédaient le
téléphone), la politique des loisirs sont sans commune mesure avec ce qui existait. Mais, sommes-nous pour
autant plus heureux ? Avons-nous acquis cette joie de vivre qui devrait être la nôtre ?
Aujourd'hui, le syndicalisme a, très nettement, régressé. Par voie de conséquence, l'individualisme se taille la
part du lion, à tel point que dans les rares conflits qui existent encore les réactions sont désordonnées et
quelques fois difficiles à canaliser dans leur finalité.
En 1968, le chômage en était à ses balbutiements (moins de 600 000 sans emploi). Aujourd'hui, avec près de 2
millions de chômeurs, il fait partie de notre quotidien il en est même devenu la règle. Quelle famille n'a été,
n'est ou ne sera pàs touchée par ce fléau ?
Hier, les grèves avaient pour angines les conditions de travail, les salaires. Aujourd'hui lorsqu'un conflit
apparaît, c'est, pour la défense de l'emploi, contre le licenciement, la délocalisation ou pire encore afin de
s'opposer à la fermeture de l'entreprise.
La politique des loisirs s'est considérablement accrue mais les moyens d'y accéder se sont amenuisés.
Certains affirment qu'on ne refait pas l'histoire ; d'autres au contraire prétendent que la vie est un éternel
recommencement. Où se situe la vérité ?
Cette explosion du monde étudiant et du monde ouvrier, cette osmose entre ces deux entités peut-elle à nouveau
se reconstruire 40 ans après ?
Un Mai 68 pour demain ! Est-ce encore possible ?
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