Histoire de Saint Jean de Boiseau

Historique des coopératives de Boiseau



Le coopérative de la Boiseau

Ce sont les syndicats ouvriers qui vont être à l'origine des premières coopératives. Celle d'Indret est fondée par la CGT au début des années 1900 et s'implante rue Violin à La Montagne. Elle a pour but d'obtenir et de vendre des produits de première nécessité aux familles à de meilleurs prix que dans les commerces locaux. Pour constituer un fond de réserve financière, les militants versent une cotisation. Les produits sont achetés en grosse quantité et revendus au prix coûtant plus les frais de transport. Elle est géré par des bénévoles du syndicat et prend le nom de La Prolétarienne. Cette incitative est reproduite dans de nombreux établissements à Couëron, au Pellerin et dans tout le département.

En 1918, Emmanuel Svob accompagné de Ernest Poisson secrétaire général de la FNCC, entreprennent une tournée de propagande afin de promouvoir la création d'une puissante coopérative en Loire-Inférieure. Après diverses fusions, ce regroupement prend l'appellation de l'Union des coopérateurs de la Loire-Inférieure, UDC.

En plus de la coopérative de La Montagne, il va être créé des succursales, dont celle de Boiseau rue du commerce en 1919 et de Brains. En 1921, L'UDC compte 7000 sociétaires et 64 succursales pour un chiffre d'affaires de 7 millions de francs.

L'ambition de l'UDC est alors démesurée. Le pays souffre encore des pénuries de la guerre et les prix de certaines denrées sont exorbitants. On manque de charbon alors on va ouvrir une mine désaffecté en Loire-Inférieure en 1921 pour concurrencer les importateurs de charbon anglais ...c'est un fiasco et l'on a dépensé 6000 francs pour rien. Il en va de même avec l'achat de fermes en Vendée pour avoir les produits, légumes et lait à meilleur marché. Hélas les responsables de ces choix tactiques ne sont pas des professionnels du commerce et ils se heurtent aux organisations de commerçants qui de plus ont le soutien de l'état. En deux ans, de 1919 à 1921, le déficit de I'UDC est de 50 000 francs.

A Boiseau, fin 1919 l'ouverture de la coopérative s'est faite dans une petite maison au numéro 15 rue du commerce. La pièce du bas donnant sur la rue sert de magasin. Succinctement aménagée elle sert d'entrepôt pour les marchandises. A l'étage ce trouve l'habitation pour le gérant. Durant les trente années de son existence, cette coopérative sera tenue par Madame Zoé Baroille, dont le mari est un syndicaliste engagé, ancien de l'arsenal d'Indret. De forte corpulence avec une légère claudication, elle avait un fort tempérament. Elle vendait un peu de tout, même des mèches pour soufrer les barriques ou du sucre...Et du vin récolté par son mari. Elle fonctionnait bien nous dit René Mocquard.

Dès les années 1933-34, les administrateurs de l'UDC, perdent de vue l'objectif premier de la création des coopératives et deviennent des financiers dont l'ambition est de plus en plus tourné vers le profit. Pour cela ils n'hésitent pas à engager leur société dans des investissements à risque. Pour accroître les ventes, on va créer les carnets de timbres. Suivant l'importance de ses achats, l'adhérent reçoit un certain nombre de timbres qu'il colle sur son carnet. Lorsque celui-ci est plein, il obtient un cadeau ou une remise de prix sur un futur achat. Bien sûr, pour faire fonctionner ce système, le prix des produits vendus est majoré... Et cela va plaire aux clients pendant quelques années. Certains syndicalistes s'offusquent de se voir évincé du fonctionnement de cette lourde organisation.

En mai 1939, la liquidation judiciaire de l'UDC est prononcée. Toutefois, les quarante-neuf magasins restants sont autorisés à assurer un écoulement avantageux des stocks de marchandises dont ils disposent et restent ouverts à la clientèle.

Le 21 juin 1939, le juge-commissaire autorise la cession des magasins aux Docks de l'Ouest mais la guerre retarde la clôture des opérations et ce n'est qu'en 1946 que la liquidation judiciaire s'achève.

A Boiseau, la coopérative est toujours tenue par madame Baroille, mais il n'y a pratiquement plus rien à vendre dans le magasin les dernières années. La suite, c'est Elise Debec qui nous le raconte.

L'épicerie Debec

Mme Elise Dauvé est née à Vue le 6 septembre 1926 dans une famille de restaurateurs. Très jeune elle a donc été bercée dans le commerce dont elle a gardé la fibre du contact et des affaires. Elle rencontre Roger Debec, chaudronnier à Indret, originaire de Brains et ancien du maquis de la Vienne qu'elle épouse le 11 septembre 1944, aussitôt le départ des Allemands. Hélas les moyens de transport font défaut. Ainsi, après le repas de noces, à Brains, Roger et Elise devenue madame Debec, ainsi que les invités, sont conduits chez le photographe Pierre Fréor dans la bétaillère du boucher Chouin.

En février 1949, Elise apprend que la Coopérative de Boiseau, tenue depuis trente ans par madame Baroille, cesse son activité et sera remplacée par Les Docks de l'Ouest. Le virus du commerce étant toujours présent, elle se présente pour en tenir la gérance appointée. Le contrat prévoit une rémunération de 4,25 % du chiffre d'affaire plus le logement.

Pour le logement situé au-dessus de l'épicerie, il faudra attendre, un couple de mois car celui-ci est occupé par la famille Baroille qui n'apprécie pas de se faire déloger. Elise doit donc faire la route à bicyclette de Brains à Boiseau, par les rudes matins d'hiver.

L'ancienne coopérative ne fonctionnait pas tous les jours. C'était suivant les arrivages de marchandises et la distribution, faite avec les tickets de rationnement, ne durait pas longtemps. Aussi, lors de la prise de fonction, Elise doit tout revoir et repartir à zéro. La boutique est vide. Il faut renouer les contacts avec les marchands. Le lait et le beurre seront livrés par M. Quérard de Bouguenais (le frère du transporteur). Près d'un an sera nécessaire pour garnir le magasin des produits élémentaires pour l'alimentation. Les tickets de rationnement vont perdurer sur certains produits pendant plusieurs mois encore, comme l'huile, le sucre, le café etc...

« Beaucoup de produits étaient vendus au détail comme le sel, le lait, le beurre, mais aussi le poivre et le café. Sur le poivre je ne gagnais pas d'argent. Les prix de vente étaient imposés, par les Docks de l'Ouest, sur ce produit. Il fallait peser de petite quantité sur la balance romaine et Il en tombait chaque fois à côté du petit paquet. Comme la marge était faible, la perte lors de la pesée et mise en sac bouffait le bénéfice...heureusement il y avait d'autres denrées sur lesquelles on pouvait se rattraper.
Cëtait un métier fatiguant, les débuts furent difficiles. Heureusement que mon mari avait son salaire à Indret.
Puis petit à petit mon affaire a prospéré. Cependant il ne fallait pas compter ses heures. Deux fois par semaine, j'allais acheter mes légumes et les fruits au Champ de Mars à Nantes. Je partais à quatre heures du matin, je laissais la voiture sur le parking, puis je récupérais une baladeuse et je serpentais dans les allées pour choisir mes produits chez les maraichers. Il fallait s'y connaÎtre pour avoir le meilleur rapport qualité-prix.
Puis retour à Boiseau pour l'ouverture du magasin à 8 heures jusqu'à 22 heures. Nous ouvrions tous lesjours sauf le dimanche après-midi:
A son retour du boulot, mon mari me donnait un coup de main pour manutentionner les choses lourdes car on vendait de tout, pétrole, vin etc... qui arrivaient en fût.
Après vingt ans d'activité, sont apparues les premières supérettes. Les Docks de l'Ouest décidèrent d'en implanter une sur la M ontagne et de fermer la mienne. Cëtait un coup dur...
Mais j'ai réagi et proposer de racheter le magasin et le stock, ce qu'ïls ont accepté.
Il a fallu se battre pour obtenir un accord sur le prix, mais j'ai bien négocié et ils m'ont permis de payer les marchandises restantes par tempérament au fil des ventes. Le magasin porte alors l'enseigne Spar.
J'ai aussi pu me faire approvisionner en légumes par la société POMONA, ce qui m'évitait d'aller au Champs de Mars. Cëtait des gens sérieux et les produits toujours bien frais. Pour passer ma commande j'allais au café d'à côté, chez Laurence, car nous n'avions pas le téléphone. D'ailleurs il n'y en avait pas beaucoup à Boiseau. Je vendais aussi du poisson, des sardines et harengs séché, rangés en cercle dans une caisse circulaire et qui dégageaient une certaine odeur. Il n'y n'avait pas beaucoup de place dans la boutique mais on y trouvait un peu de tout, même de la mercerie. Fallait savoir géré pour avoir le moins de perte sur les denrées périssables. Pour l'anecdote, j'avais une cliente dont le mari préférait le fromage quand il y avait des asticots dedans. Je lui vendais donc à un prix réduit ce Roque fort qui faisait son bonheur et pour moi moins de perte.
A cette époque, Boiseau avait plus de commerce que le bourg. Il y avait Tuai et après Dubois, le marchand de poissons, Desfontaines le boulanger, Averty le boucher, deux autres épiceries tenues par madame Joly et Delaunay, Mauvoisin faisait les tournées pour vendre poissons et légumes, Aubret le charcutier, les cafés Laurence, celui de l'Etier, Thibaud du Chat qui Guette et le café tenu par madame Pras qui faisait aussisalon de coiffure (6), le Chais Petit Il y avait aussi un électricien, le mécanicien de vélo Guérin, le garage Gouard, le peintre Guégin et le maçon-carrier Bodineau. J'en oublie peut-être.
Le 1er octobre 1984, j'ai décidé d'arrêter et notre alimentation générale a été la dernière à fermer dans le village. Beaucoup de boutiques avaient déjà disparus et les derniers fermeront peu après nous ».

Depuis, la rue des commerces a bien changé et on a de la difficulté à imaginer l'ambiance qui régnait dans ce village dans les années cinquante-soixante. L'hiver, les maisons au bas de la rivière avaient les « pieds dans l'eau ». On y pêchait la civelle. L'été on pouvait se baigner sur une petite plage au bas de la rue du Port Navalo. Les toues et les barques étaient assez nombreuses pour les pêcheurs.
La retraite bien méritée, Roger et Elise, sont partis vivre sur la côte d'Azur à Nice. Ils avaient de la famille dans cette ville et leur fils avait épousé une jeune fille corse. La nostalgie de la région les a fait acheter une résidence secondaire à Pornic où ils passent le printemps et l'été. Aujourd'hui, à 90 ans passés, ils viennent de fêter leurs 70 ans de mariages, ils ont toujours la forme. Comme quoi le travail ne tue pas.

(6) Madame Pras était la mère de Pascal Pras le maire de Saint-Jean. Il occupe la maison où se trouvait de commerce.

L'APACL de Saint Jean

Au début des années 1980, une partie des commerçants de Saint Jean se regroupent pour créer l'association des commerçants, artisans et professions libérales de la commune. En fin d'année, dans la période de noël, ils organisent un concours. Décoration des magasins, puis un concours pour les enfants et en 1983, un concours original : trouver le poids des commerçants qui figurent sur la photo présentée dans le journal. C'est sur la bascule du bourg (démontée peu après), place de la Liberté, que se sont regroupés 26 membres de l'ACAPL pour faire enregistrer par un huissier le poids qu'il faut retrouver. Cette photo nous permet aujourd'hui de mettre un visage sur une partie des commerçants et artisans objet de l'article sur les commerces de Boiseau.

En bas de G à droite : Gilbert Texier café tabac bourg, M.Pénisson la Noë géomètre, M. Baud boulanger de Boiseau, M.Briand carreleur la Télindière, Jean­ Pierre Gobin peintre à Boiseau, Mme Debec Coop Boiseau, Mme Baud La boulangère à Boiseau.

Rang du milieu : Odile texier café tabac bourg, Mme Renou épicerie bourg, Yves Durand restaurateur Enclos de la Cruaudière, M. Civel dentiste bourg, Pauline Texier boulangerie bourg, M.Debec Coop Boiseau, Mme Daniel transporteur route de Nantes, M.Lézin peintre à Boiseau, Michel Lumière peintre bourg.

En haut : Joseph Hervé dentiste bourg, M.Micheneau C.Mutuel, Sylvie Leclève fleuriste bourg, MM Besnard et Chiffoleau Boiseau électriciens, Françoise Lefeuve bouchère, René Lefeuvre boucher à Boiseau, M.Pairé peintre à Boiseau, M.Legendre plombier route de Nantes, M.Daniel transporteur pour la poste route de Nantes.

Le premier prix, un ordinateur fut remporté par Mlle Odile Boutrais. Hélas personne ne se souvient de la bonne réponse ?