Histoire de Saint Jean de Boiseau

Construction des Indochinois



INDRET et la Création des camps

Effectifs

En ce qui concerne Indret, les premiers ouvriers tonkinois foulent le sol français dès le 11 décembre 1939. Ils proviennent tous de la province de Ha Dong. Ils sont arrivés à Marseille par le S/S Son Tay et appartiennent à la llème compagnie. Un deuxième contingent commence sa formation en avril 1940. Un troisième contingent est déjà prévu, il doit commencer sa formation dès que le 2ème aura terminé.

Un autre contingent originaire de la province de Binh Dinh au sud ANNAM et appartenant à la même compagnie sera affecté aux chantiers navals de Saint-Nazaire.

Le 12 mai 1940, Indret dispose d'une compagnie de 213 travailleurs tonkinois employés comme terrassiers.
- 30 deviendront ajusteurs
- 50 deviendront chaudronniers
- 80 deviendront charpentiers-tôliers
- 20 deviendront mouleurs

Cette main d'œuvre est encore insuffisante et ne répond pas aux besoins de spécialistes dont souffre cruellement l'établissement d'Indret. La direction entreprend alors cinq démarches car la situation devient pré-occupante pour la production des torpilies.

La première charge l'ingénieur de lère classe du service maritime Neukomm, en mission au Luxembourg, de diriger sur Indret quelques spécialistes luxembourgeois de 2ème catégorie et de recruter, dans les départements français où sont réfugiés des Alsaciens-Lorrains, les jeunes gens à former aux travaux d'usinage mécanique.

L'établissement de la marine indique qu'elle dispose dans les villages environnants de maisons disponibles autorisant le déplacement des réfugiés qui l'intéressent. En fait M. Guérigny a déjà loué 100 maisons et a fait réserver à cet effet quatre autocars pour la desserte des environs.

La deuxième charge consiste à reconvertir quelques chaudronniers en usineurs, car l'atelier de chaudronnerie est plus à l'aise grâce à l'apport des Indochinois.

La troisième est une recherche d'effectifs dans le Morbihan.

La quatrième est le rapatriement des ouvriers qualifiés de l'usine qui sont mobilisés dans la marine.

Enfin, pour la cinquième, il est fait appel à des ouvriers cochinchinois, partis le 6 mars de Saîgon. Ils arrivent 41 jours plus tard à Indret soit le 16 avril. Il y a 63 hommes répartis en 4 équipes : 2 équipes de 15 hommes et 2 de 14 hommes conduites chacune par 1 capelan indigène parlant français. L'ensemble étant surveillé par 1 cinquième capelan. Ils sont accompagnés par un agent technique de la DCN de Saîgon jusqu'à leur installation définitive en France.

Mais avant d'arriver à Indret ils sont dirigés sur le camp d'Aubagne pour une dizaine de jours où les opérations d'immatriculation et de visite médicale sont effectuées. Ce séjour à Aubagne est utilisé pour « détendre » les indochinois après leur traversée par : « des exercices physiques » et un entraînement à la vie semi-militaire. Le personnel d'encadrement supérieur dépend du directeur de la DCN d'Indret. Une partie de ces derniers vient à Aubagne pour voir le déroulement des opérations dans ce camp de transit.

Cette main d'œuvre est plus qualifiée ; seuls six d'entre eux paraissent même ne plus devoir être employés en raison de leur mauvaise conduite. Leurs dossiers seront envoyés à la direction navale, afin de les diriger vers la zone non occupée.

Le 24 septembre 1940 les ouvriers Pham Da Tong immatriculé N° 28 et Ly Kim Hoc N°23 deviennent ouvriers qualifiés.

Formation

Le souhait des responsables était de donner à ces travailleurs, dont la plupart étaient des agriculteurs ou encore à l'école, une formation industrielle.

De retour au pays cette main-d'œuvre spécialisée serait très utile au développement du Territoire.

L'Occupation met fin à ce projet et les travailleurs indochinois sont employés surtout en qualité de manœuvre. En réalité seuls quelques uns acquièrent une formation dans les établissements où ils sont affectés.

Après avoir subi des tests d'aptitudes les moins doués sont affectés comme manœuvres pour fabriquer des petites pièces de série, les plus doués recevant une formation complète.

Un interprète est prévu dans chaque camp ; L'interprète du camp saïgonnais (cochinchinois) était très ami avec M.Guibreteau. Il venait presque chaque semaine chez eux. Il enseignait le français aux ouvriers. Pour cela il utilisait un cahier sur lequel il avait écrit le mot en scilgonnais et en face le mot en français.

Le planton et interprète annamite s'appelait Nguyên Van Lué

L'Hébergement

Pour loger ses Asiatiques, Indret doit se résoudre à construire deux camps bien distincts car les deux populations sont en conflit et les risques d'incidents sont à prendre très au sérieux. De plus les baraques utilisées à la Martinière en 1914 n'existent plus. La direction de la DCN s'informe alors auprès des municipalités de La Montagne et de Saint-Jean-de-Boiseau des lieux où il serait possible d'ériger ces camps. La Montagne propose d'utiliser le site des carrières de la Garenne et Jules Lefort, maire de Saint-Jean celles de Boiseau et du Chat qui Guette. La direction d'Indret accepte ces emplacements mais redoute leur proximité. Elle demande alors à Jules Lefort un autre emplacement pour les Saïgonnais. Après bien des tractations, il est procédé à la réquisition de terrains à la Cruaudière, sans dédommagement des propriétaires M. Develon et M. Belthé.

Le camp de la Garenne

Les premiers travaux commencent dans les carrières de Boiseau et de La Garenne début décembre 1939. Les plans types des baraquements sont réalisés au bureau d'étude de l'arsenal et la réalisation est confiée au service d'entretien et de maintenance.

Une vingtaine d'ouvriers s'affairent alors sur le vaste chantier pour construire 5 baraquements à usage de dortoirs pour environ 40 Tonkinois chacun. Ces logements ont des murs, constitués de deux plaques de fibrociment montées sur une fine charpente de bois, et séparées par un vide d'air. Ces murs sont supportés par des fondations et deux rangées de parpaings pleins, constituant un vide sanitaire. Les sols sont constitués d'un plancher sur solives et le plafond est en carton épais. La couverture est faite de plaques de fibrociment. Chaque baraque dispose de 4 cheminées pour le chauffage à l'aide de poêles situés dans l'axe central des logements.

Outre les logements à usage de dortoirs, on construit un bloc WC, une cantive, un lavoir non couvert pour la toilette et la lessive, un logement pour le gardien, servant aussi de fourrier. Une partie est réservée au magasin pour le stockage des vêtements et l'alimentation. Le gardiennage de ce camp est confié à un adjudant chef d'Indret M Parpaing, mutilé la guerre de 14/18. Suivant le réglement en vigueur il est aussi construit une piston. L'ensemble du camp est disposé de chaque côté de la route conduisant à l'usine. Il est entouré d'une clôture faite d'un grillage. L'entrée du camp est constituée de deux colonnes supportant une grande enseigne rappelant des pagodes chinoises. Un mât au centre de l'espace sert à la levée des couleurs. Ce premier camp entièrement réalisé par les ouvriers d'Indret sera terminé fin mars 1940.





















Le camp de la Cruaudière

C'est seulement au début du mois de mars 1940 que débute la construction de ce deuxième camp chargé d'héberger les Saîgonnais. Une partie de l'équipe utilisée à la construction du premier camp est mobilisée ainsi que les premiers ouvriers tonkinois arrivés à Indret. Les bâtiments sont réalisés sur le même modèle qu'à la Briandière mais le camp ne comporte que 3 dortoirs, un réfectoire, un bloc sanitaire, une prison et la maison du gardien d'Indret M. Morvan. Le camp est terminé fin mai 1940.

Le foyer des travalleurs coloniaux

En vertu des accords passés avec les autorités tonkinoises et saïgonaises, une autre construction est réalisée dans la carrière du Chat qui Guette, à l'emplacement de l'ancien garage automobile Gouard. Il sert de foyer pour les travailleurs coloniaux. Il est géré par les œuvres sociales de la M.O.. Mais, ce sont surtout les assistantes du service social qui en assurent la gestion. Il a pour but d'offrir un lieu de distractions aux exilés pendant leurs heures de repos et particulièrement les jours non travaillés. Cependant, malgré l'objectif initial d'éviter les relations trop fréquentes avec la population locale, celles-ci auront bien lieu et, notamment, avec les gens du voisinage. Plusieurs sont invités à participer à la rituelle fête du Têt, au mois de février. A cette occasion Indret accorde deux à trois jours de congés à ses ouvriers venus d'Asie pour qu'ils puissent célébrer dignement leur jour de l'An.

Jean Guibreteau se souvient de cette fête : j'avais alors 16 ans et l'interprète du camp saïgonnais venait régulièrement à la maison. Une ou deux fois par semaine nous mangions ensemble car il appréciait la cuisine de ma mère. Sauf une fois ou elle avait fait du riz au lait, il n'avait pu le manger car chez eux cette céréale n'était bonne que cuite à l'eau. Un jour, au mois de février 1940, il est venu nous inviter à la fête du Têt, leur nouvel an. Nous nous sommes retrouvés avec quelques voisins dans ce foyer, c'était en fin de journée. Nos hôtes avaient préparé des boissons et un repas avec des plats de chez eux puis ils se sont mis à chanter dans leur langue des airs où nous ne comprenions rien.