Histoire de Saint Jean de Boiseau

La séparation

(1)



Vous voulez en savoir plus ?
Consulter la page sur le site d'histoire de St Jean de Boiseau

L'esprit frondeur des boiséens :

« Les habitants de Boiseau (il faut comprendre Saint Jean de Boiseau) conservent l'indépendance qu'ils avaient avant la Révolution: ils n'obéissent à aucune loi qui contrarie leur volonté ou leur intérêt. Ils sont tous laborieux, aisés, mais aussi bien mutins. Je vous préviens qu'il y a dans cette commune deux partis bien prononcés et toujours en rivalité: l'un comprend le haut de la commune, composé des villages de Boiseau, la Briandière et de Roche-Ballue; l'autre la partie inférieure: le bourg, les villages de la Télindière et du Surchaud. Ces partis se contrarient et s'insultent. Le motif est que le village de Boiseau, plus considérable que le bourg, veut avoir la suprématie et avoir l'administration municipale de la commune. Le premier reproche à l'autre, qui est limitrophe du Pellerin, d'avoir pris quelque part au brigandage et de ne pas le seconder lorsqu'il veut résister à l'exécution des lois. Je crains que cette mésintelligence ne produise quelque suite fâcheuse.

En conséquence de ces deux partis, j'engage l'administration municipale à choisir pour agent et adjoints municipaux un membre de chaque parti et éviter tout sujet de jalousie
».

Ainsi s'exprimait dans son rapport daté de 1793 le commissaire SAINT. Quelle prémonition lorsqu'il écrivait redouter quelque «suite fâcheuse» ! On aurait pu espérer qu'il ne s'agissait là que d'une crainte passagère motivée par les tensions sérieuses que traversa notre pays lors de cette phase capitale pour son avenir. Las, il n'en était rien. 74 ans plus tard, le curé de St Jean, l'abbé NOUËL, écrivait à son tour en s'adressant au Préfet et au Ministre de l'Intérieur pour obtenir un partage de la commune : « Les raisons que nous apportons pour avoir une commune séparée sont les mêmes qu'on a données pour avoir une paroisse à part: deux peuples presque distincts, des habitudes et des intérêts différents, l'éloignement du chef-lieu de la commune etc.

Vous comprendrez sans peine, Monsieur le Préfet, que la rivalité et l'opposition augmenteront encore dès que ces deux populations si diverses ne formeront plus la même famille religieuse, et auront leur église à part. On peut craindre, pour l'avenir, des conflits fréquents et regrettables dans les rapports des citoyens entre eux si l'on érige une paroisse à la Montagne sans y établir une commune ».

Le ton était donc donné. La suite allait amener inexorablement la séparation en deux parties de notre commune de 1505 ha. 340 d'entre eux allaient être «distraits» au profit de La Montagne qui allait ainsi devenir la 3ième plus petite commune du département.

Mais comment en était-on arrivé à cette situation ?

Ce même Abbé NOUËL écrivait en 1863 sur ses registres paroissiaux que l'époque de l'érection de la paroisse de St Jean de Boiseau : « doit être très ancienne et peut-être même qu'elle existait avant l'an 843, époque à laquelle fut détruit par les Normands , le monastère de Basse-Indre ». Sur quoi s'appuyait-il pour avancer une date aussi reculée ?

Un certain JEAN, abbé de Bourdieux (diocèse de Bourges) fit une requête auprès de François Ier dans laquelle il disait « Les bénéfices situés sur la rivière de Loyre commençant à l'endroit où est la séparation de la province d'Aniou (lire Anjou) et de la province de Bretagne estant les dits bénéfices joignant les uns les autres... et dont les noms ensuivent sont premier, l'église de Montrelais, de St Giron, de St Martin, de St Denys, de St Vincent, d'Aindre, de St Hermel et de St Jean ». Or l'abbaye de Bourdieux fut crée par EBBAN à la suite des dévastations de notre province par les Normands; parmi les premiers moines qui participèrent à cette fondation, certains d'entre eux venaient justement d'Aindre. Il n' y aurait donc rien d'étonnant suivant l'avis de cet ancien prêtre de St Jean que Bourdieux ait revendiqué et exercé des droits sur Aindre ... et sur ses environs - très - immédiats ( St Hermel et St Jean ).

L'établissement d'Indret fait évoluer les mentalités :

Sans vouloir remonter à une date aussi avancée, il faut bien reconnaître que ces tensions connurent une certain paroxysme il y a peu encore. En 1777, lorsque de SARTINES, Ministre de la Marine, décida d'implanter une fonderie royale de canons dans une petite île située sur la Loire quelques kilomètres en aval de Nantes, il n'avait sûrement pas imaginé que très exactement 100 ans plus tard, une nouvelle commune allait naître. Pourtant le développement industriel d'Indret n'allait pas être sans conséquence sur l'avenir de la région. Les nombreux contacts que pouvaient avoir les ouvriers entre eux - notamment avec ceux, hautement qualifiés, qui vinrent de la région parisienne en 1828 avec Mr GENGEMBRE - ne pouvaient pas ne pas amener une évolution importante dans les mentalités, chose que les agriculteurs, reclus dans leur isolement quotidien ne purent vivre.

L'abbé NOUËL, toujours lui, écrivait à propos du catéchisme « Une centaine d'enfants y assistent régulièrement, deux fois par semaine; le jeudi et le dimanche, ce nombre serait beaucoup plus considérable si les enfants de La Montagne y assistaient, il serait terme moyen de 130; mais force a été de se montrer indulgent envers cette population qui n'est point indigène et d'accorder aux enfants de ce quartier la permission de suivre le catéchisme d'Indret. L'irreligion de la plupart de ces familles et les évènements politiques ont rendu nécessaires ces ménagements ». La tension sera telle qu'il faudra rédiger à Nantes, le 19 Août 1853 un « Règlement concernant les curés d'Indret et de St Jean de Boiseau ». Ce code fixera les responsabilités et attributions de ces deux prêtres pour qu'ils puissent donner le secours de leur ministère aux habitants de La Montagne, Roche-Ballue et le Fresne. Il y est même prévu une clause de dérogations « en cas de refus obstiné des parents ». Ce code sera, ipso facto, abrogé dès l'érection en commune séparée de La Montagne.

Naissance de la paroisse montagnarde :

Bien qu'il soit question d'irreligion dans les propos cités, le premier pas qui provoquera cette scission sera d'ordre spirituel. L'église de la commune qui date du XV° siècle et dont une partie d'escalier du clocher remonte au XII° s'est avérée très vite trop petite pour l'ensemble des paroissiens qui s'échelonnaient entre Roche-Ballue et le Pellerin. Une mission d'ecclésiastiques nantais vint à Indret en 1861 et essaya d'exalter les âmes montagnardes pour ériger une nouvelle église. Elle n'y parvint pas mais le germe était désormais actif. En juillet 1863, il est question de procéder à la construction d'un second lieu de culte, même si la foi de ces ouvriers d'Indret n'était pas ce qu'elle devait être (ou peut-être surtout pour cette raison). Cette construction fut donc décidée et, en Juin 1867, les travaux de l'église de La Montagne et de son presbytère sont suffisamment avancés pour que les bâtiments puissent «dès à présent servir à leur destination». J.M. CHAUVIN, vicaire à St Jean a pris une part très active à cette construction. A la tête d'une commission chargée des travaux qui avait pris l'engagement de les terminer sans le concours de la commune, il avait su insuffler avec l'aide du maire VIOLIN, un tel dynanisme en collectant des fonds partout où une bourse pouvait se délier - qu'elle soit privée ou publique - que son projet, à peine terminé, il songeait déjà à compléter son oeuvre. Son prosélytisme, en effet, ne s'arrêtera pas là, son ardeur à ériger cette partie de la commune en paroisse distincte ne cèdera en rien à celle qu'il avait déployée pour faire sortir de terre les murs de ce lieu saint. Suite à toutes ces actions, le Préfet du Département écrivait le 24 Juin 1867 au Sous-Préfet de Paimboeuf: « Je vous prie de bien vouloir ordonner une enquête de commodo sur le projet d'érection d'une succursale séparée de la paroisse actuelle et de m'en faire parvenir les résultats avec votre avis ». Il est vrai que, peu avant, « les habitants de plusieurs villages présentent à Mgr l'Evêque une pétition pour obtenir l'érection de l'église de La Montagne en succursale ». Les choses iront vite puisque:

  • le 4 Avril 1868, NAPOLEON au palais des Tuileries rédigera le décret instituant cet état
  • le 19 Avril, les deux premiers membres du conseil de fabrique COROLLER Henri et RICHARDEAU René-François sont nommés,
  • le 28 Avril, l'évêque érige en église paroissiale Notre-Dame de La Montagne,
  • le 3 Mai, la paroisse de Notre-Dame de La Montagne est née.

Le zèle de CHAUVIN sera récompensé puisqu'il deviendra le premier curé desservant en titre.

L'idée d'une nouvelle commune nait :

Pourtant aussi bizarre que cela puisse paraître, si la construction d'une nouvelle église semble avoir fait l'unanimité, la création d'une nouvelle paroisse aurait pu avorter prématurément. Et ceci du fait de l'initiative prise par le prêtre boiséen, c'est du moins l'opinion que donnera VIOLIN au mois de décembre 1867. En effet, le pasteur, profitera de l'enquête préalable à l'érection de la nouvelle paroisse pour rédiger une pétition dans laquelle il prétendra qu'une nouvelle paroisse sans nouvelle commune est une erreur. Quelques semaines auparavant, il a fait délibérer le Conseil de Fabrique et lui a fait porter le 13 octobre les remarques suivantes lors de l'enquête préliminaire :

« ils ne contestent point qu'au point de vue religieux l'érection proposée pourra faire du bien; mais ils sont persuadés que l'établissement d'une nouvelle commune doit être la conséquence de l'établissement d'une nouvelle paroisse, que sans cela on peut craindre les conflits les plus regrettables et une continuelle perturbation dans les rapports des habitants entre eux, toutes les raisons apportées pour l'érection de l'une militent pour l'érection de l'autre et deviennent même beaucoup plus fortes dans les circonstances présentes, les soussignés appellent l'attention sérieuse du Gouvernement sur cette affaire si importante ». Dans sa fougue, il rédige une pétition qu'il adressera le 16 octobre au Ministère de l'Intérieur . Sur celle-ci, on peut dénombrer 225 signatures qui « viennent à leur tour réclamer votre puissant concours pour qu'il soit en même temps établi une commune ». Etait-ce un désir réel ou bien une manoeuvre comme le laissera entendre plus tard VIOLIN, bien embarrassé lorsqu'il s'adressera à son député pour évoquer cette affaire ? « L'auteur de cette demande est certainement notre curé actuel desservant la paroisse de Saint Jean de Boiseau qui en est le rédacteur et qui a mené l'affaire dans le but de gagner du temps et de la faire prolonger, sachant bien que l'administration supérieure ne voyant pas d'un bon oeil des demandes de ce genre-là, donnerait un avis défavorable ». Le Préfet interrogé par son ministre, le mois précédent, sera plus direct: « La demande présentée à Votre Excellence est l'oeuvre de Mr le curé de St Jean, qui désire la séparation pour mieux dominer la population et mener plus facilement la nouvelle commune de Saint Jean de Boiseau quand la section de La Montagne en aura été retranchée. Il n'a en effet aucune influence sur les habitants de cette partie de sa paroisse presque tous ouvriers de l'usine Impériale d'Indret ».

Il est certain que le curé NOUËL déplorait le peu d'autorité qu'il pouvait avoir sur la population montagnarde et qu'il devait souvent ruser pour obtenir ce qu'il souhaitait: « Ce que le sentiment religieux ne nous avait pas obtenu, l'orgueil si chatouilleux de ces gens nous l'a souvent fait obtenir; il s'agissait d'utiliser cette ressource; un certain succès a couronné différents moyens qui ont été tentés: par exemple, on n'a eu qu'à s'applaudir de l'espèce d'attention qu'on a mise à faire ressortir, le dimanche, l'ignorance des enfants que négligent leurs parents ».

Alors, VIOLIN ou le Préfet, manoeuvre ou ras-le bol ? NOUËL a-t-il voulu laisser le temps effectuer son oeuvre d'érosion pour que les choses se passent moins rapidement et donner ainsi à la population le loisir de s'acclimater à la présence de ce nouveau lieu de culte ou a-t-il préféré la qualité à la quantité et ne conserver que de vrais fidèles ? Il a malheureusement emmené son secret avec lui.

Toujours est-il que l'idée de la séparation avait commencé à faire son chemin et que la lutte pour le pouvoir local - non spirituel cette fois-ci - devait gagner le Conseil Municipal. Les membres en provenance de la section de La Montagne obtinrent dans les années suivantes une très courte majorité et en usèrent. Un mémoire conservé aux Archives Départementales nous apprend ceci : « Avant la création de la paroisse nouvelle toutes les affaires se traitaient au bourg de St Jean; le Conseil représentait toute la commune, aujourd'hui 12 membres défendent à outrance les intérêts de la nouvelle paroisse, 11 membres seulement le reste de la commune, ceux-ci sont toujours en minorité, ils ne connaissent les affaires de la commune qu'au moment de prendre une décision qui souvent leur fait encourir le blâme de leurs commettants, parce que cette décision qu'ils n'ont pu empêcher est défavorable aux intérêts de ceux-ci; il en a été ainsi lors du vote d'un cimetière trop coûteux pour La Montagne et du vote pour le chemin de Roche-Ballue peu utile au moins dans une certaine partie ». Il convient pourtant d'adjoindre un bémol à cette assertion. Ainsi le 21 Mai 1876, le Conseil municipal aura à débattre d'accepter ou non l'attribution d'une subvention du Conseil Général pour la construction d'une école à La Montagne qui est obligée de louer un local à cet usage. Il est vrai qu'à cette époque la procédure de séparation est en cours - et que tout le monde croit cette réalisation imminente - mais la décision prise est justement d'attendre pour que les habitants de la future commune de St Jean n'aient pas à subir la charge de cette réalisation. Pourtant deux jours auparavant, 10 édiles locaux appartenant tous à la section de St Jean avaient éprouvé le besoin de rédiger une pétition et de l'adresser au Préfet. Outre le fait qu'ils demandaient l'ajournement de la réunion du mois de mai en attendant la séparation qu'ils pensaient n'être qu'une question de jours, on pouvait y lire entre autres :

« ils ne peuvent prendre part aux délibérations d'une assemblée où ils sont en minorité et qui se propose de disposer de la plus grande partie de leurs ressources en faveur des chemins de la section de La Montagne au détriment de la section qu'ils représentent».

Toujours est-il que ces joutes oratoires au sein de la mairie finissaient par indisposer tous les participants. Le germe de la séparation continuait son chemin. De lui devait naître « une requête d'un grand nombre d'habitants de Saint Jean de Boiseau tendant à obtenir l'érection en commune séparée de la section de la Montagne».

Paradoxalement cette demande n'émana pas des habitants de La Montagne - bien qu'ils l'approuvassent - mais bien de ceux de St Jean. Pourquoi donc cette situation insolite qui tend à exclure une partie de la population ?

Portrait d'une commune divisée:

Tout d'abord, il faut se représenter l'étendue de la commune qui va des abords de Bouguenais jusqu'au Pellerin, des moyens de communication qui ne peuvent être performants , des contacts entre les différents villages qui restent difficiles et des intérêts divergents entre tous ces habitants. C'est si vrai qu'en février 1875, une pétition émanant de Roche-Ballue n'a pas craint de l'étendre aux villages de la Ravardière, la Motte, la Guérinière etc...(tous de Bouguenais) pour réclamer un certain nombre de garanties. En effet, des alluvions avaient été gagnées sur la Loire et avaient été vendues pour la coquette somme de 18 160 F. Cette somme avait été reversée dans la caisse municipale. Or Roche-Ballue, très mal desservie demandait une extension de son réseau vicinal. St Jean avait donc prévu des travaux pour cette partie de la commune mais, sans doute en vertu du vieil adage « Loin des yeux, loin du coeur », ne devait en faire qu'une partie « selon ses ressources ». Ulcérés les gens de Roche-Ballue s'adressèrent au Préfet pour faire connaître leurs doléances: « En conséquence, Monsieur le Préfet, n'ayant personne dans le conseil pour défendre nos intérêts, nous avons l'honneur de nous adresser à vous pour vous prier d'intervenir près du dit conseil pour qu'il attribue une partie du produit de cette vente pour terminer le travail afin que nous en profitions le plus tôt possible ». Cette anecdote n'en est pas moins révélatrice des tensions qui pouvaient exister entre les différentes sections d'une commune trop étendue pour les moyens de locomotion et de communication de l'époque.

Ensuite, la tension est réelle entre les personnes des différents hameaux. La distance - toujours elle - ne facilite pas les contacts. « Le Maire, habitant La Montagne, il en résulte pour les habitants de la section de Saint Jean qui ont à traiter quelque affaire avec ce fonctionnaire, un déplacement aller et retour d'au moins huit kilomètres, lors même qu'ils le trouvent chez lui ». Ainsi pour les habitants de quelques villages les « relations avec les habitants de la Montagne sont fréquentes, faciles, tandis que les habitants de Saint Jean de Boiseau nous connaissent à peine et s'ils semblent aujourd'hui se souvenir de nous l'apparence d'un intérêt matériel est l'unique mobile de leur action ». La plupart de ces habitants sont des personnels de l'usine d'Indret qui se sentent beaucoup plus proches des montagnards, «nos inclinations, nos coutumes sont identiques, les habitants de St Jean rejettent la classe ouvrière ». Bien que le Curé NOUËL, les ai qualifiés - du moins certains d'entre eux - de population non indigène et d'irreligieux, ils écriront également que c'est à La Montagne que « là aussi nous remplissons avec une plus grande facilité nos devoirs religieux».

Enfin, nous l'avons déjà dit, les représentants du bourg sont devenus minoritaires et ne peuvent plus assurer la gestion qu'ils souhaitent. Cette situation leur pèse, car St Jean existe de tout temps, or La Montagne n'était encore, il y a peu, qu'un tout petit village (le commissaire SAINT au début de cet article ne le cite même pas). L'ampleur prise par l'Etablissement d'Indret a créé une extension phénoménale, La Montagne compte 2159 habitants en 1872 et St Jean en regroupant tous ses petits hameaux arrive péniblement à 2000 ; son influence périclite, c'est si vrai que le Maire habite lui aussi dans la partie honnie de la commune et que bien des affaires se traitent directement chez lui. St Jean se sent bafoué. Qui plus est, cette différence d'âge entre les deux sections fait que le bourg ne dispose que de vieilles maisons qui n'ont que peu de valeur, alors que La Montagne avec ses constructions récentes - une forte expansion, presque toujours anarchique, eut lieu à partir de 1836 - dispose de biens plus valeureux. Comble de malchance, les biens boiséens sont imposés à près du quart de leur revenu alors que les montagnards ne le sont qu'au cinquième. St Jean fournit donc la plus forte partie des ressources mais n'en récolte que la portion congrue.

Pétitions et revendications apparaissent:

La Montagne accepte la séparation mais elle n'y a aucun intérêt puisqu'elle détient les rênes du pouvoir local, aussi formule-t-elle des réserves de deux natures : tout d'abord elle souhaite annexer à son territoire les villages de l'Hommeau, La Rivetière, La Fenêtre et le Vieux-Four, bien que ces derniers ne fassent pas partie de la jeune paroisse.

Une autre pétition signée de 29 personnes de ces villages vient appuyer cette demande. Elle provient dans sa quasi-totalité d'employés d'Indret. Sitôt connue, elle provoquera une réaction immédiate ; 89 autres personnes - presque tous propriétaires, donc avec des ressources essentiellement agricoles - de ces mêmes villages exigent leur maintien à la commune de St Jean « où les rattachent leurs relations de famille et d'intérêts » Pourtant la Commission syndicale chargée des intérêts montagnards n'hésitera pas à remettre en cause cette réaction car « Il est facile d'apprécier la valeur d'une contre-pétition faite antérieurement, elle porte la signature d'un grand nombre d'habitants de Saint Jean de Boiseau propriétaires seulement de quelques parcelles de terrain dans notre section » Cette argumentation ne sera pas retenue par Jules SIMON, Président du Conseil et Ministre de l'Intérieur le 1er février 1877, « ce fait n'est pas prouvé » prononcera-t-il devant la Chambre des Députés. La lutte d'influence est donc bien réelle et ressentie jusque dans les hameaux.

Mais là ne s'arrêtent pas les revendications territoriales montagnardes. Le projet de séparation fait que ceux-ci se sentent trop à l'étroit sur leur territoire, en outre, bien que cet avis ne sera pas partagé par la suite par de hauts responsables tant administratifs que politiques, les ressources sont trop maigres: il convient donc de les étendre. Or Indret est géographiquement très proche de La Montagne, seul un tout petit bras de Loire les sépare, alors qu'au nord, ce grand fleuve fait 4 à 500 mètres de large éloignant ainsi le chef-lieu de cette île et créant une frontière naturelle qu'il n'est pas aisé de franchir. Pourquoi ne pas revenir à une démarcation plus naturelle et englober l'île d'Indret dans le territoire de La Montagne ? La seule difficulté , si tant est que l'on puisse employer cette expression selon les adeptes de cette solution, réside dans le fait que St Jean et Basse-Indre ne sont pas compris dans le même arrondissement. Qu'à cela ne tienne ! « Pour réussir, ils demandent à être distraits de l'arrondissement de Paimboeuf pour être adjoints à celui de Nantes » La commission syndicale écrira même le 14 juin: « que si leur voeu n'est pas pris en considération, ils se refusent entièrement à la séparation » Les choses ont, au moins, le mérite d'être claires.

C'est le 2 Février 1875 que le Sous-Préfet transmettra au maire la demande de séparation qui en informera officiellement son Conseil le 14 du même mois. Triste saint Valentin pour ce conseil qui vote à l'unanimité ce divorce ! Rapidement une commission syndicale sera formée par arrêté du Préfet pour se charger des intérêts montagnards. Une enquête d'utilité publique aura lieu à la fin du mois de Mai. Le baron de COURCY en sera le commissaire-enquêteur. De là devaient sourdre les premières difficultés. C'est en effet au cours de cette période que les revendications territoriales prirent corps. C'est sur elles que s'appuiera le Conseil Général le 25 Août à une faible majorité de 20 voix contre 18, pour donner un avis favorable à la modification du tracé initial. Il avait été, en effet, "presque sommé" par 180 signatures de donner satisfaction aux requéreurs:

« Déjà, Messieurs, vous nous avez séparés en sections pour les diverses élections, c'était un acheminement à la séparation totale.

Daignez donc, Messieurs, compléter votre oeuvre en faisant cesser l'état de malaise qui existe au milieu de nous, et en nous mettant à même de règler nous-mêmes nos propres intérêts ».

Bien que les plans, à la demande de cette instance départementale, aient été modifiés pour tenir compte de cette revendication, cette réminiscence fit long feu car le Préfet dans l'avis qu'il transmettra au Ministre de l'Intérieur n'y consacrera que 5 lignes et proposera de fixer comme limites celles déjà établies par le décret napoléonien du 4 avril 1868. 1875 sera une année faste en pétitions puisque entre février et juillet, sept d'entre elles circuleront sur le territoire boiséen pour ce problème de séparation qui, manifestement, passionne les foules. Les éléments pourront donc être suffisamment disséqués pour pouvoir établir un dossier conséquent et exhaustif. Sa réalisation passera entre de nombreuses mains: responsables communaux, Conseil Général, Contributions Directes, Sous-Préfecture,¨Préfecture l'affineront. Malgré cela c'est le Ministère de l'Intérieur qui s'apercevra au début de 1876 que le tableau joint concernant population, superficie, revenus etc... datait de 1868. Il n'est donc plus valable , en outre « rien n'indique si le projet correspond au projet de délimitation proposé de concert avec le Service des Contributions Directes (Circonscription paroissiale) ou si, au contraire, il est basé sur les résolutions du Conseil Général (annexion supplémentaire des villages La Rivetière, l'Hommeau etc...) »

::

Toutes les instantes administratices étudient le problème boiséen :

Tout est à refaire ou presque et voilà une année de perdue. Le Préfet s'empresse d'adresser un courrier au Sous-Préfet pour l'inviter à faire pression sur St Jean. Courriers et même télégrammes (2 en deux jours) se succèderont pour hâter la réalisation de ce nouveau dossier. De son côté St Jean, de plus en plus persuadé que cette séparation ne peut qu'être imminente suspend ses décisions et la vie communale se trouve bloquée. Cela n'est pas pour satisfaire notre Préfet qui enjoint à son subalterne de Paimboeuf de rejoindre St Jean et de présider l'ouverture de la réunion municipale du mois de décembre pour que les choses reprennent un cours plus normal et traiter, tout au moins, les affaires urgentes. Il convient, là aussi, de préciser qu'il venait d'être informé que le projet de loi statuant sur la demande de séparation serait prochainement déposé sur le bureau de la Chambre des députés et que la décision ne serait pas prise avant le 31 décembre, doux euphémisme qu'il emploie pour justifier sa demande. C'est ainsi que la charmante petite gare de Bouaye vit, à la veille de Noël, non pas un rayonnant Sous-Préfet aux champs, mais un pauvre Sous-Préfet bien embarassé pour exiger d'un Conseil municipal le retour à plus de réalisme. VIOLIN l'attendait à 1 heure 20 et ils eurent sans doute tous deux le loisir d'aborder le sujet avant d'affronter cette tumultueuse assemblée.

La commune montagne vient de naître ... et les problèmes continuent

Qu'à cela ne tienne « Cette affaire extrêmement urgente m'est rappelée par Mr le Ministre » cite notre premier magistrat départemental, les choses doivent donc avancer. Premier février et premier mars 1877 verront donc la Chambre des Députés débattre du problème boiséen. Le 14 mai, le député GAUDIN écrira à VIOLIN pour lui dire : « Il ne va plus manquer que la signature du Maréchal que l'on attend parfois quelques jours ». C'est ainsi que le 2 Juin 1877, le Président de la République MAC-MAHON et son ministre de l'Intérieur signent le décret créant la commune de La Montagne. Suivant les propositions de la Préfecture, les limites seront celles de la paroisse créée il y a seulement neuf ans et ne tiendront pas compte de la pétition des 29 habitants qui avaient reçu l'appui, sans doute inespéré, du Conseil Général.

Il est vraisemblable qu'un profond soupir de soulagement fut poussé par tous en voyant conclure - du moins pouvaient-ils légitimement le penser - une affaire engagée depuis près de deux ans et demi. Un seul regret, bien léger il est vrai: le curé CHAUVIN de La Montagne, ancien vicaire de St Jean qui écrit au Préfet: « Je désire que le nom de la nouvelle commune soit le nom même de la paroisse : Notre-Dame de La Montagne ». Poli et fort courtois, ce dernier lui fera comprendre que le nom a été fixé par un décret impérial et ce que ce n'est pas un magistrat - fut-il préfet - qui peut y changer quelque chose. VIOLIN quitta la mairie de St Jean qu'il dirigeait depuis le 26 août 1865 - avec une courte interruption en 1870 et 1871 - et se retrouva à la tête de celle de La Montagne, AVERTY Louis prit donc sa succession dès le 15 Juillet. Ouf ! il ne reste plus qu'à règler quelques détails sordides tels que le partage des biens indivis ou la liquidation des dettes, ce que ne manque pas de rappeler notre mentor départemental.

Premier petit problème, AVERTY, soucieux de règler les problèmes administratifs, veut établir le budget 1878. Il doit donc réunir son conseil, assisté des plus imposés de la commune. Logiquement il s'adresse au percepteur et lui demande cette liste. Celui-ci dut rester coi devant une telle question, sans doute ne l'avait-il pas prévue ? AVERTY écrit donc le 12 Août à son Sous-Préfet :

« Il ignore les limites de la commune, doit-il prendre les plus imposés des rôles actuels, dans ce cas on appellerait à voter les impositions de la commune de Saint Jean de Boiseau, des contribuables qui n'y paient aucune contribution ou qui n'y paient qu'une partie de celles pour laquelle ils sont imposés, leurs propriétés ou leurs industries étant dans la nouvelle commune de La Montagne. »

Ne serait-il pas préférable de n'appeler comme plus imposés que ceux dont les propriétés ou l'industrie sont dans la commune nouvelle de Saint Jean de Boiseau ? Quant à ceux dont les propriétés s'étendraient dans les deux communes on pourrait approximativement à l'aide de la matrice fonçière déterminer la quote-part afférant à la commune de Saint Jean de Boiseau. Quel que soit le mode de procéder adopté par l'administration supérieure, je viens vous prier, Monsieur le Sous-Préfet, de me le faire connaître ou à Monsieur le Percepteur d'une manière claire et positive ».

Cruel embarras, d'autant plus que le même jour, il redécouvre que le budget 1877 n'a jamais été voté. D'où une seconde lettre expliquant qu'il ne sait, s'il doit comprendre que les recettes et dépenses du 1er Juillet 1877 jusqu'à la fin de l'exercice, ou toutes les recettes et dépenses faites pour les deux communes ou bien encore que la part afférente à la nouvelle commune de St Jean dans les opérations du premier semestre en y ajoutant recettes et dépenses depuis le 1er juillet. Le Sous-Préfet préconisera un budget commun jusqu'au 1er Juillet, puis un budget séparé par commune pour la fin de l'année, mais prudent se gardera bien d'en aviser directement le demandeur et demandera à son supérieur hiérarchique de trancher.

Nous sommes rendus à la mi-Août, mais la principale pierre d'achoppement n'est pas encore apparue. Pourtant, là encore, les germes existaient depuis longtemps. En 1875, la Commision syndicale avait, dans un long texte, établi un parrallèle entre biens boiséens et montagnards. Bien que cela ne soit pas écrit expressément, il en ressort à sa lecture un désir - légitime en soi - de ne pas être perdant dans l'opération de partage. Ce 19 Août donc, VIOLIN informe son Conseil des différents courriers que le Sous-Préfet lui adresse pour règler les problèmes de partage de biens. Cruel embarras ! L'affaire n'est pas aussi simple qu'on pourrait croire: « Devant cette question complexe, Monsieur le Maire pense qu'il ne serait pas facile de s'entendre à l'amiable avec le Conseil Municipal de St Jean de Boiseau et qu'il serait préférable que des experts fussent nommés à cet effet, ce qui éviterait toute contestation ». Néanmoins, ce même conseil demandera à ce que ce soit le Préfet qui prenne cette initiative et propose qu'en cas de désaccord ou d'impossibilité, il soit procéder à une vente « ce qui serait le meilleur mode afin d'obtenir une prompte solution ». Le 23 du mois, le magistrat paimblotain sera informé de la position prise par les responsables montagnards. Personne ne peut encore deviner que cette décision va faire perdre deux ans. En effet, St Jean de son côté, très cisconspect, joue la prudence et souhaite un délai de réflexion, il souhaite donc reporter sa décision sur la nomination d'un expert pour le mois de Novembre. Il choisira ainsi une politique d'immobilisme, refusera même en Mars 78, à deux reprises, toute nomination pour ne cèder en fin de compte que le 27 Avril 1879.

Que s'était-il donc passé là encore ?

Tout d'abord St Jean pense que nommer un expert c'est accepter le partage des biens. Or pour lui , les choses ne sont pas claires, la liste de ces biens n'est pas établie. Il lui paraît plus logique de définir d'abord quels seront les biens à partager pour qu'ensuite des experts se prononcent sur leur valeur. Ce qui peut se concevoir. En fait, il apparaîtra très vite qu'une ambiguïté sérieuse existe sur ce partage. Il faudra en effet attendre le 10 Janvier 1880 pour que les deux maires signent le protocole d'accord après que le plus jeune d'entre eux, AVERTY, ait tiré au sort ... dans un chapeau quel serait le lot qui reviendrait à sa commune. Il est vrai que les deux lots constitués étaient censés représenter la même somme. De sérieuses (aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa)

Comment partager les biens indivis :

Que prévoyait donc la loi en cas de création d'une nouvelle commune aux dépens d'une autre

Tout d'abord, chaque section doit conserver les biens dont elle était seule propriétaire. Quant aux biens qui ne sont pas la propriété d'un village mais de toute la commune, ceux-ci doivent être partagés proportionnellement aux nombre de foyers existants dans chaque nouvelle entité. Les édifices à usage public resteront la propriété de la section sur laquelle ils sont situés, mais il y a obligation d'indemniser la partie lèsée. Quant aux dettes, celles-ci doivent être partagées non pas en fonction du nombre de foyers mais au prorata des contributions payées. St Jean, lorsque La Montagne réclame des experts ne connaît pas toutes ces clauses, mais ses élus, pleins de bon sens, s'ils refusent de nommer un expert s'entourent de quelques précautions. Ce ne sera pas un, mais trois avocats qui seront contactés. Tous trois, VAN ISEGHEM, LE ROMAIN et LE MEIGNEN, exercent à Nantes. Après un rapide examen de la situation, ils pensent, sans s'être concertés, l'affaire facile à règler.

La première sérieuse difficulté interviendra avant la fin de l'année. L'ancienne commune de St Jean disposait, sans en être parfois propriétaire de biens particuliers qui allaient présenter quelques obstacles :
1° - Le pré Varades. Ce pré avait été acquis en 1791 par les habitants du bourg et du Landas.
2° - Le pré des Rouauds acquis par des habitants de la Télindière. La gestion de ces deux prés avait été laissée à la commune qui les affarmaient régulièrement à des particuliers à charge pour ceux-ci d'accepter le libre accès aux habitants qui voulaient embarquer ou débarquer matériels, récoltes, pêches, animaux etc ... sur les engins de navigation, de ne pas empêcher la circulation nécessaire pour tous les transports et même de supporter la mise au sec de ces embarcations sur les prés.
3° - Les accrois de Boiseau, terrains qui avaient été gagnés sur la Loire. La propriété de ces terrains avait été contestée durant plus de vingt-cinq ans par quelques habitants de Boiseau. Ceux-ci avaient alors ester en justice pour conserver des droits qu'ils estimaient légitimes. Jugements de Paimboeuf, puis de la cour de Rennes leur donnèrent raison. Ceux de la cour de cassation de Paris autorisant la commune à poursuivre la défense de ses prétentions et enfin de celle de Caen en date du 12 Mars 1863 finirent par donner raison à cette dernière et déclarèrent pour mettre un terme à cette affaire que ces biens lui appartiendraient désormais.
4° - Les immeubles provenant du legs GUILLET. Ce dernier à sa mort survenue en 1861 avait lègué tous ses biens à la commune de St Jean afin d'« être employés pour l'instruction des enfants pauvres, garçons et filles de la commune de St Jean de Boiseau, en partie et le surplus pour venir en aide aux pauvres de cette commune » Ces biens se trouvaient répartis non seulement sur la commune de St Jean mais également sur celles de Brains, Le Pellerin, Couëron et Frossay.

Or St Jean interprète certaines de ces données d'une manière très favorable à ses intérêts suivant l'expression de son propre avocat, système qui, précise-t-il «ne peut en droit se soutenir et si l'on voulait soumettre cette question aux tribunaux, la commune de Saint Jean de Boiseau serait sûre de perdre son procès». Du moins, n'écrira-t-il ces mots qu'en Janvier 1879, alors que l'affaire avait pris une telle tournure que certains commençaient à envisager une annulation du décret impérial prononçant l'érection de la commune de La Montagne.

En effet, nous l'avons vu, la cour de Caen avait bien dit que les accrois de Boiseau étaient désormais terre communale, St Jean ne pouvait donc soutenir que ceux-ci étaient la propriété de quelques habitants, contrairement aux prés Varades et des Rouauds pour lesquels la commune n'agissait que comme gérant et ce, depuis au moins 1838. Par contre, notera LE MEIGNEN, l'antériorité de l'affermage de ces prés est telle que la commune de St Jean « serait peut-être fondée à dire qu'elle les a acquis par prescription. C'est un danger et même un danger sérieux, il faut bien le reconnaître. Si ces terrains sont jugés être communaux, il sera absolument nécessaire de les partager ». La Montagne, fort bien renseignée, accusera même en Février 78 St Jean de ne faire qu' « une assertion inexacte et insuffisante». Elle arguera du fait que, s'il est exact que les terrains ont bien été acquis par des particuliers, il est toutefois de notoriété publique que c'est la commune qui désormais en paye les impôts et en retire les bénéfices. Ainsi ces revenus, dira-t-elle, ne servent pas uniquement à l'entretien des prés mais ont bien été employés pour des travaux tels que curage de la douve qui venait aboutir au port de la rivière ou entretien d'un canal de quarante pieds que Mr DE MARTEL, notable de la commune, s'était engagé à entretenir, promesse qu'il s'était ensuite empressé d'oublier.

Querelles de conseillers municipaux

Quant aux biens provenant du legs GUILLET, si St Jean acceptait de partager les terrains situés hors de la commune, il considérait que ceux implantés sur son sol étaient sa propriété exclusive. Comme on pourrait s'en douter, La Montagne ne partageait pas ce point de vue, mais elle va encore plus loin. Les revenus de tous ces biens - y compris les prés Varades et des Rouauds - étaient répartis indistinctement entre tous les services. VIOLIN pense donc que tous les biens sans exception doivent être partagés. Exacerbé par tous ces atermoiements, il exigera encore plus dans une délibération qu'il fera prendre à son Conseil Municipal le 2 décembre où il compare la situation de St Jean avec une belle mairie construite de 1849 à 1850, une sacristie construite en 1860, un cimetière transporté en dehors du bourg et qui dut être agrandi en 1858; il comprendra même dans son inventaire deux petites chambres qui « ont été données conditionnellement en 1862 par une délibération du conseil municipal à Mr le curé NOUËL et qui peuvent être revendiquées car c'est encore une propriété communale ». La Montagne, par contre, ne possède quasiment rien: pas de mairie, pas d'école, pas de logement d'instituteur ; l'église et le presbytère appartiennent à la Fabrique et ont été construits par des souscriptions et des dons particuliers.

Que pouvait faire AVERTY, sinon répliquer ? C'est ce qu'il fera le 3 Février 78 dans une très longue délibération où il reprend point par point tous les arguments de son collègue montagnard. Il s'acharnera à démontrer que les prés, cause du litige, sont la propriété de quelques habitants, qu'il s'agit de biens privatifs et qu'ils ne peuvent donc entrer dans l'indivision, que St Jean n'a jamais agi autrement que comme gérant d'affaires de ces habitants. Pour les accrois de Boiseau, s'il cite les procès engagés par les riverains et payés uniquement par eux « sur la promesse qu'on leur faisait qu'ils resteraient seuls propriétaires des terrains revendiqués », il oublie - volontairement ou non ? - de spécifier que le tribunal avait décidé que ces terrains seraient désormais propriété communale. Quant aux édifices commmunaux, il se lance dans une longue diatribe où, prenant le contre-pied de son collègue, il compare l'église de La Montagne qui vaut bien cinquante milles francs alors que celle de St Jean « vieux bâtiment sans solidité n'en vaut peut-être pas douze milles et n'a jamais rien coûté à la commune ». Tout y passe et la conclusion fait apparaître un statu-quo, c'est-à-dire pas de partage sauf pour les biens en provenance du legs GUILLET situés hors de la commune de St Jean, avec une précision complémentaire : puisque les biens de La Montagne sont plus neufs et donc plus valeureux, c'est donc La Montagne qui doit une compensation à St Jean. Et voilà nos deux antagonistes de nouveau dos à dos et d'autant plus résolus à camper sur leurs positions.

C'est décidément Clochemerle ! Dès que la Montagne a connaissance de cette délibération, c'est à son tour de contre-attaquer. Toujours très bien renseignée, elle fait état de la famille PRIN de Boiseau qui avait porté devant les tribunaux l'affaire des accrois et rappelle que « les héritiers sont redevables à la commune de six cent quatorze francs vingt neuf centimes » (quelle précision !). Cette somme a figuré au chapitre additionnel jusqu'en 1871, mais il n'en est pas moins vrai que la commune peut toujours la revendiquer. L'argumentation qui suit tend à faire apparaître que « c'est la commune qui a pris cette affaire en mains » et que « les habitants n'ont donc pu de leurs propres deniers soutenir le procès ».

C'est ce même jour que l'argumentation, évoquée auparavant, sur la propriété des prés Varades et des Rouauds sera développée pour prétendre que dans les faits, St Jean les avait acquis par prescription, notion éminemment dangereuse comme le reconnaît LE MEIGNEN.

Mais pourquoi faire petit quand on peut faire grand ? C'est donc l'occasion de rajouter un couplet sur les deux petites chambres. Celles-ci n'ont été données que conditionnellement et peuvent donc être réclamées. Un bref rappel des faits et voilà notre registre des délibérations du Conseil Municipal annoté d'un superbe « Voilà la vérité ».

Nous passerons sous silence les explications concernant le financement de l'église de La Montagne qui n'a pas coûté le moindre centime à St Jean puisque de bonnes âmes: particuliers, Ministre de la Marine, Ministre des Cultes etc... y ont subvenu ou le rappel du coût au franc près du cimetière de La Montagne. Tout ceci nous paraîtrait suranné si ce même registre ne prétendait « Du contenu ci-dessus, des pièces justificatives et authentiques seront fournies quand besoin sera ». Affirmation osée si l'on sait que ces opérations ont toutes été réalisées alors que la commune de La Montagne n'existait pas et que toutes les pièces devraient logiquement figurer dans les archives boiséennes. Pourtant l'étendue des archives montagnardes montre le sort que subirent bien des documents que VIOLIN devait considérer comme personnels. En bons apprentis juristes, les responsables montagnards ne craindront pas d'affirmer en fin de compte-rendu que les prés Rouaud et Varades « sont, d'après la loi, propriété communale ». Le mois suivant, mars 78, AVERTY franchira un pas supplémentaire. Pour la première fois, il signifiera officiellement son refus de nommer un expert et pour donner plus de poids à sa position sollicitera l'autorisation de réunir son conseil avec les plus imposés de la commune pour délibérer de ce sujet. Habile manoeuvre qui lui permettra, le 31, de bénéficier de l'appui de 17 des plus gros contribuables.

Les affermages :

Juin arrivera et St Jean qui vend les herbages en provenance des prés litigieux se verra contester cette initiative. D'abord la transaction n'aurait du se faire qu'avec l'accord montagnard, ensuite le prix de vente demandé est dérisoire - 50,00 F seulement. D'autres ventes avaient déjà eu lieu dans le passé et s'étaient soldées sur une somme de 111,00 F « somme très minime, vu la contenance du terrain récoltable ». La Montagne considère donc que St Jean doit maintenir ce prix. La suite ne dira pas quelle conclusion fut donnée à cette affaire, il est vraisemblable que les édiles boiséens n'en tinrent aucun compte, estimant peut-être que La Montagne n'avait pas à s'ingérer dans ce genre d'affaires.

Les mois s'écoulent ainsi lentement sans qu'aucune solution de compromis n'apparaisse. En novembre 78, le bail d'affermage de ces biens allait expirer, il devait être renouvelé. Un cahier des charges a donc été établi le mois précédent par les deux maires, avec l'accord du Préfet, pour procéder à cette opération. Le 4, jour où devait se dérouler l 'opération, VIOLIN, maire de La Montagne assisté de deux conseillers, ARROUET et PAJOT se rend à St Jean. Coup de théâtre, AVERTY tente d'exclure de la salle son collègue montagnard, il n'y parvient pas mais informe son conseil que les prés Varades et des Rouauds sont retirés de l'adjudication et n'ont pas lieu d'être affermés. Malgré les protestations, l'adjudication des autres biens est effectuée, nos contestataires demandent à signer le procès-verbal pour y faire apparaître leurs réserves, ce qui leur est refusé. Le lendemain, adresse est expédiée au Sous-Préfet qui se termine ainsi: « En outre ne voyant aucune issue d'arrangement, les soussignés prient instamment Monsieur le Sous-Préfet d'user de tout son pouvoir auprès de Mr le Préfet afin qu'il autorise la commune de La Montagne d'ester en justice celle de St Jean».

L'affaire du cimetière montagnard :

Décidément la situation ne s'arrange pas ! D'autant plus et cela est bien connu, un malheur n'arrive jamais seul. En 1872, St Jean avait fait construire un cimetière tout neuf à La Montagne. Ce cimetière avait été financé avec un emprunt contracté auprès du Crédit Foncier de France remboursable en douze annuités, soit de 1873 à 1884. La Montagne est désormais une commune indépendante, donc St Jean est libéré de cette dette qui doit être reprise par la nouvelle commune, c'est du moins ce que pensent nos édiles locaux, qui le 17 du même mois refusent de s'imposer pour cette participation. Hélàs, ce n'est pas l'opinion du Préfet qui spécifie qu'il s'agit là d'une dette obligatoire à laquelle St Jean ne peut échapper, La Montagne devant toutefois participer à concurrence de 50 %. St Jean développe alors une argumentation suivant laquelle il espérait, lors de la réalisation de ce lieu de sépulture, des rentrées d'argent dûes aux concessions qui seraient accordées, donc accord pour s'imposer jusqu'en 1884 pour payer ce cimetière mais pas de devoirs sans droits, et donc participation de St Jean aux revenus funéraires montagnards.

Comme on pourrait s'en douter, cette opiniâtreté à défendre les intérêts boiséens en jouant sur certaines subtilités n'est pas de nature à calmer l'humeur du premier magistrat départemental qui, s'il exige que St Jean revienne sur sa position concernant l'affermage irrégulier, commence à éprouver une certaine lassitude et écrit au Sous-Préfet « L'administration a vainement eu recours à tous les moyens de persuasion pour arriver à une conciliation qui aurait épargné aux deux parties les chances aléatoires du procès. En présence de l'inanité de nos efforts, je ne vois pas de raison pour arrêter plus longtemps les deux communes sur la voie désastreuse où elles paraissent absolument vouloir s'engager ».

Début janvier, l'adjudication pour les biens communaux doit être refaite, nos responsables montagnards se voient de nouveau refuser tout accès aux transactions. Le 7, VIOLIN écrira qu'il a de nouveau tenté une conciliation avec AVERTY mais que ce dernier « ne tenait aucun compte de cette décision, qu'il aimait mieux donner sa démission que de refaire une nouvelle adjudication». L'impasse

LE MEIGNEN trouve une solution

1° - Les accrois de Boiseau et les biens GUILLET sont incontestablement communaux. Ils doivent être partagés, St Jean sera donc en droit de réclamer une compensation financière.
2° - Les prés Varades et des Rouauds peuvent ne pas être partagés puisqu'ils sont de propriété privative, ce point plus délicat a, toutefois, des chances de se plaider avec succès devant un tribunal.
3° - L'église et le cimetière de La Montagne sont de valeurs nettement supérieures à ceux de St Jean. Or s'il y a indemnisation, St Jean se retrouvera bénéficiaire puisque l'église de La Montagne n'a pas coûté un centime à la commune, érigée qu'elle a été par des subventions, des souscriptions et des dons.

D'où l'idée, d'apparence simpliste face au blocage de la situation, mais qui a une chance d'aboutir. Faisons une masse globale de tous les biens, y compris les édifices construits sur les communes, et partageons le tout en deux parties égales. Cette solution présenterait plusieurs avantages pour St Jean:
1°- Elle présenterait une porte de sortie qui éviterait tout procès qui « serait la ruine complète de ces deux communes et aboutirait fatalement à l'annulation du décret de séparation: les communes seraient réunies comme autrefois et ce serait déplorable à tous les points de vue ».
2 ° - St Jean récupérerait un certain nombre de compensations en numéraire puisque ses biens sont de moindre valeur que ceux de La Monatgne.
3° - Le partage par moitié serait avantageux pour St Jean pour deux raisons supplémentaires :
a) un partage au nombre de feux pour les biens pénaliserait St Jean puisque cette commune comporte 100 feux de moins que La montagne.
b) un partage des dettes au prorata des contributions versées pénaliserait également St Jean puisque cette dernière est plus imposée que sa rivale.

LE MEIGNEN semble s'enflammer à cette idée, il l'a développée auprès de ses confrères VAN ISEGHEM et LE ROMAIN qui n'ont rien trouver à redire. Il conclura sa missive par ces propos « Je fais des voeux dans l'intérêt de Saint Jean de Boizeau pour que la transaction soit acceptée et signée le plus tôt possible », après avoir écrit: « Or, cela dit, selon mon âme et conscience, toute à l'avantage de Saint Jean de Boizeau, je dois même dire que c'est un succès inespéré ».

La solution est-elle trouvée ? Le 26 de ce mois de Janvier 79, le Maire fait examiner par son conseil cette proposition qui trouve un écho favorable puisque l'unanimité moins une voix se fait pour le partage des biens par moitié. Pourtant sur les registres, sera rajoutée ultérieurement la mention « exceptés les terrains réservés pour les ports ». Quelqu'un eut-il des remords par la suite ? Ce jour-là, signe incontestable de radoucissement, une commission spéciale fut nommée pour estimer les valeurs à partager. Elle était composée de six membres : 3 conseillers municipaux et 3 gros contribuables.

La séparation a-t-elle été un bonne chose :

Il était sans doute temps de trouver une porte de sortie, car nous l'avons déjà dit, certains commençaient à se poser la question: Au vu des problèmes soulevés et qui ne trouvent pas de solution, doit-on oui ou non maintenir la nouvelle commune ou doit-on provoquer l'annulation du décret érigeant la commune de La Montagne ? C'est si vrai que le Sous-Préfet avait déjà interrogé VIOLIN pour lui demander quelles étaient les conséquences qu'avait pu avoir la séparation des deux communes et si celle-ci « a été ou pourra être à l'avenir profitable à l'intérêt public ». Celui-ci répondait au début de février, après avoir eu connaissance de la proposition boiséenne:
« La population de La Montagne est composée des 9/10 d'ouvriers attachés à l'établissement d'Indret tandis qu'à St Jean, c'est le contraire les 9/10 sont laboureurs et n'ont pas les mêmes idées jusqu'alors et depuis la séparation vous connaissez ce qui s'est passé , les intérêts publics ont souffert par suite de la non-séparation des revenus communaux; mais si à l'avenir l'arrangement peut avoir lieu comme il a été proposé, c'est-à-dire que les partages se fassent par moitié, j'aime à croire que les deux communes pourront marcher et que l'accord entre les deux populations se fera dans de bonnes conditions.

Mon avis est que si la séparation n'était pas maintenue, cela produirait un très mauvais effet ». Un document dont l'origine paraît devoir émaner de la Sous-Préfecture, spécifie de son côté : « En somme, les conséquences produites jusqu'à ce jour par la séparation ont été déplorables. Les deux communes n'ont pu encore arriver à une entente pour le partage des biens communaux, par suite la vie communale se trouve suspendue; les deux communes en sont réduites à vivre au jour le jour. Les travaux importants et urgents projetés par La Montagne ne peuvent être entrepris puisque la municipalité ne connaît pas encore les ressources dont elle pourra disposer. Bref, il y a là une situation intolérable et si elle devait encore se prolonger , il faudrait regretter amèrement la séparation ».

Il conclura pourtant par une note plus optimiste puisqu'il indiquera

: « Les deux communes ont d'ailleurs des ressources supérieures à celles de beaucoup de communes du département et si elles arrivaient à sortir des difficultés présentes et à suivre une marche régulière, elles seraient en mesure de pourvoir à leurs besoins. Aussi les habitants et les deux municipalités, malgré tous les ennuis éprouvés depuis la séparation n'ont point changé de sentiments et redoutent par-dessus tout de voir les deux communes réunies à nouveau et c'est là sans doute une des considérations qui contribueront le plus à amener entre les parties l'accord désiré ».

La crise de dénoue

Le Préfet sera vite informé du changement de situation et réclamera très vite les délibérations prises. Sans doute échaudé par les nombreuses volte-faces vécues depuis un an et demi, il manifestera un certain scepticisme puisque le principe de la commission d'expertise des biens serait de nature, dit-il, à retomber dans les difficultés qui n'ont pu être surmontées jusqu'ici. Il réclame donc avec insistance que St Jean nomme son expert qui, rappelons-le, n'était toujours pas désigné et qu'il ne saurait en outre admettre un autre mode de partage. La lassitude commençait à se manifester.

La Montagne ne manifeste pas d'hostilité de fond sur la proposition boiséenne, tout juste une toute petite réserve sur les accrois de Boiseau. St Jean, le coeur en fête, peut donc nommer son expert. Ce sera LE MEIGNEN, en raison sans doute des bons services déjà rendus mais « Il sera accompagné de deux membres du conseil municipal mais sans que ceux-ci puissent en aucune façon peser sur ses décisions, ni l'influencer ». On se demande la raison de cette précaution ?

Quelques échanges épistolaires complémentaires entre toutes les parties, où l'on dénote malgré tout, un relâchement important et LE MEIGNEN, apparemment plein de gratitude pour la confiance qui lui est accordée accepte la mission qui lui est confiée et s'engage dans un délai d'une semaine à commencer les expertises avec SORIN, expert pour le compte de La Montagne.

Quelques difficultés surviendront pourtant encore. Ainsi le 23 Février 1879, VIOLIN rappelle qu'une délégation des deux communes s'est réunie à la Préfecture, qu'il a été convenu que chaque commune serait représentée par un expert et qu'en cas de désaccord, un troisième serait nommé par le Préfet. Il demande donc à ce que cette solution soit retenue, propose le maintien de Mr SORIN comme expert montagnard et fait considérer par son Conseil « comme nulle et non avenue la délibération dans laquelle le Conseil de La Montagne demande d'ester en justice la commune mère de Saint Jean de Boiseau ». L'adoucissement est vraiment dans l'air. Cette position sera réaffirmée le 30 mars suivant.

Trois mois plus tard, St Jean demande l'ouverture d'un crédit afin de payer l'annuité et les intérêts de retard qui sont dûs au Crédit Foncier de France pour le remboursement de la dette contractée pour le cimetière montagnard. Il n'est plus question de recevoir des revenus pour les concessions accordées. Tout indique un dénouement prochain de cette affaire.

Le partage des biens :

Celui-ci a effectivement lieu au début de 1880. Les deux experts rédigent le 5 Janvier un mémoire fixant les modalités du partage à établir où de brèves observations préliminaires rappellent aussi succinctement que possible les principales étapes de cette longue et pénible transaction. Le principe du partage par moitié de l'actif et du passif y est développé. Cinq catégories de biens sont créées pour l'actif:
1° - Edifices à usage public: églises, chapelle, mairie, cimetière etc ...
St Jean et La Montagne gardent chacun leurs biens respectifs (St Jean gardera même ses deux petites chambres). L'évaluation des biens respectifs fait que La Montagne se trouve débitrice d'une somme de 7681,67 F.
2° - Biens acquis antérieurement à 1792: prés Varades et des Rouauds. St Jean renonce à prétendre que ces terrains appartiennent à des particuliers, mais le document spécifie que les droits d'usage des riverains sont tels « qu'il serait bien difficile peut-être même dangereux d'enlever ces parcelles à la commune de St Jean ».
Ces prés sont évalués 7680,00 F. Le hasard fait bien les choses - peut-être a-t-il bénéficier d'un petit coup de pouce ? - aussi St Jean gardera ces prés et La Montagne n'aura plus à verser la compensation qu'elle devait pour les biens de première catégorie.
3° - Biens en provenance du legs GUILLET: 2 lots doivent être créés qui seront tirés au sort par les deux maires. Le premier comprend le pré situé à Frossay, un second sur Le Pellerin et six autres sur St Jean, le tout pour environ 4 hectares estimé 11370,12 F. Le second comprend 2 terrains à Brains, un sur Couëron et 13 parcelles sur St Jean, le tout pour à peine 3 hectares estimé 11380,00 F. Là encore le hasard fait bien les choses.
4° - Alluvions et atterrissemnts gagnés sur la Loire. Ceux-ci comportent 3 parcelles contigües qui totalisent un peu plus de 2 hectares et demi. La répartition est mathématique pour les surfaces. Il ne restera plus qu'à tracer au sol la nouvelle ligne de démarcation. Affaire de géomètres.
5° - Biens mobiliers de la mairie et de l'école de St Jean qui sont classés comme ayant une valeur insignifiante. Le compte gèré par le percepteur faisait apparaître au 30 mars 1879 un débit pour St Jean de près de 12000,00 F. L'exercice 79 qui ne se clôt que le 30 Mars 80 n'est pas arrêté. L'affaire est remise à plus tard. Ce point ne présente aucune difficulté, les deux parties sont d'accord. St Jean s'acquittera de la plus grosse partie de cette somme en novembre. En Février 81, La Montagne qui avait déjà mis en construction son école de garçons réclamera le reste de la dette mais, magnanime, spécifiera que le quart seulement est urgent et que le remboursement pourra s'effectuer en quatre traites.
Quant au passif (lui-aussi partagé par moitiés), il ne comprend que:
- la rente à verser à l'ancienne domestique de GUILLET et qui était prévue dans le legs
- la dette à rembourser pour le cimetière de La Montagne

Longue et pénible affaire, donc, que cette séparation. Officiellement commencée en février 1875, elle se terminera 5 ans plus tard après bien des déboires, bien des tractations et sans doute sur le terrain par bien des échanges aigre-doux entre des personnes qui, peu de temps avant, travaillaient ensemble pour essayer d'améliorer la vie de leurs concitoyens, même s'il semble que certaines de leurs réunions de travail aient pu être d'un niveau sonore au-desus de la moyenne. Que de luttes intestines, que de tracasseries, que de prises de position péremptoires, que d'envolées qui se veulent sans doute lyriques telle celle de cet édile dont la tendance ne fait aucun doute: « Saint Jean de Boiseau sera toujours une commune relativement riche en elle-même et surtout par ses habitants. Elle ne sera inférieure à sa fille séparée que par le nombre des habitants. Ce n'est donc pas sa voix qui sera écoutée lorsqu'elle repousse La Montagne en lui disant pour moi je possède ce qui m'est nécessaire, mais ma pauvre tu es à mes yeux une étrangère, éloigne-toi je ne veux ni te connaître ni te pourvoir.
La voix de l'équité criera plus fort et l'avis du Conseil Général deviendra la base de la loi de séparation des deux communes
»

Depuis les deux communes ont pu nouer par la suite des relations plus normales, actuellement leur participation dans deux syndicats intercommunaux se passe dans des conditions acceptables, même si parfois l'on entend encore dire - surtout dans les vieilles familles bien implantées sur les deux communes - que des restes de cette cuisante affaire sont encore là et ne demandent qu'à se réveiller. Il est plus vraisemblable de penser que les générations nouvellement implantées font fi de ces vieilles querelles si tant est qu'elles en aient connaissance.

Là aussi, comme dans les contes de fées, tout est bien qui finit bien ... ou presque. Au fait savez-vous que le 11 Août 1882, soit plus de deux ans et demi après la clôture de cette affaire, LE MEIGNEN réclamait à St Jean de Boiseau 456,00 F, somme qu'il a « attendu très patiemment jusqu'à aujourd'hui ».

L'Histoire ne dit pas s'il dut, lui aussi, attendre si longtemps pour rentrer dans ses fonds, mais cela c'est une autre histoire.