Histoire de Saint Jean de Boiseau

La journée du 24 mai

C'était ... au mois de mai.



La journée du 24 mai

A Nantes

Ce 24 mai, il pleut sur Nantes. Une grande manifestation est orgarnsee par les agriculteurs de la FDSEA, auxquels se sont joints les syndicats ouvriers et des étudiants.Les 2000 agriculteurs se sont regroupés à Bouaye et, tracteurs et remorques chargées de fumier.





























De là, ils se rendent au rassemblement place Royale, rebaptisée provisoirement place du Peuple. En fin de journée, un cortège se dirige cours des Cinquante Otages en direction de la préfecture. Pour éviter l'invasion de celle-ci, le préfet envoie les CRS au devant des manifestants, 1000 ouvriers, 500 étudiants et 2000 agriculteurs. Très vite les évènements prennent des allures de révolution. Les manifestants arrachent les arbres des allées, retournent des véhicules de tourisme pour faire des barricades. On entre pour près de 7 heures dans une bataille de rue qui fera plus de 200 blessés. Dans la presse ce 24 mai sera baptisé la nuit rouge.

A La montagne

Il faut redonner un second souffle à la lutte. Réunis en intersyndicale, les syndicats CGT, CFDT, CGT-FO d'lndret et les syndicats d'enseignants de La Montagne SNI, SNC et SGEN lancent un appel à un rassemblement, place de la mairie de La Montagne le vendredi 24 mai, à 9 heures 30. Voici le libellé de cet appel :
A la demande des syndicats CGT, CFDT et CGT-FO des établissements d'Indret et des syndicats d'enseignants de la Montagne SNI, SNC et SGEN et avec l'accord des organisations syndicales des usines voisines (Basse-Indre, Sud-Aviation, Cheviré, Les Côteaux etc ...) nous vous demandons à TOUS d'assister à cette réunion.
La population très sensibilisée par la grève, aura « à cœur » de se retrouver pour prendre connaissance des principales revendications communes à toutes les catégories de travailleurs.
Les problèmes concernant les revendications sociales et familiales, seront évoquées avec la participation de l'Association syndicale des familles (A.S.F).


Pourquoi La Montagne ? Vraisemblablement pour son caractère central vis-à-vis d'lndret, de Basse-Indre et des Côteaux et en fonction du nombre important de salariés concernés par le conflit et résidant dans cette commune.

Contrairement à Nantes, il n'y a ni chants, ni cris tout au long de cette longue file qui monte vers La Montagne.

En peu de temps, la place de la mairie est noire de monde ; elle ne suffit pas à contenir tous les manifestants. C'est un succès pour les organisateurs. Les ouvriers habitant le Nord-Loire sont également venus nombreux (des navettes ont assuré par barques leur transfert de Basse-Indre à Indret). Depuis le matin, une voiture équipée d'une sono chauffe la foule. Cela commence par « le temps des cerises », se poursuit par le répertoire de Jean Ferrat et va crescendo jusqu'à l'Internationale ».

C'est alors que la délégation pénètre dans l'Hôtel de ville afin de demander son soutien à la lutte au maire Francis Lambourg.
L'entrevue est de courte durée et du haut des marches de l'édifice public, Maurice Vaillant annonce à la foule sidérée « Monsieur le maire refuse de nous apporter son soutien ».

Est-il utile de décrire ce qui suit cette déclaration ?
C'est d'abord un grand moment de silence qui, malgré sa brièveté, semble durer une éternité ; puis, ce sont des cris, des hurlements, des sifflets, des insultes, des menaces, tout ce que la nature humaine peut sortir de sa poitrine s'exprime.

Puis le calme peu à peu revient. Maurice Vaillant profite de ce répit pour inviter la foule à se disperser. C'est à ce moment précis, qu'une nouvelle rumeur nous parvient du côté de la Poste : Ce sont les filles de chez Clergeau, armées de leurs drapeaux rouges et noirs qui font leur apparition. Et c'est sous les hourras qu'elles font leur entrée sur la place.

C'est à cet instant que Georges Guihal, conseiller dans la municipalité de Francis Lambourg, gravit les marches du perron et déclare : « Camarades, nous contestons la position prise par notre maire et nous démissionnons. Autres que Georges Guihal, 5 conseillers remettent leurs démissions. Ils ont pour noms Roger Grégoire, René Guillard, Gaston Leport, Fernand Marais et André Perrier.

Voici leur déclaration commune :

Monsieur le Maire,
En total désaccord avec la position que vous avez prise ce matin face à la délégation syndicale et rendue publique par elle, à l'issue de l'entrevue du meeting se tenant place de l'Hôtel de ville, les élus dont les noms suivent se voient dans l'obligation de vous adresser leurs démissions de membres du conseil municipal de La Montagne et vous prient de bien vouloir la transmettre à Monsieur le Préfet de Loire Atlantique. Ces démissions doivent être considérées comme irrévocables à compter de ce jour.


Nous ne pouvons clore ce chapitre sans entendre M. Lambourg s'exprimer sur le sujet.
Je ne crois avoir été particulièrement visé dans cette affaire.

Ce jour-là, comme souvent, j'arrive de bonne heure le matin et ceci pour la raison principale, c'est qu'informé de la manifestation, je ne voulais pas qu'il se produise la même mésaventure que celle arrivée à mon collègue Robichon, le maire de Bouguenais, qui avait vu le drapeau rouge flotter sur le fronton de la mairie. C'est d'ailleurs lui-même qui était allé le décrocher.
Sur la place, il n 'y avait qu 'une camionnette équipée d'une sono qui émettait déjà quelques airs engagés, histoire de créer l'ambiance, sous la baguette experte d'un instituteur public très engagé.
Une nouvelle fois, j'ai donné mes consignes à mon garde-champêtre, un gars de la Cruaudière, afin qu'il veille à ce qu'il n'y ait aucune intrusion.

Vers 9 heures 30, la place était pleine. C'est à ce moment qu'une délégation menée par Maurice Vaillant m'a demandé audience et m'a sollicité pour apporter mon soutien aux grévistes.
J'ai refusé de les soutenir ; ce n'était pas dans mes convictions. Au cours de l'entrevue, le ton a toujours été correct.
Suite à l'annonce de mon refus et à la bronca qui suivit, un conseiller municipal, un chrétien de gauche, Georges Guihal je crois, est venu annoncer à la foule que lui et cinq de ses collègues allaient me remettre leurs démissions.


Bien que les moyens d'information de cette époque ne soient pas comparables à ceux d'aujourd'hui, il ne faut pas trop médiatiser ce type d'évènement. Seule, quel paradoxe ! une télévision britannique, venue immortaliser l'évènement, en a conservé les images.

En 1969, un peu moins d'un an plus tard, afin de pallier les démissions précitées, le décès d'un colistier (Henri Louis), et surtout la démission de Francis Lambourg de sa fonction de maire, des élections partielles sont programmées pour les 2 et 9 février 1969.

Francis Lambourg, pris entre ses activités de patron d'entreprise et ses responsabilités au Conseil Général désire passer le relais. Il profite de ce milieu de mandat pour assurer la continuité au sein de l'équipe municipale et, présente son remplaçant potentiel Pierre Cadeau.(2) A ces élections uninominales, l'ensemble des candidats présentés par Pierre Cadeau sont élus dès le premier tour, et, parmi ceux-ci, nous notons, et c'est une première, la présence d'une femme. Serait-ce dû à l'esprit de mai 68 ?

(2) En 1994, René Guillard, (un des démissionnaires du 24 mai) maire depuis 1977, usera du même principe, en présentant dans les mêmes circonstances Francis Lespinet pour lui succéder.

A l'examen de ces nouveaux conseillers municipaux, sans vouloir porter un jugement de valeur et dans le respect des convictions de chacun, force est de constater que la tendance ne va pas dans le sens de l'orientation qu'avaient laissé entrevoir l'élan populaire généré quelques neuf mois plus tôt.

Il est vrai que, dès la fin du conflit, les élections législatives des 23 et 30 juin, organisées suite à la dissolution de l'Assemblée Nationale par le général De Gaulle, avaient donné le ton.

A Basse-Indre

A.J.J. Garnaud et les Forges de Basse-Indre, le premier signe du conflit qui se prépare dans les instances syndicales, se manifeste par la journée de grève générale du 13 mai ; plus par solidarité que par des revendications particulières. Les changements récents dans les horaires, les conditions de travail et les rémunérations sont les motifs principaux de revendications, surtout à l'atelier d'étamage électrolytique. Le 18 mai un arrêt de deux heures dans chaque tournée, a lieu dans cet atelier et provoque l'arrêt de production du fer blanc.

Le lundi 20 mai, à 6 heures du matin, la grève générale est décidée. Un grand meeting est tenu dans le hall de l'atelier de cisaillage et il est décidé de rejoindre les autres usines en grève par l'occupation de l'établissement. Cela se passe sans heurt ; des piquets de grève sont placés aux accès de l'usine par un comité de grève CGT, FO et CFDT. . Les premières mesures consistent à sécuriser et maintenir l'outil de production en parfait état ; une équipe du service entretien est chargée d'effectuer des vérifications. Joseph Herfray, récemment promu contremaître, se souvient de ces visites qu'il assura les deux premiers jours . « On avait un laissez­ passer du comité de grève pour circuler partout dans l'usine. »

Contrairement à d'autres établissements, seuls les volontaires ont occupé leur usine à tour de rôle. « On rentrait à la maison chaque jour car il n'y avait pas de cantine et on apportait nos casse­croûte » nous précise Michel Ménard.

Le lendemain, une réunion d'information est organisée sur le terre-plein du garage de l'usine. Les tentes s'implantent pour passer les nuits.

Peu de femmes ont fait l'occupation de leur usine. Les filles des bureaux et de l'Atelier des fonds (des boites de conserves) sont rentrées chez elles et ne sont revenues que quand il y a eu la reprise.

La direction peut entrer et sortir de l'usine chaque jour sans difficulté. Très rapidement, au bout d'un jour ou deux, les ouvriers « Sudistes » de Saint-Jean, mais aussi du Pellerin, de la Montagne et de Brains se retrouvent isolés du conflit, car, privés de bacs et d'essence, ils ne peuvent pas rejoindre Basse-Indre. Joseph confirme :
Cela représentait près de 15% de l'effectif de Garnaud Basse-Indre. Pour être tenus au fait des négociations avec la direction, de temps en temps des réunions d'informations étaient organisées dans une salle du café de la Paix à la Montagne. Un délégué venait nous apporter les nouvelles puis on rentrait à la maison, en se demandant quand cela allait finir. Il y eut un refus de la mairie de prêter une salle et, le 24 mai, la première info eut lieu à l'amicale laïque. Les autres seront faites au café de la Paix.

Quelques-uns vont s'informer en passant avec leur bateau ou celui d'un pêcheur.

Michel Ménard, qui habite Rezé à l'époque se souvient que pour occuper le temps il joue aux boules. D'autres militants vont dans les « petites boites » de Saint-Herblain pour tenter d'obtenir de nouvelles adhésions.

Michel rapporte aussi qu'un journaliste américain, venu faire un reportage sur la grève de Basse-Indre, écrit dans l'article destiné à ses lecteurs d'autre-Atlantique « Ils s'entendent tous ensemble même Jérémie Huguet le communiste (CGT) et le catholique Louis Deniau. Cela lui paraît incompréhensible tant les communistes, assimilés à leur ennemi Russe, ont une image négative à cette époque. Souvenons-nous de ces films américains comme James Bond toujours en lutte pour sauver l'Etat face aux redoutables Soviétiques.

Le 27 mai un grand meeting est tenu sur la place du marché en présence de plus de 2000 personnes. Les orateurs, Michaud (FEN), Labarre (CGT), Sallé (CGT-FO) et Morin (CFDT) ont tour à tour stigmatisé la gravité de la situation sociale et affirmé la volonté de tous de poursuivre la lutte. Une résolution est adoptée à l'unanimité et au terme d'un défilé dans la cité, remisé au maire M.Chatelier.

Aux Ateliers des Côteaux

Paul Plantive et Guy Magrangeas étaient employés aux Côteaux ; ils se souviennent :
« Depuis deux ans, des modifications statutaires divisent le personnel. Certains, les anciens, conservent leur statut d'ouvrier d'Etat des services maritimes des Ponts et Chaussées et les plus jeunes, les auxiliaires, se trouvent rattachés au personnel du Port-Autonome depuis 1966. »

Tout se serait bien passé si les conditions avaient été identiques, mais c'est loin d'être le cas. Ces derniers se trouvent assimilés aux conventions collectives et voient l'âge de la retraite passer de 60 à 65 ans. Les quelques primes allouées en plus ne compensent pas la différence.

Paul nous fait revivre ces moments de lutte :
« Lorsque le conflit s'est développé dans la région, le 20 mai, nous recevons des directives de l'état major de notre syndicat CGT pour entreprendre une grève générale avec occupation de l'atelier des Côteaux. La CGT représente 90% des ouvriers ;nous sommes environ 120 sur le site du Pellerin dont 30 personnes dans les bureaux et à la manrise. Le 20 mai, après une assemblée, il est décidé l'occupation de l'établissement. Nos deux syndicats, FO sous la responsabilité de Chapron et la CGT dirigée par son secrétaire René Briand, forment l'entente et un comité de grève. Claude Sachau se charge de mettre une chaÎne munie d'un cadenas pour fermer les grilles de l'entrée. Tous ne sont pas partants, et quelques uns se sont sauvés par le jardin du directeur. Les femmes ont pu renter chez elles. Mais nous, les jeunes ainsi que les anciens qui avaient fait les grèves de 1936, on veut changer les choses.

Nos revendications portent principalement sur :
- Un salaire minimum de 1000 francs par mois. Je n'en gagnais que 800 francs comme ouvrier chaudronnier à raison de 48 heures par semaine et parfois quelques samedis matins quand il fallait réparer en urgence les dragues.
- Une semaine à 45 heures
- L'abrogation des ordonnances sur le ticket modérateur voté en assemblée pour les remboursements de la Sécurité Sociale.
- L'égalité des statuts.
- Les libertés syndicales. Ce n'est pas une occupation pure et dure comme à Sud- Aviation, il y a un piquet de grève à l'entrée les sept jours de la semaine, mais jamais la nuit. On assure des relais à tour de rôle, uniquement des volontaires.
L'ingénieur T.P.E André Sorin, faisant office de directeur, réside dans l'enceinte des Côteaux ;il y a sa maison et son jardin potager ... ainsi que son automobile. Il n'est pas prisonnier puisqu'il peut sortir par le portillon du jardin pour aller dans la commune, mais à pieds ... car la voiture ne peut franchir la grille. On l'appelle entre nous « le seigneur » tant son comportement avec nous a parfois des allures féodales.











Le responsable de F.O., Chapron de Couéron, on ne l'a pas vu beaucoup car il y a la grève des bacs et c'est son suppléant Joël Daufouy qui dirige sa section. L'une des premières missions fut d'assurer la sécurité de l'établissement et de maintenir en état les machines de production.





























Dans l'enceinte des Côteaux, il y a une citerne d'essence presque pleine. Elle a bien servi pour permettre aux délégués d'assister aux réunions à Nantes et participer aux différents meetings. Elle a aussi dépanné quelques grévistes pour des besoins personnels, mais tout est consigné sur un cahier et les heureux bénéficiaires s'engagent à en payer le prix une fois la grève terminée.





















Quelques ouvriers vont à la pêche en Loire, la nuit, avec leur bateau et rapportent des aloses et des couverts que l'on fait griller à la forge. Pour arrondir le repas des piquets de grève, on a bien dû prendre aussi quelques légumes dans le jardin de l'ingénieur ... c'est aussi un peu à nous, car ce n'est pas lui qui remue la terre, mais unjardinier à son service. Sinon on apporte un casse-croûte de la maison. Une petite vedette va de temps en temps chercher les ouvriers du nord-Loire, au Paradis, pour vedette les tenir informés. »

Dans les autres usines de la Basse-Loire

A la Bordelaise

Le mouvement démarre le 20 mai, pour les 160 ouvriers de Haute-Indre. Leurs revendications portent sur un salaire minimum à 720 f mensuel par mois et les mêmes garanties que les cadres pour la maladie et les accidents de travail. Ils demandent aussi que leurs accords société soient alignés sur ceux de l'usine Kuhlmann de Paimboeuf. La reprise aura lieu le 10 juin.

A Tréfimétaux à Couëron

Le mouvement débute aussi le lundi matin du 20 mai, mais les mensuels, inorganisés syndicalement, continuent le travail. Ils seront contraints de stopper leurs activités dans l'après-midi car les ouvriers occupent les locaux.

Le déroulement de la grève sera calqué sur celui des Forges et J.J Carnaud.

Le meeting du 27 mai réunit près de 4000 personnes devant le Foyer Laïque (aujourd'hui disparu). Le maire Cyr. Grave s'associe aux revendications des grévistes. Lors du meeting du début juin , les agriculteurs et étudiants sont venus se joindre à la manifestation place du Champ-de-Mars. La reprise aura aussi lieu le 17 juin, mais avec des résultats à peine supérieurs aux accords de Grenelle, soit deux semaines de grèves payées ainsi que les deux jours fériés de l'Ascension et du lundi de la Pentecôte, sur les quatre semaines perdues.

Une augmentation 0,22 centimes de l'heure en juin et 0,13 centimes en octobre (rien de mirobolant) s'ajoutent comme avantages obtenus. Ceci explique que le vote pour la reprise ait donné 158 pour et 111 contre (sachant que les mensuels n'étaient pas partant dans le conflit).

A Nantes à St Nazaire

A Nantes et Saint-Nazaire les manifestations sont presque journalières entre le 24 et le 12 juin.

Jean-Luc Ricordeau se souvient de ces moments difficiles, surtout le soir du 12 juin :

A Saint-Nazaire nous habitons au 3ème étage d'en immeuble qui borde Marceau. La sous-préfecture se trouce au bout de cette place. C'est le lieu d'affrontement entre les CRS et les manifestants. Régulièrement, vers 18 heures le cortège venant de la gare, par l'avenue de la République, arrive devant nos fenêtres. En tête du cortège, au départ du défilé, ce sont les femmes avec leurs enfants dans les landaus. Mais dès que l'on arrive près de la place, elles s'éclipsent et ce sont des manifestants moins pacifiques qui les remplacent. En tenu de combat, casque de la dernière guerre sur la tête, foulard sur le bas du visage, fronde autour du coup, boulons dans un petit sac en bandoulière et dans les poches. Barres de fer à la main, ils s'approchent résolus vers les gardes mobiles qui bloquent l'accès à la sous­préfecture.

Après les insultes, commence l'affrontement. Ils sont plusieurs centaines à s'affronter. Pour se protéger des charges des CRS, les voitures stationnées sur le parking, servent de bouclier. Plusieurs vont ainsi brûler. Du haut des balcons d'immeubles volent les injures du Type CRS-SS et les projectiles pleuvent sur les forces de l'ordre.

De notre fenêtre, nous assistons à ce spectacle désolant, inquiets pour notre véhicule, le premier jour surtout. Notre Aronde n'est plus très jeune, mais nos moyens sont modestes (encore ce sacré service militaire) et elle nous est très utile. Tout de suite, les CRS nous ordonnent de fermer nos fenêtres, car ils vont balancer des grenades dans les appartements qui resteront ouverts. D'un seul coup, toutes les fenêtres sont closes.

Pendant près de quatre longues heures, nous allons entendre les cris, les sirènes d'ambulance et l'éclatement des grenades. Puis vers une heure du matin le calme revient progressivement. Je me risque alors à une sortie pour voir si ma voiture est encore intacte et j'ai à peine entrouvert la porte d'entrée de l'immeuble, qu'une crosse de fusil, m'arrive violemment près du visage. Je n'ai que le temps de remonter quatre à quatre les marches de l'escalier, poursuivi par un CRS, et d'entrer, tout blême dans l'appartement. Je ne saurai que le lendemain matin que mon Aronde a survécu au carnage.

J'apprendrai aussi que le vicaire de Donges s'était fait exploser la main en voulant relancer une grenade lacrymogène sur les forces de l'ordre. On notera aussi de nombreux blessés dans les deux camps. Des arrestations, avec passages à tabac ont lieu pendant les jours suivants.

Inutile de vous dire que lors des manifestations suivantes, je garais ma voiture dans un autre endroit et 3 mois après nous déménagions pour un lieu plus paisible.
Depuis plusieurs jours j'avais moi aussi rejoint par solidarité ceux qui occupaient mon usine, bien que je ne saisissais toujours pas, à l 'époque, tout ce qui se passait dans ce pays qui partait à la dérive.

Dans le monde agricole

Les agriculteurs, voient dans cette lutte, l'occasion de défendre leurs intérêts, menacés par les groupes alimentaires qui les exploitent et décident de manifester à leur tour.

Cependant à St-Jean aucun d'eux ne participe activement au conflit. Il est vrai que s'ils sont encore nombreux sur notre commune à cette époque (voir tableau) ils ne gèrent pas de grandes exploitations et ne se sentent pas concernés par l'ampleur du mouvement.

Le monde agricole dans son ensemble sera partie prenante et participera aux mouvements dans les grandes manifestations nantaises ; ils concrétiseront également leur solidarité à la lutte en proposant à petits prix les produits de leurs exploitations. Ce sera notamment le cas à La Montagne, le mercredi 30 mai, lors du marché hebdomadaire.

Chez les commerçants etprofessions libérales

Conflit ou pas il faut se nourrir, il faut continuer à vivre. Et ce n'est pas le moindre souci des commerçants et des élus locaux.

Avouons-le tout le monde n'est pas en grève ; Et c'est heureux ! Le secteur alimentaire se doit de répondre aux besoins nutritionnels de la population. Ce n'est pas là le moindre paradoxe.

Une partie des commerçants n'est pas indifférente à cette mouvance. Ils sont présents parmi les quelque 40000 personnes qui manifestent le 24 mai à Nantes. Voici pour preuve quelques extraits du communiqué publié par voie de presse, de l'Union Professionnelle des Commerçants de Marchés de Loire Atlantique : A l'occasion de la journée de protestation du 24 mai par la FNSEA et le MODEF, les organisations professionnelles des commerçants de marchés par solidarité avec les petits agriculteurs et conjointement avec les salariés et les étudiants, avaient demandé à leurs ressortissants de participer à cette action sur la base de leurs revendications propres à la profession.

Cet appel a été suivi par la quasi-totalité des commerçants de marchés, lesquels malgré leurs mécontentements, aussi profonds que celui des travailleurs des villes et des campagnes, tiennent à s'excuser auprès de leur clientèle et à l'informer de leur ferme intention de continuer à assurer le ravitaillement de la population ...


En ce domaine, en plus de continuer à travailler , certains sont même astreints aux heures supplémentaires sans pour autant en tirer les bénéfices. Alain Ordrenneau raconte :
Mon frère Lionel était à cette époque en dernière année d'apprentissage chez un patron boulanger de Trentemoult. Celui-ci fournissait le pain à la cantine de Château­Bougon.

Par le fait de l'occupation des locaux, celle-ci subit une nette augmentation des bouches à nourrir. C'est ainsi que Lionel dut, chaque jour de conflit, pétrir et passer au four 2 à 3 fournées supplémentaires.


La fermeture des raffineries a pour effet de mettre les pompes à sec. Comment dans ce contexte assurer l'approvisionnement ?

Les administrations sont closes . Comment se procurer l'argent nécessaire au Quotidien ?

Des comités de salut public sont créés un peu partout dans les communes pour venir en aide aux plus démunis.

Nous déploierons plus largement ces problèmes de l'approvisionnement des denrées dans les chapitres lorsque nous traiterons de leur gestion par les maires respectifs ; les deux choses étant intimement liées dans leur finalité.

Dans le monde de l'éducation

Le monde étudiant

A cet âge, tout est permis, tout devient possible. Le contraire serait dommageable !

Les étudiants voient, dans cette immense expression de la Nation, dont ils peuvent revendiquer en toute impartialité, pour une large part, la pérennité, une occasion de prendre le pouvoir et transformer la société.

D'ailleurs, à Sud-Aviation, la délégation étudiante venue, le soir du 15 mai, proposer ses offres de service, bien qu'ayant le soutien d'Hébert, est accueillie avec réticence et n'obtient pas l'effet souhaité. Le slogan affirmant « Nous ne voulons pas être les cadres qui vous opprimenront demain » n'a pas convainci des hommes qui jusqu'àlors ont vécu une tatuelle plutôt mal acceptée.

Le mouvement étudiant dépasse très largement le cadre de notre région, nous ne nous attarderons donc plus pas nécessaire qu'il ne faut. Rappelons simplement l'anecdote que nous relate Raymond Briant :
« Nous avions décidé de participer de Nantes et nous nous étions organisés organisés pour encadrer nos troupes et ainsi éviter les débordements

A cette époque, l'établissement permettrait à certains de nos resortissants de suivre des cours de promotion verbale à Livet. De ce fait, il s'était créé des liens entre ces derniers et ceux du lycée.

Au défilé, je cois l'un d'eux, syndiqué chez nous, arriver avec un manche de pioche, un casque de moto et un drapeau rouge. Il ne fut pas possible de le raisonner. Un peu plus tard nous l'avons aperçu sans casque et sans manche de pioche, courant se réfugier dans les escaliers d'immeubles autour de la préfecture
».

Un peu plus tard, le mouvement a voulu s'en prendre à la prison Lafayette pour libérer leurs libérer leurs collégues qui avaient eu le malheur de faire. Lors de cette manifestation, de nombreuses vitrines eurent à en souffrir. Ce fut notamment le cas de celles de celles des magasins Decré.

Il faur reconnaître, dans des manifestations d'une ampleur, il est presque impossible d'éviter les actions d'élémenter incontrôler voire provocateurs

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