Histoire de Saint Jean de Boiseau

Le domaine du prieuré à Saint-Jean-de-Bouguenais



Comme l'indique la bulle du Pape ci-dessus l'église de Saint-Jean et ses biens dépendent de l'abbaye de Geneston, mais au vu des événements suivants, parmi le patrimoine religion de la paroisse, il semble que le prieuré et ses possessions en soient exclus?

En effet, les actes et aveux de la fin XVème et jusqu'à la révolution, confirme la propriété du domaine du prieuré y compris la cure à l'évêché de Nantes contrairement aux bâtiments de l'église et du siège du conseil de la Fabrique, appartenant à l'abbaye de Geneston.

Ainsi nous voyons tous les trois ou quatre ans un contrat de fermage passé entre le trésorier de l'évêché et le recteur en exercice de la paroisse de Saint-Jean-de-Bouguenais. Ce document stipule en particulier le partage, à hauteur de 50 %, des produits et dîmes de ce domaine avec une close pour l'entretien des bâtiments, outils et terres cités dans le contrat. Ces frais de réparation sont partagés à hauteur des 2/3 par la paroisse et 1/3 par l'évêché.

16 août 1618

Jean Raigereau recteur prieur de Saint-jean-de-Bouguenais et Billet de la Landelle trésorier de la cathédrale de Nantes ont décidé de regrouper les récoltes de la dîme au presbytère de Saint-Jean et de se le partager ensuite lors d'une inspection pour moitié moitié. En outre il est stipulé que pour les réparations des granges et pressoirs les 2/3 seront à la charge du prieur de Saint-Jean et le trésorier de Nantes pour 1/3.

Tout ira bien jusqu'en 1688, mais les bâtiments se dégradent avec le temps et un grave conflit va opposer le recteur de Saint-Jean Le Sénéchal et l'évêché.

Le domaine comprend de nombreuses vignes, terres labourables plantés en céréales, lin et quelques pâtures. L'exploitation de ce domaine agricole est sous loué par bail devant notaire à des particuliers sous la responsabilité des marguilliers de la paroisse, garant devant l'évêché, sur leurs propres deniers du respect du contrat avec le trésorier de l'évêché. Il va s'en dire que ces marguilliers sont désignés parmi les plus fortunés des paroissiens et qu'ils sont très vigilants sur le respect des baux passés avec les exploitants du domaine. .

Chaque année le partage en dîmes sur le Prieuré de Saint-Jean-de-Bouguenais vin et grains, froment, seigle, avoine, orge, millet, bled noir, lin... se fait en présence de deux délégués de l'évêché dans la cour du prieuré de Saint-Jean.

Le 5 janvier 1641, par devant notre cour royale de Nantes et juridiction devant noble et discret messire Léon de Mazoyer, trésorier de l'église et cathédrale de Nantes demeurant paroisse Saint Laurent, lequel a baillé affermé avec promesse de garantage pour le temps de 4 ans à compter de noêl, à messire François Esline et Etienne Corgnet(2) demeurant au bourg de Saint Jean de Bouguenais, à savoir la moitié des dimes et seulement en la dite paroisse appartenant à qui ce droit en qualité de trésorier en la dite paroisse qu'on valablement sans visitation que le dit preneur a dit bien connaÎtre pour y avoir joui et jouir encore après soumission sieur bailleur à la charge d'en jouir en bon et mis en état sans rien réclamer ensuite de la dite ferme faite par le dit preneur. Il en paiera les frais de remouvance pour la somme de 360 livres payables par demi-année au terme de la Saint-Jean-Baptiste et noêl Une moitié chaque fois.

(2) Esline et Corgnet étaient les vicaires de la paroisse dont le curé était Marin Chevreul

Le paiement qu'ils feront viendra en déduction sur le prix de la dite ferme. Avec hypothèque sur leurs biens, meubles et immeubles. Prix de l'acte 1 pistole.

Et le moulin de la poterie dans tout cela ?
Le moulin de la Poterie existe déjà en 1618, c'est un moulin carré en bois monté sur un fût faiblement conique en pierres avec son cerne. Il est de petite taille comparé à ceux retrouvés au Pé ou au Surchaud. Sa construction peu se situer entre la fin XIVème et le milieu XVème. Nous n'avons hélas, pas retrouvé le nom des fariniers. Ils ne devaient y travailler qu'une partie de l'année pour la mouture car il y avait au moins une dizaine de moulins, à cette époque, sur Saint-Jean­de-Bouguenais et les habitants du bourg étaient tenus prioritairement de faire moudre au moulin banal du Pé, en vertu de ses droits féodaux accordés à la noblesse

Acte du 22 septembre 1687

Ferme avec le trésorier de la cathédrale de Nantes et François Le Sénéchal chanoine régulier de l'ordre de Saint-Augustin, prieur recteur de la paroisse de Saint-Jean-de-Boiseau demeurant au presbytère et off ermé pour 3 ans à Pierre Buaud, Davy, tous deux du village de Roche ballue, François Mocquard et Jean Lebeveux marchand tous deux au bourg St Jean.

La ferme porte sur les biens du prieuré et de la cure de Saint-Jean, les dimes lui appartenant à savoir le clos de la cure qui ne doivent pas de dimes au dit trésorier :
La vigne de Bethléem, la vieille vigne de la Poterie que faisait le précédent prieur à sa main ( Il s'agit de Jan Peillac}, le débuoire de lin qui est sur la Grande et Jeune Poterie, le débuoire de lin qui lui est sur un canton de vigne appelé la Noé Nouveau, un journal de pré situé en la vallée de Bouguenais, le moulin carré proche le Landas dépendant du dit prieuré, toutes les récoltes du lin, leur garantir les dîmes de bled, seigle, froment, méteil et vin rouge sur la moitié de ce qui est fond plus tous les jouisseurs et payer anciennement au même mesures de grains que le dit bailleur afferme aux preneurs sans que monsieur le trésorier ne puisse en prendre aucune dime. Sur ce qui est mentionné ci-dessus.

En 1687, le moulin est donc en bon état. Peu avant la révolution, il semble abandonné ou tout au moins manqué d'entretien, à moins que ce ne soit les événements révolutionnaires qui vont précipiter son déclin.







La vente du moulin
Le nouveau contexte social

A la veille de la révolution le clergé de Saint Jean ne se compose plus que du recteur et de son vicaire et ils vivent modestement parmi leurs ouailles.

L'année 1785 est une année noire pour l'agriculture et les herbagers. Une sécheresse extraordinaire a réduit à néant les récoltes de blé noir et de foin. Il n'y a pratiquement pas eu de pluie du mois de février au mois d'août. Le bétail, par manque de nourriture, crève ou est vendu au 1/5 de sa valeur dans des boucheries de fortune installées dans les villages. Heureusement, pour Saint-Jean, le roseau, qui pousse au bord de la rivière, procure une ressource financière. Cela permet d' éviter la misère que connaîtront les agglomérations environnantes.

L'arrivée d'un nouveau prieur, en janvier 1986, est toujours un événement dans nos bourgades de campagne. Il vient comme ses prédécesseurs de l'abbaye de Geneston. Il y a passé plusieurs années en tant que moine puis il a souhaité exercer son sacerdoce hors de la communauté. Il se nomme André Danghin, est

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Quelques mois après sa prise de fonction comme vicaire, il reçoit sa nomination de recteur de Saint-Jean-de-Bouguenais. Il y tient les registres paroissiaux. Ces derniers lui servent aussi de petite gazette sur la vie de la cité. On peut ainsi lire sous sa plume qu'une nouvelle catastrophe climatique survient après celles de 1785 et 1787.

" Année 1788, le froid débute le 15 octobre et devient très rude à partir du 21 novembre. Pendant huit semaines la neige recouvre la terre, le dégel ne vint que le 12 janvier et en février les glaces fondirent." Les mois qui suivent sont difficiles à vivre, les récoltes sont peu abondantes, sauf pour le vin, comme le démontre la comparaison des déclarations des revenus de la cure en 1788 et 1789 :
Année 1788
- 2 tonneaux 4 Septiers de froment
- 5 Septiers de fèves
- 126 barriques de vin
Année 1789
- 3 tonneaux 6 septiers de froment
- 3 tonneaux de fèves
- 60 barriques de vin
Cette pénurie de céréales et de légumes provoque une hausse importante des prix ( 50% sur le blé et 100% sur le seigle) alors que les salaires sont faibles et les impôts de plus en plus lourds.

Les revenus moyens, à l'exemple de celui du recteur, sont réduits de 25 %: 2.824 livres en 1788 contre 3.750 les années précédentes.

La situation économique conduit à réunir les États de Bretagne à Rennes le 29 décembre. Le Tiers, constitué de la bourgeoisie d'affaire, réclame un député par 10 000 habitants et un nombre de députés égal dans les trois ordres ainsi que le vote par tête. Le refus de la noblesse va provoquer une émeute organisée par les étudiants et réformistes nantais montés en nombre au siège du parlement. La lutte qui oppose les jeunes gens des partis adverses fait quelques victimes dans leurs rangs.

Elle annonce les sombres événements à venir.
La révolution est en marche. Le curé Danghin suit de très près les événements parisiens, grâce aux renseignements recueillis auprès des ouvriers de la forerie royale d'Indret.

Le 4 Aout 1789, l'assemblée vote l'abolition des privilèges, et le 26 est publiée la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Le jeune Danghin adhère à ces idées nouvelles pour une meilleure justice entre les hommes. La grande majorité des religieux issues des abbayes vont l'imiter tant le haut clergé vit dans l'opulence au détriment du bas clergé.

Les prélèvements de fermage sur la paroisse par l'évêché de Nantes le révolte. La cure est très délabrée. Les murs de clôture de l'enceinte sont détruits en plusieurs endroits, la toiture de la grange et du pressoir prennent l'eau...et le curé n'a pas les moyens financiers pour faire les réparations qui s'imposent. Le moulin de la Poterie n'est sans doute pas sa priorité....

Danghin ne peut être maire en vertu des lois de la république puisqu'il a la fonction de curé, mais il fait partie du conseil municipal et dirige les débats. Il tient entre autres les registres des délibérations ainsi que ceux de l'état civil (ce qui était rarement admis). Il bénéficie pour cela d'une tolérance du receveur des douanes Allaire qui lors d'une inspection écrit dans son rapport :
" La tenue des registres d'état civil des communes du canton défend au curé de remplir les fonctions de greffier public, mais le curé Danghin étant à la fois notable et officier municipal, j'approuve le bon choix que l'on a fait de Danghin pour ces fonctions. " L'attachement de Danghin aux idées de la révolution va le voir suivre les réformes imposées à la religion chrétienne sans restriction et avec zèle. L'Eglise, par ses richesses et son influence sur les populations, est un obstacle aux idées de progrès social. Aussi, les révolutionnaires décident ils, sous l'influence de Talleyrand ancien évêque d'Autun, de proclamer la liberté du culte et de confisquer les biens du clergé.

L'impôt de la dîme est aussi supprimé. La constituante s'engage en contre partie à rémunérer les religieux.

Pour financer les salaires alloués il est décidé de vendre les biens du clergé confisqués comme bien national.

Le 14 mai une vente publique est décidée par le curé de Saint-Jean pour liquider les biens dont il jouit. Elle aura lieu six mois plus tard.

Le 25 novembre 1791 la vente est ordonnée par le procureur syndic général du district à Paimboeuf : par devant nous administrateurs du district de Paimboeuf au lieu ordinaire de nos séances. En l'absence de M.M les membres du conseil de la municipalité de Saint-Jean-de-Boiseau qui ne se sont pas présentés quoi que avertis par nous et attendu plus d'une heure.

Tous les membres du conseil, souvent d'anciens marguillers ne sont pas d'accord avec ce dépeçage des biens qu'ils avaient à charge de gérer depuis des générations. Mais la loi est contre eux et Danghin leur curé aussi. Cela explique probablement leur absence à la convocation. Plusieurs d'entre eux, comme Thabard le meunier de la Télindière, donneront leur démission et en 1793 prendront le parti des rebelles.

M. le Procureur syndic, au nom et comme délégué du procureur général syndic du département de la Loire-Inférieure, a dit qu'en vertu de l'arrêt du directoire du district de cette ville du 25 novembre dernier qui à ce jour et heure à la réception des dernières enchères dont les premières ont été faites par adjudication définitive de tous les domaines aliénables de la cure consistants en plusieurs clos de vignes, prés et terres labourables et situés en la paroisse de Saint Jean de Boiseau ainsi qu'en jouissait le sieur Denghein recteur les années précédentes, à la somme de 8750 livres. Personne ne s'étant présenté pour couvrir la dite offre, le Directoire a arrêté et renvoyer l'adjudication définitive à quinzaine.

En conséquence il a fait procéder et afficher tant en cette ville qu'à Saint-Jean-de-Boiseau, Le Pellerin, Cheix, Rouans et autres municipalités du ressort du district pour annoncer qu'à ce jour, lieu et heure, il serait procédé à l'adjudication définitive du domaine ce pourquoi le procureur syndic requiert que lecture soit faite de l'affiche qu'il a déposé sur le bureau et qu'il fut procédé de suite à la réception aux dernières enchères au-dessus de la somme de 8750 livre. Personne n'ayant voulu surenchérir, nous avons arrêté que les feux seraient allumés.

Il s'agit d'une vente dite à la chandelle au plus offrant . Quelques riches boiséens comme Lebreton, Chesneau, Fonteneau, Joyau et Mocquard mais surtout des bourgeois nantais comme Jarno, Grouas, Cabaran, Gabon et Brissault sont présents pour cette braderie des biens de la paroisse. Ces derniers sont de riches commerçants, bouchers ou négociants qui flairent les bonnes occasions de s'enrichir et se partager le butin des biens nationaux.

En final, après plusieurs surenchères, à l'expiration de la 6ème chandelle Brissault l'emporte. Le 7ème feu n'ayant pas eu de surenchère. Le bien revient à la charge de l'acquéreur acte prouvant le passage comme bon lui semblera la dite adjudication au prix de 20 300 francs au sieur Brissault à servir dans la quinzaine en douze termes égaux avec 5% et quitter de toutes redevances seigneuriales et féodales.. Ce Brissault est un riche marchand de draps à Nantes. C'est ainsi que le moulin de la Poterie compris dans le domaine passe entre les mains de ce commerçant et qu'il ne sera plus utilisé.