La batellerie et les toues |
«Les habitants de la Télindière, Rocheballue et Boiseau ( 3 villages de notre commune ) sont encore les voituriers sur eau de tout le pays, quand on a besoin d'un bateau, c'est là qu'on le trouve » |
Véritables ballons d'oxygène pour l'économie locale, les toues permirent :
Véritable "camion fluvial", elle fut très en vogue aux XVIII° et XIX° siècle. Notre commune, en bord de Loire, devait immanquablement profiter des bienfaits de cette "bonne à tout faire". Longue d'une douzaine de mètres, pour plus de trois mètres de large, elle pouvait charger jusqu'à 25 personnes. Les toues étaient aussi utilisées pour transporter des animaux domestiques sur les îles ainsi que des végétaux. Parfois, elles étaient couplées pour augmenter le chargement de foin ou de roseau.
Les impératifs de navigation
obligeaient à charger à marée basse pour accéder aux cales de débarquement avec une dénivellation minimale entre la toue et le quai. La toue était maintenue "bout" à la berge, le grappin avant fixé à terre et celui de l'arrière mouillé au large. On jouait sur les chaînes pour avancer ou reculer de la rive suivant la marée.
Pour le transport des passagers
une circulaire de 1810 précise que les mariniers devaient « être âgés de 21 ans minimum et 55 ans maximum. Ils doivent être vigoureux, de bonne vie et moeurs et bien au fait de la navigation ».
Les veaux, génisses et vaches
ne posaient pas trop de problèmes ; on les tirait, on les poussait, on leur donnait des coups de bâton ; il fallait bien qu'ils embarquent dans la toue. Le débarquement était généralement plus facile, les animaux ayant hâte de retrouver la terre ferme. Alignés tête-bêche en travers du bateau, les bêtes étaient attachées par les cornes , avec la corde passée dans les trous entre courbes et bordé pour laisser libre le passage sur le plat-bord.
Pour le cheval
cette « noble conquête de l'homme », même avec des oeillères et une poignée d'herbe devant le nez pour distraire son attention, c'était toujours un exploit de le faire franchir le dénivellé. A bord, les chevaux, d'ailleurs peu nombreux gardaient la tête haute, la corde de leur licol attachée aux anneaux de la serre.
Le matériel agricole
essentiellement une faucheuse au début du siècle, ne posait pas de problème. Pour entrer ou sortir les machines, on établissait des passerelles solides avec "bancs", "planche", "pont" et madriers.
Le foin
était embarqué en cosses portées à deux à l'aide d'une paire de vantières, le plus costaud devant, le dos dans le foin, le gringalet derrière, à un bon mètre de la cosse pour lui permettre de voir où il mettait les pieds.
Pour transporter la végétation, on couplait deux toues
à environ 60 cm l'une de l'autre au maître-couple. Après avoir lacé un cordage dans les anneaux des serres, normalement prévus pour les animaux, on les amarrait avec une des chaînes, à l'avant sur les jambettes, et à l'arrière sur les taquets pour qu'elles ne s'écartent pas.
Avec vent et courant favorables, un seul homme à la godille pouvait diriger une toue à vide.
Au-delà, on avait toujours une godille plus un, souvent deux et parfois trois nageurs à l'avant
. Un rameur était assis sur le faux-tillac, l'autre sur le petit banc, avec obligation de ramer
en cadence, les avirons se chevauchant. Le rameur supplémentaire éventuel se trouvait sur le
banc le plus en arrière du tillac.
En cas de flux contraire, on longeait la terre au plus près, là où le courant est moins
fort et côté berge on poussait à l'aide d'une perche. A l'extrême, pour se sortir d'un mauvais
pas, on pouvait haler la toue avec l'aussière.
Pour naviguer à la voile, il fallait que le trajet vaille la peine de monter et démonter
mâture et gréement ... et que le vent soit favorable.
Lorsqu'une toue chargée de foin ou de roux offrant prise au vent était en difficulté, les remorqueurs des Ponts et Chaussées, alors nombreux sur le fleuve, lui devaient "aide et assistance". En remerciement, le bateau défaillant offrait, dans une touque de vin, une tournée générale à l'équipage du remorqueur. Comme il n'y avait pas de verre, chacun buvait à sa mesure, qui était parfois grande quand il faisait chaud.