Histoire de Saint Jean de Boiseau

Les atterrissements (1/3)



Préambule :

Combien de boiséens lorsqu'ils se promènent sur les nou­veaux sentiers aux pieds des côteaux qui bordaient l'ancien lit de la Loire ont eu la curiosité de s'aventurer sur ces prés gagnés sur le fleuve ? Pourtant cette promenade au milieu des roseaux nous permet de découvrir bien des paysages insoupçonnés. Les atterrisse­ments ont permis l'apparition de bois où l'on peut trouver peupliers, saules, frê­nes, aulnes etc. Toute une vie vé­gétale y foisonne désormais, là où, quelques siècles auparavant, de hardis et redoutables navigateurs vikings vinrent, à force de rames, remonter le fleuve pour semer la terreur dans la région. Cette trans­formation radicale du paysage a pu être effectuée grâce au travail de nos ancêtres. Mais que de sueur, que de jalousies, que de combats rudes mais aussi parfois que de luttes intestines qui ne trouvaient leur solution que devant la justice. Nous vous proposons de vous narrer quelques faits relatifs à cette longue conquête sur le fleuve ligérien que dut mener la population boiséenne.

Ce rappel vous sera présenté sur trois pages :

- La première vous con­tera l'origine des atterrissements, à la suite d'un décret signé par Louis XV comment cette nouvelle ex­ploita­tion fut rendue possible et à partir de quels concepts la notion de rentabilité de ces terres permit les grands travaux qui devaient modifier complètement l'aspect du fleuve.

- La seconde vous montre­ra comment quelques hobereaux locaux - de Martel et d'Aux - fort opportunistes purent s'enrichir très rapide­ment grâce à ces nouveaux terrains.

- La troisième, vous apprendra après quelles péripéties les accroîts de Boiseau et la route de la cale en bas de cette localité purent être aménagés. Il au­ra, en effet, fallu que tribunaux de première ins­tance de Paimboeuf, Cour d'appel de Rennes et Cour de cassation de Paris et de Caen se prononcent sur cette affaire qui dé­fraya la chroni­que locale de 1839 à 1864 soit pen­dant un quart de siè­cle. Et n'oubliez pas que lors du partage des biens indivis entre St Jean de Boiseau et La Montagne, au siècle dernier, ces accroîts furent l'objet d'une lutte particulièrement âpre pour savoir comment les partager.

Déjà à la Récolution :

L'importance du fleuve et ses retombées économiques locales sont solidement ancrées dans l'esprit de nos aïeux, elles datent de fort long­temps, et justifient même qu'elles fassent l'objet d'un des 16 articles adressés au roi lors de l'établissement du cahier de doléan­ces boiséennes en 1789 : « Demander ex­pressément que le port ou pour mieux dire la rivière, à l'endroit où se font les exportations ou importations des denrées de la paroisse, soit rendu libre et navigable en tous temps. Sous prétexte de faire des accroissements en faveur de la ville de Nantes qui n'en peut posséder comme gens de main morte, on a jeté et on jette continuellement des tas de pierres considérables qui bouchent le cours de la rivière et causent un préjudice considérable paroisse. Plusieurs bateaux s'y sont perdus et plusieurs personnes ont couru les risques d'y perdre la vie. Pourquoi l'on demande que les pieux et les pierres soient ôtés aux frais et dépens des afféagistes qui les ont fait mettre, et qu'on coupe, ou la digue du côté du Fresne, ou la queue de l'île Indret en-dessous du crucifix de la longueur de quarante brasses, avec le droit d'y pêcher librement ». C'est pourquoi pieux et pierres dans le lit du fleuve ? Pour­quoi construire des digues s'il faut ensuite les couper ? Qu'a donc à voir la ville de Nantes dans cette affaire? Autant de questions que nous allons ensemble essayer d'éclaircir.

Plusieurs tentatives de modifier le cours du fleuve ...


Le 15 octobre 1762, MAGIN, Ingénieur de la marine qui sera beaucoup cité au cours de ce récit écrivait dans un mémoire assez important ces propos : « Depuis plus de 20 ans, la navigation de la Loire dépérissoit journellement, la rivière se combloit de toutes parts ; le commerce de Nantes en étoit alarmé et n'étoit occupé en 1754 que de conserver au moins les restes de sa naviga­tion.

Mr de CAUX Ingénieur du Roy fut envoyé par Mr le comte de MAUREPAS en 1746 pour sonder cette rivière et dresser le projet de son rétablissement.

Le mal étoit si grand qu'il demanda huit millions sans assu­rer de succès ; d'autres ingénieurs furent consultés et celuy qui de­manda le moins se contentoit d'une levée de deniers de 334 000 livres par an pendant trente années à prendre sur les atterrissements qu'il comptoit faire et sur un droit que lui auroient payé tous les bâtiments tant étrangers que nationnaux
».

... autant de voeux pieux qui ne purent voir le jour

Pourquoi des atterrissements :

Chacun sait que le fleuve li­gérien eut toujours la fâcheuse ten­dance de se voir encombré par les vases et les sables. Ce phénomène ne date pas d'aujourd'hui, la pla­quette sur la batellerie que nous avons édi­tée vous montre page 71 qu'il est régulier - du moins avant l'appari­tion de l'époque fortement indus­trialisée - et au minimum bi­millénaire. Pour­tant au début du XVIII° siècle, il semblerait que le processus se soit accéléré. Que s'est-il donc passé à cette époque ? Un mémoire daté de 1719 nous apprend que « Le lit de la Loire se comble de sables de manière qu'actuellement et pendant tout l'été, la navigation est presque impraticable à Nantes et il est d'une nécessité indispensable de rétablir cette navigation qui in­téresse le commerce non seulement de cette ville mais de tout le royaume ». D'entrée de jeu, ce document interpelle le lecteur pour lui dire que s'il est exact qu'il y a plus de sables et moins de profondeur d'eau qu' autrefois, il ne faut pas confondre cause et conséquence. L'origine du mal ne serait pas à re­chercher en amont mais bien au contraire en aval. En effet du côté de Paimboeuf le lit du fleuve est encombré d'épaves. Celles-ci ont constitué un obstacle au libre écoulement des eaux vers l'océan et ont formé des bancs qui se sont très vite multipliés et sont rapidement devenus dans bien des cas contigus les uns aux autres. Leur prolifération a inéluctablement amené leur remontée vers Nantes avec tous les inconvénients inhérents à cette situation. « Le mal n'est devenu considérable qu'en 1705, que le houra­gan du 30 décembre fit perdre plusieurs navi­res que l'on négligea de retirer ; et depuis le chenal devenant tous les jours plus difficile il s'en perd journellement qui augmentent infiniment ce mal auquel il est d'autant plus essentiel de remédier promptement ». Ainsi un relevé effectué quelques années plus tard montrera que 22 épaves sont parfaitement répertoriées et ont provoqué ... 22 bancs de sable qui n'existaient pas auparavant. Le mal était bien fait et les regrets ne pouvaient rien changer à la chose : « On peut assurer que l'indulgence que l'on a eu pour les propriétaires des bâtiments qui se sont perdus en ne les obligeant pas de les relever a été une négligence meur­trière et la cause de tout le mal ».

Après avoir constaté qu' « il est notoire que cydevant, lorsqu'un été fort sec et une disette d'eau ayant rallenti le cours de la rivière, avoit laissé former quel­ques bancs de sable, ils étoient emportés l'hyver suivant par l'abondance des eaux et la rapidité de leur cours. On était de tous tems accoutumé de voir pendant les basses eaux s'assembler des sables que les crües emportoient », ce même mémoire en conclut que la première urgence consiste à nettoyer le lit du fleuve de toutes ces carcasses de navires avant de procéder à toute évacuation naturelle des encombrements du lit par un resserrement du canal principal du fleuve. Déjà quelques esprits pratiques avaient commencé à étudier la question car « On envoya sur les lieux un homme entendu de ces sortes d'ouvrages qui avoit examiné ceux que les hollandois savent si bien mettre en usage dans leur païs ».

L'entreprise était viable tant sur le plan technique qu'économique. Ce dernier point n'était pas en effet négligeable. Les dépenses à engager pour un tel effort étaient considérables mais « on trouveroit les moyens d'en diminuer la dépense par les espaces considérables de terreins qui resteroient à cultiver après qu'on auroit affermé le lit de la rivière.
L'idée de cette entreprise mé­riteroit d'être approfondie
». Le concept d'atterrissement viable économiquement était né mais ne devait pas trouver de suite immé­diate, du moins pour notre région.

Au milieu du XVIII° siècle, l'affaire se précise :

Au milieu du siècle, la situation s'est suffisamment aggravée pour que GELLEE de PREMION, nommés subdélégue de l'Intendant de Bretagne, écrive dans un mémoire non daté :« Il n'y a pas 80 ans qu'on a vu construire sous nos murs des vaisseaux de 50 canons, ils pouvoient descendre avec leur charge jusqu'à la mer en toutes saisons ; à peine aujourd'huy les plus petits bateaux pêcheurs peuvent-ils faire librement la même route pendant quatre à cinq mois de l'année ». En 1754, on note que : « il ne reste plus de basse mer dans le chenal et sur la barre qui est à l'entrée que 8 à 9 pieds d'eau, il s'y en trouvoit 14 à 15 il y a 20 ans ». Devant cette situation particulièrement préoccupante, les responsables nantais s'adressèrent le 23 septembre 1755 au roi de France et à son Conseil : « ils prennent la liberté de lui représenter avec confiance que leur port dépérit de plus en plus par le dépôt des terres et sables qui en ont élevé le fond depuis que le cours des eaux de la Loire s'est jetté du costé de Pirmil, ce qui rend leur port inaccessible aux bâtiments qui y entroient autrefois et met les requérants dans la nécessité de faire conduire leurs marchandises par batteaux jusqu'au port de Paimboeuf à l'embouchure de la Loire ou cez bâtiments sont obligées de moüïller à neuf lieues de la ville de Nantes, que ce mal qui existe depuis longtems s'accroit tous les jours et semble menacer le com­merce de cette ville d'une ruine si on n'y apporte pas des remèdes prompts et efficaces ». Parmi les projets antérieurs qui avaient été élaborés, l'un d'entre eux avait permis d'attribuer 40 000 livres en 1740 à la communauté nantaise pour réaliser des travaux imaginés par un ingénieur de la marine : ABEILLE. Seules 4180 livres avaient été dépensées, mais « dans la suite l'inutilité ayant été recon­nue les dits ouvrages ne furent point exécutez ».

En 1753, le duc d'AIGUILLON était venu «  prendre possession dans la ville de Nantes du comté Nantois que Sa Majesté venoit de luy accorder ainsy que le commandement en chef de toute la province ».

Nos édiles régionaux su­rent convaincre ce haut représen­tant royal et celui-ci « touché des repré­sentations qui luy furent faites ... et toujours empressé à favoriser tout ce qui peut contribüer à l'avantage de l'Etat et du bien du Public appela auprès de luy le sieur MAGIN ingénieur de la marine avec lequel il parcouru la navigation de ce fleuve ; qu'on reconnu bien tos que les inconvénients qui se rencontrent dans la navigation de cette rivière, quoyque considérables n'étoient pas sans ressource ; que le sieur MAGIN conclu l'espérance d'y aporter remède en réunissant dans un seul chenal les eaux qui en ont été séparées par les différents bras qui divisent la rivière au-dessus de Nantes ». Cette requête de 1755 eut le plus heureux des résultats puisqu'elle permit d'obtenir, outre les 35 820 livres non dépensées, une seconde dotation de 40 000 livres complémentaires payable en deux annuités (1755 et 1756).

La Loire et sa navigation périlleuse ...

Le 1763, une commission est chargé d'inspecter les ouvrages exécutés en Loire. Elle est à Couëron, la marée est encore trop haute pour effectuer les relevés voulus. Tout à coup une information ar­rive qui surprend MAGIN : « nous aurions été avertis environ les neuf heures du matin, que la frégatte du Roy "La Terpsicore" nouvellement construite sur l'île d'Indret étoit échouée vis-à-vis de la garenne de Couëron  ». Pourtant les sonda­ges précédents laissaient supposer une navigation sans dan­ger. La commission s'embarque, vérifie les profondeurs et constate que sous la frégate échouée à 50 toises du bord (100 mètres) il n'y a que 5 pieds d'eau soit 1,60 m alors qu'à 5 toises de la rive, la perche de 14 pieds (4,55m) qui sert d'étalon ne touche toujours pas le fond. La commission conclura à une erreur de navigation. .. Comme quoi il vaut mieux parfois passer au ras du bord plutôt qu'au large.

... ses bancs de sable changeants ...

« En 1766, il s'était formé à Indret, en peu de temps, un banc de sable si considérable vis- à-vis le chantier de construction de la frégate du Roi, la "Boudeuse", qu'on ne pouvoit la lancer à l'eau. Le sieur BOUVOUX, employé aux travaux de la Loire, sous le sieur MAGIN, fut chargé de couper ce banc, il y réussit et la frégate fut lancée sans acci­dent ».

... ou tout simplement son lit très encombré ...

« En 1766 et 1768, il n'y a eu que les batteaux plats qui y ont pu monter à l'isle d'Indret pour y charger les bois du Roy pour Brest et Rochefort parce que ces batteaux ne tirent que 6 à 7 pieds, les gabarres de Rhuis qui tirent 10,12 ou 15 pieds d'eau ont été obligées de rester en repos à Couëron : on leur a transporté les bois de l'isle d'Indret à la traîne ou dans de petites embarcations pour les charger à Couëron, il n'y avoit entre la queue de l'isle St Jean et l'entrée de Couëron en 1766,67 et 68 que 12, 15 pouces d'eau (0,3 à 0,4m)  ». Ces témoignages nous montrent combien la navigation sur notre fleuve était un art qu'il était particulière­ment difficile de maîtriser : «  L'entrée de la Loire étoit remplie d'écueils, la route pour les éviter n'étoit indiquée à nos Pilottes que par des signes variables et peu apparens. Lorsqu'on étoit forcé de faire entrer ou sortir un navire de nuit, il falloit l'abandonner au hazard. Delà des naufrages inévitables ».

... parfois volontairement

Ainsi la digue dite de la queue de Pléneau attenant à la motte d'Indret « C'est une ancienne pescherie formée de pierres mises à la main, elle traverse une grande partie du chenal, il n'y reste que trois pieds d'eau aussi l'enlèvement de la partie supérieure de cette digue ne sera pas difficile ; c'est un ouvrage nécessaire pour la sûreté des vaisseaux qui courent risque de s'y naufrager ».

Sans commentaires

Une violente polémique :

Un document imprimé mais non daté quoique antérieur au 22 novembre 1762 puisqu'il sollicite des crédits supplémentaires qui furent obtenus ce jour là nous apprend, grâce à la plume de GELEE de PREMION, Maire de Nantes, qu'« Il a été fait sur les desseins de M. MAGIN, Ingénieur de la Marine 570 toises courantes de digues très solides dans le lit de la Loire, pour former les canaux uti­les à la navigation, l'élévation de ces digues est telle que sans empêcher l'écoulement des crues fréquentes de cette rivière, elles obligent les eaux moyennes de passer dans un lit moins spacieux; l'augmentation du volume d'eau et une plus grande vitesse, lui donnent la puissance d'entraîner les sables qui remplissent le fond ; cette accélération en empêche aussi le dépôt, qui va se faire dans les endroits où l'eau est calme, au-dessus et au-dessous des digues. ».

L'effet de cette opération, la plus simple et la moins coûteuse qu'on peut employer a eu le plus grand succès ; les effets ont passé nos espérances et il ne peut plus rester de doute sur le rétablissement entier de la navigation, si l'on achève l'exécution du projet de M. MAGIN, en continuant de faire les digues et les autres ou­vrages qu'il propose ».

Pourtant en cette période, tout le monde ne semble pas partager l'optimisme presque béat de ce magistrat. Quelques années plus tard, en 1768, la situation a suffisamment évolué pour que notre « Ingénieur de la Marine  » semble avoir perdu tout crédit auprès de bien des personnes. En effet : « M. le duc d'AIGUILLON ayant été instruit de tous les murmures et du peu d'ordre que le sieur MAGIN tenoit dans ses ouvrages lui a ordonné depuis 3 ans qu'il ne fit faire aucun ouvrage dans la rivière qu'il n'eut donné un plan et un écrit au soutien à ceux qui étoient préposés à l'exécution et qu'il luy en envoya des doubles. Ces précautions n'ont pas servi à grand-chose ». En fait un conflit vraisemblablement très âpre a op­posé MAGIN à BONVOUX, l'un des inspecteurs chargés de surveiller les travaux. Ce dernier se plaint en ces termes : «  Il y a douze ans que je suis employé aux travaux de la rivière de Loire à Nantes à titre d'inspecteur et sous les ordres de M. MAGIN, Ingénieur de la Marine proposé à cette par­tie ; j'ai eu le malheur de lui déplaire, cet ingénieur, pour m'éloigner des travaux depuis le mois de mai dernier a eu recours aux plus affreuses calomnies, je m'en suis pleinement lavé devant M. LHIBAULT Maire et M. TIERCELAIN qui avoient été chargés par Mgr le duc d'AIGUILLON d'examiner ma conduite ». Son intervention a pro­duit ses fruits puisque « M. MAGIN reçut les ordres les plus précis de me rétablir dans mes fonctions ordinaires  ». Malgré ces consignes, ce dernier «  n'en refuse pas moins constamment de le faire, il avoit trop d'intérêt à me dérober la connoissance de tout ce qui pouvoit servir à me justifier ».

Quelques griefs formulés contre Magin :

« On observera que le sieur MAGIN n'a donné ce mémoire que vers la fin des Etats dont la majeure partie de son dire est faux, mais pour en imposer et que nos seigneurs des dits Etats eussent continue de donner 40000 livres pour continuer les ouvrages de la rivière vaille que vaille ; vu que de 1777 à 1778 il a dépensé 20000 livres sans faire un pouce d'ouvrages dans la dite rivière, pour la rendre navigable mais bien dans les environs de Couëron dont le port est très mauvais et le deviendra de plus en plus »

. « Lorsqu'en 1754 M. MAGIN fut chargé de travailler au rétablissement de la navigation de la Loire, la disposition géométrique des bancs qui sont à l'entrée de cette rivière, n'étoit point inconnue, la carte qu'il en a donnée n'est qu'une copie de celle qui se trouve dans le neptune français que le public a entre les mains depuis plus de cinquante ans ; celle de M. MAGIN est à plus gros points, c'est tout ce qui en fait la différence. Les deux tours d'AIGUILLON servent pendant le jour de marque plus certaine pour l'entrée en les tenants l'une par l'autre mais elles ne sont d'aucune utilité pendant la nuit, on n'y a jamais allumé de feux et M. MAGIN n'a point encore décidé de quelle espèce doivent être ceux qu'on y doit mettre ».

« On désireroit savoir quelles sont les raisons qui ont porté :M. MAGIN
1°) à préférer le canal du nord de l'isle d'Indret à celuy du sud qui paraissoit le plus naturel et devoir estre le plus profond.
Suivant le raport des pilotes et les dépositions des habitants de la Basse-Indre, les eaux s'y jettent encore malgré la digue qui les barre, engagées dans ce chenal, elles ont obligées de se replier sur elles-mêmes pour venir chercher leur sortie par la teste d'Indret et tomber dans le canal du nord.

Il est en outre constaté que le chenal du sud est très fréquenté et qu'il se prolongeoit au-dessous de Saint Jan de Boissau, la côte du sud est d'ailleurs bordée de rochers escarpés, signe manifeste de la profondeur con­séquemment de la pente des eaux. »

2°) Avant de fermer le passage du sud M. MAGIN ne devoit-il pas tenter d'approfondir le haut fond qui se trouve à l'extrémité de l'isle d'Indret dans le passage du nord et qui suivant le rapport des pilotes s'élève et s'est élevé depuis la digue qu'il a construite dans le canal du sud, le sol de pierre où se trouve ce haut fond est peut estre un obstacle invincible à son aprofondissement »

Sans commentaires

Beaucoup de griefs sont reprochés à MAGIN. Il semblerait qu'il ait été très soucieux de garder par devers lui un certain nombre de documents qui lui assurait une connaissance non partagée des affaires. En outre, les décisions qu'il prît ont été apparemment décidées sans de grosses concertations avec toutes les parties intéressées. « il n'a pris l'avis de qui que ce soit dans une entreprise de si grande conséquence ; qu'il auroit pu pour se mettre à l'abri de tout reproche à ce sujet et sans compromettre son talent consulter les pêcheurs, les pilotes, les capitaines de navires, le général de la paroisse de Bouguenais et le commerce de Nantes avant d'avoir pris un parti qui devoit décider du sort de la navigation  (il s'agissait dans ce cas du canal du Botty face à Bougue­nais) ». Bien d'autres griefs lui seront reprochés (voir quelques uns d'entre eux en encadré). Toutes ces considérations feront que quelques années plus tard, la ville de Nantes prendra un arrêté sur lequel on pourra lire : « En 1768 les Etats ont délibéré qu'il seroit payé au sieur MAGIN une somme de 4719 livres 18 sols pour apurement des comptes jusques et y compris le 31 dé­cembre 1768 lesquelles sommes ne lui seront payées qu'après qu'il aura remis à la commission intermédiaire tous les plans qu'il a levés, devis et procès-verbaux aux différents ouvrages de la Province, les Etats ayant au surplus arrêté qu'à l'avenir il ne sera plus fait de fonds en faveur du sieur MAGIN ». A la suite de cette délibération apparaît la liste des documents réclamés sur laquelle on trouve même « Le plan général de la rivière de Loire ... qui démontre l'état où était la dite rivière avant qu'on y eut travaillé  ». Les édiles locaux se plaignent de ne détenir aucun document, plan, mémoire ou autre, relatant les travaux qui ont été exécutés ces dernières années. Leurs revendications ne semblent pas avoir beaucoup d'effet, les obligations de MAGIN l'ont amené depuis longtemps à travailler également dans d'autres villes de Bretagne. A la mort de ce dernier, satisfaction n'a toujours pas été obtenue. C'est ainsi que ses héritiers trouvèrent dans ses papiers une liasse de plans qui provenaient de la région nantaise. En toute bonne foi, ils s'adressèrent au Maire de Nantes pour lui vendre ces pièces qui manifestement devaient présenter un intérêt pour la collectivité locale. On imagine la réaction de ce dernier.

Pourtant il serait malhonnête de n'attribuer que des critiques à cet homme. Certains de ses contemporains qui lui reprochaient son manque de coopération et d'avoir adopter comme maxime "Le savoir c'est le pouvoir" lui reconnaissaient toutefois un certain nombre de mérites : « Quoiqu'il en soit, on doit au sieur MAGIN la justice de croire qu'il a eu de très bonnes vües dans le plan qu'il a formulé pour l'amélioration de la Loire et qu'il a fait tous ses efforts pour y réussir. En effet, il a établi des épis fixes et flottants ; il s'est servi d'une herse pour remuer les sables et les faire écouler ; il a joint des isles par des digues et enrochements, il a bouché le canal de Cheviré, puis celui du Botty, enfin il a pensé que tous ces différents ouvrages devoient rappeler les eaux vers le nord ; mais malheureusement pour ses projets et la navigation, l'expérience et l'état actuel de la rivière démontrent également qu'il s'est trompé ». Certains d'entre eux écriront même : « On peut inférer de cette opération que la digue de fascinage à la partie du sud n'a point été atterrie, comme l'avoit fait espérer le sieur MAGIN et qu'au contraire, il y règne plus de profondeur que dans celle du nord ; ce qui prouve avec évidence que l'inclinaison de la Loire la porte naturellement au sud, et qu'on ne réussira point à la rapprocher de la côte du nord ». Deux siècles plus tard, nous sommes bien obligés de constater où coule le lit du fleuve. Le fait est qu'il se fit beaucoup d'ennemis en choisissant de forcer les eaux à s'écouler sur le versant nord aux rivages plats alors que de tous temps, la côte sud, beaucoup plus abrupte entre Bouguenais et le Pellerin, assurait des profondeurs plus importantes et avait pu ainsi bénéficié du trafic fluvial. On ne déroge point impunément aux habi­tudes surtout si celles-ci sont ancestrales.

Quelques autres inconvénients :

Outre les problèmes que MAGIN s'attira par son manque de coopération avec les principaux responsables du moment, le Maire nantais, en 1762, rédigera une supplique dont la teneur demeure assez cocasse si l'on sait que cette dernière fut adressée ... au roi lui-même. En effet, il se plaint peu de temps après le début des travaux de deux inconvénients qu'il doit considérer comme majeurs, vu l'auguste interlocuteur auquel il s'adresse : - 1°) « la plupart des propriétaires riverains de ces atterrissements pour agrandir leur possession sous le prétexte du droit d'alluvion pourroient envahir les dits atterrissements à mesure qu'ils se formeront ». Il propose donc que soient mises en place des « bornes fixes et certaines » au fur et à mesure que les terrains apparaîtront et que ce soit l'Intendant de Bretagne qui soit commis à cet effet. - 2°) « les bestiaux qui se mettent sur les isles et prairies voisines y viennent pâturer et brouter les plantations, ce qui les détruit chaque année, retarde par là l'effet qu'on avoit lieu d'en attendre ». Prétextant, d'une part que le sol de ces nouveaux terrains n'est constitué que de sables et qu'il n'est pas possible d'y planter des poteaux pour créer des clôtures, d'autre part que des fossés ou des douves seraient systématiquement détruits par le fleuve chaque année lors de ses crues, il réclame le droit de faire saisir les animaux qui s'aventureraient sur les îles et de ne les rendre à leurs propriétaires que lorsque ceux-ci se seraient acquittés de l'amende qui leur serait infligé par les tribunaux locaux. Le conseil du roi répondra très vite à cette supplique. Toute­fois s'il donne son accord pour ef­fectuer un relevé des atterrissements pour dissiper tout litige sur la notion de propriété, il demeure muet sur le sort des animaux qui auraient l'outrecuidance de brouter une herbe dont le rapport servira au bien de la collectivité nantaise. Une seconde demande effectuée quelques années plus tard n'obtiendra pas plus de succès. Nos conseillers royaux avaient probablement d'autres soucis qu'ils devaient juger plus dignes d'intérêt.

Le long voyage de Nantes à Painboeuf en 2 semaines et demi et 2 échouages :

« Le navire  ( il s'agit du "Quater" jaugeant 330 tonneaux )  tirant 8 pieds 5 pouces d'eau appareilla le 29 mai 1764 aux marées de la nouvelle lune pour descendre à Paimboeuf ; suivant le repère de l'isle Feydeau, il y avoit encore ce jour 3 pieds de crüe. »

Le vent portant en route et le temps calme, il se présenta pour passer le banc de Chantenai. Il échoua et resta touché quelques efforts qu'on fit jusqu'au vendredi 1er juin qu'on fut obligé de l'alléger d'environ 4 tonneaux. La marée du vendredi étant devenue un peu plus forte, on le tira de dessus ce banc à force de ..., il est vrai de dire que les vents soufflant continuellement dans le nord rendirent les marées de ce gros d'eau très faibles.

On le mouilla au-dessus du second épi, parce que le gros d'eau était passé, il n'y avoit plus d'espérance de passer la somme de la queüe des plombs. Il déjaugeoit d'environ 2 pouces. Tout le monde fut congédié et l'équipage renvoïé avec la conduite. Le trajet de Chézine à ce second épi coûta fort cher tant par les 4 jours qu'on emploïa à le faire que par la perte des provisions qui avoient été faites pour la descente du navire. Il fallut mettre deux gardiens à 40 sols par jour et nuit.

Le mercredi 13 de juin aux marées de pleine lune il appareilla à 5 heures du matin avec son petit hunier et sa mizaine pour donner dans le passage de Roche-Maurice, ne tirant plus que 8 pieds 4 pouces parce qu'on n'avoit pas remis à fond ce qui en avoit été ôté.

Il fut arrêté un peu au-dessous de Roche-Maurice par un banc sur lequel il toucha, lequel banc subsiste depuis quatre ans, malgré le rétrécissement de la rivière dans cette partie, et quoy que les crües et les glaces n'aient plus d'autres ... il passa le soir ce banc et se présenta sur le passage de la queüe des plombs. Il se traîna sur le sable jusqu'à la ...... et à la faire avancer d'environ 2 longueurs..... marées et avec de très grands efforts.

Le sieur ARNOUS aïant appris que le navire n'avoit point bougé à la marée du vendredi matin craignit qu'il ....... sur ce banc et pour prévenir les inconvénients et le retardement d'une si longue touche il se transporta à bord afin de faire une dernière tentative pour le tirer d'un si mauvais endroit où il ne restoit que deux pieds à 2 pieds ½ d'eau dans tous les environs du navire.

On commença par ôter généralement tout ce qui étoit à bord, on ne laissa que ce qui étoit absolument nécessaire pour le faire tomber sur l'avant.

On établit un câble de 12 pouces sur les rochers de la Haute Indre, sur le bout de ce câble on aiguilleta une cayorne de carenne en six avec un franc-funin garni au cabestan.

On porta une ancre de 700 dans l'ouest à toute la longueur d'un grêlin garni au guindeau.

Quand la marée fut prête d'être pleine on fit effort sur ces deux appareils avec 40 hommes avec lesquels on fit rouler de tems en tems le navire dont le tirant d'eau et le poids spécifique devoit être alors beaucoup diminué par la décharge du matin. Malgré tous ces efforts le navire ne pourroit encore partir. Enfin il fallut faire encore une autre manoeuvre et braver en quelque façon les risques qui devoient en résulter.

Quoy que le navire n'eut rien dans la cale pour faire équilibrer avec sa mature et ses voiles, on se détermina cependant à les mettre dehors. On mit le petit hunier en tête de mât avec la mizaine et le shenan. Il n'estoit bon frais de nord-est. Le navire donna une grande bande ; ce qui diminua son tirant d'eau. L'effet du vent réuni on .............. aux efforts que l'on faisoit sur les appareils le firent enfin sortir de dessus le banc, il alla mouiller à l'isle d'Indrette, les marées devenant plus fortes vers Couêron il s'est rendu à Paimboeuf le dimanche matin.

On peut juger par le détail de ces opérations combien les travaux exécutés dans la rivière depuis dix ans ont rendu la descente des navires facile, peu risquable et peu dispendieuse, surtout quand on observera que ce navire ne tiroit que 8 pieds 3 pouces, circonstance rare pour un navire de 330 tonneaux, qu'étant à fond plat on n'a pas craint de l'échouer sur les passes pour profiter de toute la marée pour passer les sommes, que le navire étoit très fort, on le rouloit à le faire frémir dans toutes ses parties et qu'enfin étant sûr de sa stabilité on n'a pas craint de le vider entièrement. D'ailleurs on n'a rien épargné pour les hommes et pour les barges quand le navire a passé la somme devant la Haute- Indre, il n'y avoit autour du navire que sept pieds et demi de pleine mer .

Le 6 octobre 1767, un autre navire le "THOMAS" jaugeant également 330 tonneaux est lancé à Nantes par marée de pleine lune, les vents soufflant d'aval, ce qui freine un peu la descente des eaux. Pour parer à toute éventualité on l'allège : « On a fait sur le chantier, afin de diminuer son tirant d'eau un appareil consistant en 4 pièces à l'eau de 6 barriques pour chaque bord.
Il tiroit en cet état sept pieds et demi sur l'arrière et sept pieds huit pouces sur l'avant 
». Malgré toutes ces précautions, la descente est loin de se dérouler dans des conditions optimum : « Il a mis six marées pour descendre de Nantes au Pellerin, il a échoué en différentes marées sur des passes ».

Quelles conséquences directes pour St Jean et ses environs ? :

En 1758, lors de la signature du royal arrêté, certains travaux ont déjà commencé à transformer le paysage, ainsi : « la digue qui a été faite entre l'île d'Indret et Boiseau ayant intercepté le très grand volume d'eau qui y passait, il s'est amassé une grande quantité de sable le long de l'île Pivint, Mavotte  ( Marot ou Boucane située à l'est )  et Carter (Chartro, si­tuée entre la précédente et l'île d'Indret) ,ce qui procurera au moyen de plantations (un) atterrissement ». L'ensemble de ces îles et de ces sables regroupe une surface de 75 journaux soit 3,64ha.

Les projets ne manquent pas puisque « les eaux étant interceptées entre l'île d'Indret et Boiseau et le cou­rant de l'eau étant entièrement faible entre l'île Maindine et l'île Rangeot, on pourra les réunir au moyen de plantations et autres ouvrages ... Sur le plan est contenu suivant l'état d'évaluation entre les îles Maindine, le Rangeot et la terre ferme 79 journeaux, que la digue d'Indret ayant aussy intercepté le volume d'eau qui passoit entre l'île St Jean, l'île Télindière on pourra par des plantations sur les sables qui s'y déposent réunir ces deux îles ce qui mettra la rade du pelerin dans un état à ne plus éprouver les changements désavantageux occasionnés par la trop grande largeur de la rivière ». Ces indications nous sont fournies par un arrêté royal signé à Versailles le 21 mars 1758. Mais ce document a une autre incidence beaucoup plus importante. Nous avons vu comment la notion d'atterrissement viable économiquement était apparue. C'est cet arrêté qui va décider du sort du lit du fleuve. En effet, les terres gagnées sur le lit sont propriété royale, nul ne peut donc, en cette période, en disposer sans l'accord de Louis le Bien-Aimé, quinzième du nom. Or « tous ces ouvrages exigeront un entretien annuel considérable  » et « il n'est pas juste que le Roy ou la province soient chargés de cette dépense perpétuelle, que la communauté de Nantes dont les revenus indiqués puissent suffire à peine à l'entretien de ses quays, ponts et autres ouvrages publics; n'étant pas en état d'y fournir ... il s'agit de trouver d'autres moyens pour assurer à jamais les suites d'une entreprise aussy utile, ce qui intéresse non seulement la ville de Nantes mais le royaume en général, que la Loire traverse dans presque toute son étendue, qu'il s'en présente un bien naturel dans les atterrissements ci-devant énoncés ». Nantes, dans une requête précédente avait fait remarquer que « si Sa Majesté à qui ils appartiennent (les atterrissements)  comme faisant partie du lit de cette rivière et comme créés par les ouvrages faits à ses dépens et à ceux de la province de Bretagne , elle pourrait « en faire concession à la communauté de Nantes, pour en faire et disposer comme bon lui semblerait à la charge de fournir à perpétuité à tous les frais qu'exigera l'entretien des dits ouvrages, et en outre de payer au domaine du Roy une rente annuelle ». Cette solution eut l'heur de plaire à Sa Majesté et à son conseil royal. L'arrêt stipule donc qu'il sera « fait concession à la communauté et habitants de la ville de Nantes de tous les terrains qui ont été et seront atterris par les digues et autres travaux que la communauté a faits ou pourra faire dans la rivière de Loire au-dessus et au dessous des ponts de la dite ville de quelqu'étendue que puissent être les dits terrains ... jouir des dits terrains, avec faculté de les vendre et aliéner à son profit ainsy qu'elle avisera, à condition d'en employer le produit à l'entretien et aux réparations des digues et autres ouvrages qui seront jugés nécessaires pour la navigation dans la dite partie de la rivière de Loire et à la charge en outre de payer au domaine de sa Majesté à compter du jour du contrat un cens de dix livres pour chacun an. Le dit cens comportant lods, les ventes aux mutations qui pourront arriver des dits terrains suivant la coutume des lieux ».

Ainsi la communauté Nantaise allait pouvoir grâce à cet arrêté disposer de nouveaux terrains avec « la faculté de les vendre et aliéner ». Cette clause allait permettre de passer des contrats avec de petits potentats locaux qui vont trouver, là, le moyen de s'enrichir. Ce sera notamment le cas pour notre localité. Notre page suivante vous narrera comment deux d'entre eux surent saisir cette opportunité, alors qu'un troisième qui , disposant pourtant d'appuis haut placés, ne réussira pas comme il l'espérait. Il est vrai qu'il comprit beaucoup plus tard l'intérêt qu'il pouvait tirer de cette possibilité.

Deux mois plus tard, les Conseillers Généraux du Conseil royal officialiseront le décret qui donnait à la ville de Nantes la pleine possession de tous les terrains qui avaient été ou qui seraient gagnés sur le cours de la Loire par suite des travaux d'aménagement du fleuve.


Délibération adressée aux Etats de Bretagne par les autorités nantaises :

« A Nos Seigneurs les Etats de Bretagne

Par votre délibération du 22 novembre 1762, vous fîtes fonds d'une somme de 40 000 livres pour la ville et rivière de Nantes, aux conditions que la communauté renonceroit aux atterrissements, et obtiendroit le rapport de l'arrêt du Conseil, pour que le produit des atterrissements tourne en entier au profit des ouvrages de la rivière ; et vous chargeâtes les Députés de la ville de Nantes d'en rendre compte aux Etats, dans cette assemblée.
Vous ignoriez sans doute, Nos Seigneurs, que la ville de Nantes, lorsqu'elle obtint en 1758 la concession des atterrissements dans la rivière de Loire ; n'avoit eu d'autre objet, et n' a encore que celui qui a dicté votre délibération ; elle avoit prévenu vos désirs, et elle n'a acquis ces possessions que conformément à vos intentions; son titre est à la charge que le produit tourne en entier au profit de vos ouvrages, la ville s'étant chargée à perpétuité de leur entretien et réparation.
Nous allons vous rendre comptres de tout ce qui s'est passé à votre égard, nous prendrons les choses dès leur principe, et nous les suivrons par ordre.
Le nettoiement de la rivière de Loire étoit depuis longtemps devenu nécessaire et indispensable ; dès 1740 vous reconnûtes cette vérité et vous vous intéressâtes à cet objet important ; les travaux commencèrent en 1755 ; le Roi contribua à la dépense et fournit des sommes égales à celles que la Province avoit données dans les deux premières tenües, et cette somme a monté à 80 000 livres.
Les ouvrages étoient avancés dès la fin de 1757 ; les atterrissements commençoient à paroitre, et déjà des particuliers, des traitants faisoient des mouvements pour en obtenir la concession ; Les Maire et Echevins présentèrent alors leur requête à Sa Majesté, ils exposèrent que les ouvrages qui étoient faits et ceux qu'on se proposoit de faire exigeroient par la suite des réparations annuelles et un entretien considérables ; que pour assurer à jamais le succès d'une si grande entreprise, et aussi importante, non seulement pour la ville de Nantes et la Province, mais pour tout le Royaume, puisque la Loire le traverse dans presque toute son étendue, il étoit nécessaire de faire un fonds pour entretenir par la suite les ouvrages faits et à faire ; qu'il ne paraissoit pas juste que le Roi et la Province qui sacrifioient des sommes pour ces ouvrages, fussent encore chargés de leur entretien, tandis que des particuliers ne manqueroient pas de s'emparer, soit à titre de concession ou autrement, des terreins que ces travaux avoient déjà formés et formoient tous les jours, lesquels paraissoient devoir donner à l'avenir un revenu suffisant pour subvenir à l'entretien et réparations de ces mêmes ouvrages.
Les Maire et Echevins exposèrent, par la même Requête, que les revenus de la Communauté suffisoient à peine à ses charges locales et ordinaires, ils demandèrent qu'il plut à Sa Majesté de lui accorder en pleine propriété les atterrissements qui faisant partie du lit de la rivière, appartenoient incontestablement au Roi, parce que la ville se chargeroit de l'entretien et réparation des digues et autres ouvrages faits et qui seroient faits pour le rétablissement de la navigation dans cette partie de la Loire, et payeroit au surplus un cens au Domaine de Sa Majesté ».

Pour agrémenter quelques vues à vous.